La Pologne Online


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Décembre, Avent, Noël…..






 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En Attendant Noël

Les journées sont de plus en plus courtes, les nuits, de plus en plus longues, le crépuscule arrive de plus en plus tôt… Quand le ciel commence à s’obscurcir à partir de 16 heures de l’après midi, c’est que Noël arrive…

Noël avec sa nuit la plus longue et la plus courte de l’année.

Longue, puisque l’obscurité est reine depuis le milieu de l’après midi, courte, puisque c’est la nuit la plus remplie, la plus vivante de l’année.

La plus attendue aussi.


L’Avent

L’attente commence 4 semaines avant Noël, par une période de recueillement et des préparatifs, appelée l’Avent.

L’Avent est parsemé d’évènements, notamment la venue de Saint Nicolas, le 6 décembre.

Cette fête, méconnue en France, à part dans les régions de l’Est – en Alsace et en Lorraine, est très appréciée, et redoutée, par les jeunes et les moins jeunes Polonais.

Le Saint Nicolas vient rendre visite aux enfants de partout, dans les écoles, les églises, les maisons…

Il ne vient pas seul, puisque le Père Fouettard l’accompagne, ainsi que l’Ange, chacun muni d’attributs pour récompenser, ou punir, les enfants. Les enfants reçoivent des petits cadeaux, surtout des gourmandises… c’est déjà l’avant goût de Noël.

Et puis l’attente de Noël se fait dans les traditions religieuses, dont Roraty font partie.

Roraty est une cérémonie religieuse, jadis quotidienne, aujourd’hui plus espacée, accompagnée d’une messe, pour préparer les âmes à la naissance de Dieu.

Quand j’étais enfant, dans la très catholique Silésie, nous nous levions tous les matins pour nous rendre à la messe de Roraty qui avait lieu à 6 heures du matin. Il faisait nuit noire quand Maman nous sortait du lit, avec de plus en plus de difficultés au fil de jours, pour aller à l’église.

Nous bravions le froid et l’hiver, munis des lampions, pour nous rendre à la messe, en un long cortège lumineux des enfants…

Et puis Noël arrivait… la maison était nettoyée de fond en comble… les provisions s’entassaient… pas touche avant le jour J !!!

Quand les carpes envahissaient la baignoire, c’était le signe qu’il n’y avait plus longtemps à attendre !!!


La Veille

La Veille de ce grand jour, c’est le 24 décembre. Un jour de partage, riche en traditions, en coutumes, dont la plus importante est „Oplatek”, l’hostie, symbole de vœux liés à cette journée.


Selon la tradition, le comportement de tout un chacun durant cette journée de 24 décembre influera sur son comportement tout au long de l’année. Chaque événement a son importance, de nombreux dictons populaires en témoignent „Jakis w Wigilie, takis caly rok” – „Comme tu es la Veille, tu seras toute l’année”, „Kto oberwie we Wigilie, ten bedzie bity caly rok” – „Qui s’en ramasse une le jour de la Veille de Noël, en ramassera toute l’année”, etc.….

Le jour de la Veille de Noël, il est d’usage de se lever de bonne heure, pas de grasse matinée, la stricte ponctualité est de rigueur.

Surtout, il faut éviter de prêter quoique ce soit aux autres en cette journée, pour ne pas laisser fuir le bonheur de la maison.

Certaines taches ménagères sont tout bonnement interdites, comme la lessive ou l’étendage du linge, tout linge en train de sécher doit être rangé en urgence avant Noël, certains prétendent même que le linge étendu pour Noël présage un décès dans la famille. Une femme enceinte ne doit rien laver la veille de Noël, au risque de mettre au monde un enfant handicapé.
Il est également interdit de couper du bois, ceci pour que l’année à venir soit bonne pour les récoltes et dépourvue de catastrophes naturelles. Ceux qui s’y risquent, risquent des maux de tête toute l’année.

Pour ce qui est de petits enfants, il ne faut surtout pas les asseoir sur la table, ils risqueraient d’attraper des furoncles.

Il est également interdit de planter des clous dans les murs, ça provoque des rages de dents pour l’année à venir.

