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La
France, qui voyait naître son industrie au début du
siècle précédent, avait besoin de plus en plus
de main-d'uvre.
Elle la trouvait dans ses réserves qu'étaient ses
Provinces, ses Régions.
Mais la Grande Guerre, ayant fait son uvre, il fallait s'adresser
ailleurs.
C'est vers l'étranger qu'elle a dû se tourner pour
trouver de quoi satisfaire les besoins de ce nouveau phénomène
L'INDUSTRIALISATION
S. Nentwik
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Ces Polonais, où sont-ils
? Que sont-ils devenus ?
Lorsque, après
les hostilités de la Première Guerre mondiale, l'Armistice
étant signée, la Victoire proclamée, les
militaires rentraient enfin chez eux. Ceux qui ne sont pas rentrés
figurent sur les monuments aux morts, de chaque village de France,
il a fallu faire " l'inventaire ".
L'inventaire des rescapés, des blessés, des handicapés,
ainsi que l'inventaire de l'urbanisme, des maisons détruites
etc.
La situation n'était pas brillante, la mécanisation
n'étant pas ce qu'elle est aujourd'hui
Pas de camions, pas de tracteurs, pas de grues, à peine
des chevaux, rescapés eux-aussi de la guerre
Il a fallu chercher des bras ailleurs
Les conditions du traité de Versailles ont permis à
un pays, rayé de la carte de l'Europe pendant 123 ans,
la Pologne, de renaître de ses cendres. Ces Polonais, éparpillés
dans les profondeurs des pays occupants, l'Allemagne, la Russie
et l'empire Austro-hongrois rentraient chez eux. Mais la terre
de leur nouvelle Patrie ne pouvait les nourrire tous..
Il leur fallait chercher leur pain ailleurs.. D'où cet
accord entre la France et la Pologne en 1919, de transférer
l'excédent de main-d'uvre de la nouvelle Pologne
vers la France.
Et ce fut la migration massive de l'Est vers l'Ouest de l'Europe.
Ils ont été répartis en fonction des besoins,
des spécialités là où on avait besoin
d'eux.
Recruté en Pologne, les mineurs recevaient leurs affectations
dans les mines..
Ils venaient du bassin houiller de Silésie, ou du bassin
de la Ruhr allemande. Ils connaissaient leur métier, leur
adaptation ne posait pas de problème. Les ouvriers agricoles
connaissaient le travail de la terre. Ils ont trouvé des
animaux identiques à ceux qu'ils avaient laissés
chez eux
On leur demandait de produire de quoi nourrir la
population.
Les ouvriers des fonderies n'ont pas failli à la tâche,
leur reconversion s'est avérée facile, leur adaptation
n'a posé de problèmes.
Ils se sont installés dans toutes les régions de
France, s'y sont intégrés, tout en gardant leur
culture et leur identité originelle. C'est amusant de rencontrer
des noms en " ski " qui parlent avec l'accent du terroir,
de la région où ils se sont enracinés
du Ch'timi ou du bourguignon
Et il en fût ainsi pendant vingt ans..
Le mineur arrachait le charbon du ventre de la terre.. L'ouvrier
agricole marchait dans le sillon creusé par la charrue
devant lui, en transpirant autant que son cheval ; les tracteurs
étaient rares à l'époque
Les ouvriers d'industrie, de fonderie, les plus habiles prenaient
l'initiative voire le commandement des opérations liées
à leur métier..
Vint ensuite la deuxième guerre
mondiale
Lorsque le 1er septembre 1939 la Pologne fût envahie pars
les Allemands d'un côté, les Russes de l'autre, une
partie de l'Armée polonaise démantelée s'est
trouvée en France afin de continuer le combat, sous les
ordres du Général Sikorski.
Pour compléter ses effectifs, une mobilisation des ouvriers
immigrés a été effectuée ce qui a
permis de lever une armée composée d'éléments
polonais dont 4 bataillons ont fait partie du corps expéditionnaire
français en Norvège dont témoignent les cimetières
militaires de Narwik pour les soldats français et de Balangen
pour les soldats polonais.
Vint la débâcle de 1940 Une fois de plus l'Armée
polonaise de France a été démantelée.
Une partie s'est trouvée prisonnière en Allemagne
au même titre que l'Armée française, une autre
internée en Suisse, ainsi qu'une troisième s'est
trouvée en Angleterre. Cette Armée a combattu sur
tous les fonts, a pris part aux combats de Libye, de Monte Cassino
en Italie, le 303ème escadron incorporé dans la
RAF a pris part à la bataille d'Angleterre.