Par contre, il est recommandé de refiler une petite quantité de déchets ménager aux voisins, l’argent restera ainsi dans la maison pour l’année. Il faut aussi éternuer au moins une fois durant la journée, ça permet d’éviter une mort précoce.

Bien entendu, les règles que j’ai énumérées, varient selon les régions, selon les familles… chacun la sienne !

Le réveillon de Noël est une journée propice pour les bonnes résolutions, comme par exemple arrêter de fumer, de boire, de faire une bonne action au moins une fois par an. Il paraît qu’il est plus facile de tenir les promesses faites en cette journée….

Le repas

Ce repas, qui était pour moi le plus important de l’année, est régi par la magie des nombres. Selon la tradition, le nombre de convives doit être toujours pair, au risque d’une mort prochaine, mais le nombre de plats doit être impair. Mais selon des enquêtes, assez récentes, la magie des nombres opère de plus en plus, comme le nombre 12, en référence aux mois de l’année et, bien sur le 7, comme les jours de la semaine.


Il est de rigueur de goûter à tous les plats, celui qui n’en dédaigne aucun n’aura jamais faim, mais celui qui renonce à en goûter, ne serait-ce qu’un seul, aura, au cours de l’année à venir autant de plaisir en moins que de plats refusés.

A part la maîtresse de maison, qui fait le service à table, aucun des convives n’a le droit de se lever au cours de ce repas important, au risque d’amener la mort dans la maison.

Il est tout aussi important de ne pas faire tomber son couvert, si ceci se produit, il est probable de ne pas fêter d’autres Noëls par la suite.

La coutume veut qu’on mette sur la table de ce repas du foin – symbole de la naissance du Christ.

Une place vide est toujours laissée sur la table polonaise, avec le couvert mis, cette place est destiné à un hôte de dernière minute, ou un vagabond, un solitaire inconnu, pour Dieu lui-même, ou alors pour son fils.

Il n’est pas rare de voir sur la table de la Veille de Noël, à coté des bougies, de l’ail, ou alors -sous la table, un marteau, pour protéger les récoltes des prédateurs, pourquoi pas des clous, qui, tout comme le marteau, ont un certain pouvoir, mais aussi la hache, pour garder la puissance, la force dans les jambes, dans tous les cas, ces outils ont un rapport avec la passion de Christ.

Après la première guerre mondiale, dans la Silésie des environs d’Opole, il n’était pas rare d’introduire une vache dans la salle à manger, pour qu’elle accompagne ce repas de la Veille, parce que souvent la vache était tout ce que les gens possédaient et elle était respectée comme un être humain.

Après le repas, les célibataires des deux sexes sortaient de sous la nappe de la table de fête des brins de paille ou du foin, qui y étaient cachés au préalable. S’ils étaient verts, le mariage était proche, fanés – signifiait l’attente, jaunis – le célibat à vie….

Les jeunes filles tressaient des couronnes avant le repas et le soir venu, elles les jetaient sur les arbres. Si après 3 essais la couronne tombait, cela signifiait que l’année à venir se passerait sans noce. On lançait aussi les chaussures en direction de la porte, si la chaussure tombait tournée vers la porte, cela signifiait que la jeune fille allait quitter la maison dans l’année, au bras d’un mari, bien sur. Les filles mettaient aussi, sur le pas de la porte, des os, les chiens venaient les renifler, celle dont l’os partait le premier, allait se marier en premier, dans l’année, bien sur….

En cette journée particulière, on nourrissait les animaux, surtout les chiens et les coqs, qui veillaient sur les maisons, avec des morceaux de pain frottés à l’ail, afin d’éveiller l’odorat de ces braves bêtes, donc, par conséquent, augmenter leur vigilance.

La maîtresse de maison, en cette journée, remplit les épluchures d’oignon de sel, une épluchure par membre de famille, si le lendemain le sel a fondu dans les épluchures, la mort est proche pour la personne concernée…





Les plats de la veille de Noël

Les tables silésiennes ont toujours été richement garnies en cette veillée de Noël, sauf les années de famine, misères, crises économiques.


Des qualités magiques ont été attribuées même à certaines denrées. Ceci était la conséquence d’un culte quasi sacral qui était porté à la nourriture dans cette région ouvrière, mais aussi de la peur de la faim.


Au cours du repas de la veille, mais souvent tout de suite après, on servait aux enfants de l’œuf dur, pour qu’ils ne se perdent pas dans la foret au cours de la cueillette de champignons ou de myrtilles. Il était d’usage aussi de consommer des pommes, pour ne pas avoir mal à la gorge, et des noix, pour ne pas avoir mal aux dents.

Mais voilà le menu type servi à la table silésienne le 24 décembre au soir : siemieniotka, la soupe à base de grains de lin broyés, servi avec du gruau, ou alors la soupe de poisson (carpe de préférence), ou alors la soupe aux champignons, aux haricots secs, le zur aux pommes de terre, la soupe aux amendes avec du riz, mais aussi le borscht à l’ukrainienne avec des raviolis.
La première de la liste, la siemieniotka, selon les croyances, protégeait contre la gale et les furoncles…. La mère au foyer devait obligatoirement en goûter, au moins du gruau qui l’accompagnait, comme ça elle était sure que son cher époux allait lui remettre tout l’argent qu’il gagnait et qu’il n’allait pas le boire au café…. Manger des champignons assurait à la maison de la prospérité et de la richesse.

Le poisson est incontournable dans le menu de Noël….., poisson accommodé à toutes les sauces : d’abord et surtout la carpe, brochet des fois, mais souvent des beignets à base de la chair de poisson hachée, mais aussi le hareng mariné, à la crème, à la mayonnaise ou des rolmops.

En guise de légume : pourquoi pas les poids cassés aux choux, manger du poids cassé assure une année riche dans les champs et des poules pondant beaucoup…. Ou alors les pierogis aux choux et aux champignons, à défaut, on peut les faire au fromage. Le tout accompagné de la sauce aux champignons séchés, avec des pommes de terre.
On peut également servir des golabki, c’est à dire des choux farcis, avec du gruau de Sarazin, avec une salade de légumes, souvent marinés, raviolis aux choux et aux champignons. Mais aussi des kluski aux myrtilles, ce qui assure une bonne récolte dans l’année, ce plat se prépare avec la farine et l’eau.

Et puis, en Silésie, il y a l’incontournable moczka, un délice sucré, très riche, à base de pain d’épice, mais aussi les makowki, à base de pavot et de biscottes…. Manger des makowki assurait l’intégrité et l’unité de la famille silésienne.

Et puis il y a kutia, brioche au pavot, au fromage blanc, les beignets, célèbres paczki, les favorkis, la compote aux fruits secs.

Enfin, bref, une pléthore de plats, aussi délicieux les uns que les autres….

Bien sûr, cette journée du 24 décembre est une journée maigre… pas de viande, et pas d’alcool, au moins jusqu’au soir, puisque dès que le repas de veille est terminé, il est d’usage de sortir la meilleure bouteille…

Mais parlons-en de ce repas, de son déroulement :

Le repas de la Veille de Noël, le seul vraie repas de cette journée, commence dès que la première étoile apparaît sur le ciel, c’est à dire aux environs de 4 heures de l’après midi, la nuit arrive tôt en cette saison hivernale…. Le repas ne dure pas longtemps, comparé aux habitudes occidentales (surtout françaises), les plats se succèdent, on est tous pressés d’en finir pour passer à la suite de cette soirée magique, c’est à dire cadeaux, chants autour du sapin, la messe de minuit et la longue marche à pied vers l’église distante, illuminée, joyeuse…..

Le repas terminé, on dessert et on nettoie rapidement, pour pouvoir ouvrir les cadeaux déposés sous le sapin, après quoi, chacun prend place autour du sapin illuminé pour un concert de cantiques maison, avant de se rendre à l’Eglise, pour assister à la plus belle messe de l’année – la Messe de Minuit.

Que de souvenirs, que de parfums, que de saveurs….

Si vous voulez connaître l’âme polonaise, allez donc passer Noël dans un cercle familial polonais !

Sabine Skowronek Raffin
Sab@klub-beskid.com

 

 

 




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