La marine polonaise a pris part à l'expédition
en Norvège en coulant le transport de troupes allemandes
le Rio de Janeiro et la fameuse division blindée du Général
Maczek qui a pris part au débarquement allié en
juin 1944, le cimetière militaire polonais près
de Falaise en témoigne, a participé à la
libération de la Hollande qui tous les ans rend hommage
à ses libérateurs.
Cette Armée qui a participé à la libération
de tant de Patries, combattu sur tous les fronts, n'a néanmoins
pas pu participer à la libération de sa propre Patrie,
les Autorités de tutelle lui en ayant interdit l'accès
Les soldats démobilisés, ceux de France rentraient
dans leurs foyers, les autres ont obtenu le statut d'immigré
en Angleterre, Canada, Australie etc.
S. Nentwik
France-Pologne de Villepinte
21, Avenue Auguste Lumière
93420 Villepinte
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L'histoire des Polonais de Ronchamp
Dans un ouvrage
très documenté, Jean-Philippe Thiriet raconte l'arrivée,
l'accueil et la vie des Polonais venus travailler dans les mines
de charbon entre 1919 et 1939.
ILS ONT des noms à faire pleurer ou rêver les amateurs
de scrabble, avec des K, des Z, des Y et des W comme s'il en pleuvait,
d'Adamczyk à Zygmanski en passant par Borowiak, Kaczmorek,
Podgorski et Szszodrowski. Ils ont des prénoms qui chantent
et qui dansent : Stanislas, Czeslas, Grégor, Wenceslas,
Josepha, Stephania, Wanda. Ils n'ont plus cheveux blonds et oeil
pervenche mais ils sont encore des dizaines à Ronchamp,
Champagney, Clairegoutte et Magny-D'Anigon qui comptent parmi
leurs ascendants un paysan ou un mineur venu de la plaine de Varsovie,
des collines de Silésie ou des plateaux de la petite Pologne.
Entre 1919 et 1939, des milliers de Polonais viennent en effet
chercher travail mais pas fortune en France. À l'origine
de cette grande migration, la Grande Guerre et ses conséquences
démographiques, politiques et économiques. Avec
un million trois cent mille morts et autant de blessés
et invalides, la France manque de main-d'oeuvre, d'autant qu'il
faut reconstruire les régions dévastées du
Nord et du Nord-Est. À l'inverse, la Pologne connaît
une forte croissance démographique. Le traité de
Versailles ayant consacré la renaissance de l'État
polonais, plus de trois millions de " déplacés
" quittent les territoires restés sous autorités
russe et allemande.
Une convention d'immigration est signée
entre la France et la Pologne
Surpopulation d'un côté, déficit de l'autre,
les conditions sont favorables à un transfert et, le 3
septembre 1919, une convention d'immigration est signée
entre la France et la Pologne. La réputation des mineurs
polonais étant excellente, c'est le patronat minier, le
puissant CCHF (Comité central des Houillères de
France) qui est le principal demandeur. Recrutement et sélections
médicales et professionnelles sont effectués en
Pologne puis les travailleurs choisis sont transportés
jusqu'à Toul, centre de " triage ". Munis d'un
contrat de travail d'un an, les immigrés sont ensuite dirigés
vers leur futur lieu de travail, le plus souvent les houillères
du Nord et pour certains Ronchamp. Ronchamp, un nom inconnu, mais
qu'ils vont vite apprendre à connaître, les Polonais
représentant dès 1924 plus de 40 % des ouvriers
du fond et la population polonaise, femmes et enfants compris,
dépassant le millier de personnes en 1931. Des chiffres
importants, surtout rapportés à la population locale,
mais au-delà des chiffres, tous les problèmes liés
à l'immigration : le déracinement, l'accueil, l'intégration.
C'est cette aventure humaine que raconte " Les Polonais dans
les houillères de Ronchamp, 1919-39 ", l'excellent
et très documenté ouvrage de Jean-Philippe Thiriet.
Outre le travail dans la mine, le professeur d'histoire décrit
avec force détails la vie quotidienne de la communauté
polonaise : le logement, l'école, la religion, les loisirs,
les fêtes, les associations, le syndicalisme.
Une nostalgie cultivée mais pas
exacerbée
On y retrouve les comportements traditionnels d'une population
exilée, le regroupement, le repli, la nostalgie. Une nostalgie
cultivée mais pas exacerbée puisque, c'est un point
intéressant de l'étude de Jean-Philippe Thiriet,
l'intégration d'une partie de la communauté s'effectue
plus rapidement à Ronchamp que dans le Nord ou en Lorraine,
même si, ici comme ailleurs, " Sale Polak " et
" Saoul comme un Polonais " sont autant de clichés
détestables passés dans les moeurs et dans la langue.
Jean-Philippe Thiriet explique cette intégration plus rapide,
d'une part par la solidarité entre mineurs plus forte que
les clivages nationaux ou raciaux, d'autre part par l'isolement
et la petite taille du bassin de Ronchamp qui facilitent "
convivialité " et " esprit de famille ".
Une histoire et un exemple à méditer à l'heure
où immigration et intégration restent des interrogations
majeures.
EN SAVOIR PLUS " Les Polonais dans les houillères
de Ronchamp, 1919-39 ", de Jean-Philippe Thiriet. Publication
des Musées des techniques et cultures comtoises. Disponible
au musée de la mine Marcel Maulini à Ronchamp.
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Film : "L'immigration polonaise
dans le Nord / Pas-de-Calais"
Le film "L'immigration
polonaise dans le Nord / Pas-de-Calais" est sorti en vidéo.
Ce documentaire propose une plongée dans l'univers truculent
de la communauté polonaise. Tourné au milieu des
années 80 dans le bassin minier, l'oeuvre de Jean-Michel
Barjol a pour principal mérite de relier l'histoire de
l'immigration polonaise à celle, plus vaste, de l'exploitation
charbonnière. Rien de plus normal pourtant, quand on sait
que dans l'entre-deux-guerres, 80 % des "actifs" polonais
exerçaient dans les mines. Le document s'inspire largement
du récit autobiographique d'Ignace Flaczynski, un houdinois,
ancien mineur, passionné de littérature et dont
le fond biographique alimente d'ailleurs encore aujourd'hui les
étagères de la bibliothèque franco-polonaise
d'Houdain. Souffrant, Ignace Flaczynski disparaît quelques
jours avant le début du tournage. Jean-Michel Barjol demande
alors à Joseph Tournel, ancien syndicaliste bien connu
dans le bruaysis, de prendre le relais. Celui-ci accepte ! Au
pied levé... Vêtu d'une tunique beige, Joseph Tournel
a dans le film des airs d'inspecteur Columbo. Sa gouaille légendaire
donne du rythme au récit. Son souffle malhabile qui témoigne
de l'emprise de la silicose lui confère de l'authenticité.
Joseph Tournel conserve le souvenir de son frère mort au
fond d'un puits de mine et aussi celui de son propre licenciement
pour fait de grève dans la foulée du conflit de
l'automne 1948. Il en a gardé une rancoeur contre les compagnies
privées et les houillères publiques, à qui
il reproche volontiers un comportement paternaliste et cette faculté
à ne pas assumer leurs responsabilités dans le domaine
des accidents du travail (qu'ils mettent volontiers sur le compte
de la fatalité). Mais Joseph s'interroge aussi volontiers
sur l'attitude des mineurs eux-mêmes qui imposent à
leurs enfants de travailler à la mine. Une logique à
laquelle n'échapperont guère les polonais. Bien
au contraire... Le discours de son ami Ignace est en tout point
identique. Ce dernier ne déclare-t-il pas qu'il "faisait
partie des résignés, bien conditionné par
la famille d'abord. La peur du gendarme, la peur de l'expulsion
en Pologne. La peur du chômage. Le gros inconvénient
d'être polonais, bien conditionné par notre condition
même. J'étais superbement con au point de ne pas
savoir qu'on pouvait trouver un autre boulot ailleurs, qu'on pouvait
s'en sortir même mieux, beaucoup mieux qu'ici". Ignace
et Joseph, chacun à leur façon, tordent ainsi le
cou au mythe du mineur qui aimait son métier... Un regard
iconoclaste, à contre-courant, qui - bien évidemment
- fait grincer quelques dents lors de la sortie du film sur le
petit écran. Sur les polonais, Ignace poursuit : "Nombreux
étaient ceux qui avaient une mentalité de serfs
qu'ils avaient ramenée de leur coin de Pologne où
ils crevaient de misère, ou de leur coron de Westphalie.
Les troupeaux d'émigrés ont essaimé dans
cette région, agglutinés autour des chevalets, comme
des Indiens dans leur réserve...". Là encore,
nous sommes loin de l'image idyllique représentant le mineur
polonais, fier, robuste et conscient, relevant la France de ses
ruines à la force de ses poignées... Des réflexions
susceptibles de susciter bien des débats. Mais n'est-ce
pas ce qui fait l'intérêt de ce document conçu
comme une "passionnante leçon d'histoire", selon
les propres termes du réalisateur ?
La cassette est disponible en écrivant à Michel
VUAILLAT, 7 rue de Noeux, 62113 SAILLY-LABOURSE. Tarif : 119 F
(+ 35 F de frais de port) soit 154 F (chèque à l'ordre
de l'UL-CNT de Béthune). Renseignements : 03.21.65.31.69.
A lire également dans Gazet@:
L'histoire
de Karol
Anecdote
dans la mine
Rencontre
avec Alain Szelong
Forum
: l'immigration polonaise
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