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CZESLAW NIEMEN

Soit

Niemena pamieci zalobny rapsod


J’avais moins de 10 ans, quand mon frère aîné, Marian, écoutait en boucle, sur notre antique pic-up, des chansons d’un certain Niemen.

Cette musique nous agressait un peu les oreilles, à ma sœur, Sophie et à moi… Il m’a fallu quelques années pour apprendre à aimer, à apprécier la musique de cet homme. Niemen ne laissait personne indifférent, on l’aimait, le plus souvent, ou alors on le détestait franchement, mais il ne laissait personne indifférent.
Une chose est certaine, même ces réfractaires le plus durs diront qu’il était un Grand Artiste, un Artiste hors du commun, qui a marqué plusieurs générations de Polonais et pas seulement de Polonais.

Il s’en est allé, au paradis des musiciens, en cette triste et froide soirée de 17 janvier 2004, à la suite d’une longue et terrible maladie, rongé par le cancer.

Le monde de la musique en Pologne est en deuil.

Mais Niemen ne partira jamais, il reste derrière lui une œuvre musicale hors du commun…..


Voici sa destinée :


Czeslaw Niemen, de son vrai nom Czeslaw Juliusz Wydrzycki, est né le 16 février 1939 à Wisiliszki Stare, près de Nowogrodek, en Lituanie, qui était polonaise à cette époque.
En 1954 il a commencé son éducation musicale dans le Lycée Musical de Grodnie, en Lituanie, dans les classes de piano.

Quelques années plus tard, sa famille a été obligée de quitter la Lituanie soviétique pour ré-intégrer la Pologne, où le jeune Czeslaw a essayé de poursuivre ses études de musique. Mais très vite, à cause de la situation financière désastreuse de la famille, il a été obligé d’abandonner ses ambitions pour gagner sa vie.

Mais la musique n’a jamais été très loin….

Il a très vite débuté, en compagnie de Janusz Krzywicki, sur les planches du cabaret « To tu » (C’est ici), à la suite de quoi il participé aux éliminations du 1er Festival des Jeunes Talents, où il est allé jusqu’en finale. En juillet 1962 il en est devenu un des lauréats.

Par la suite, entre 1962-66 il chante au sein du grupe de rock Niebiesko-Czarni, en 1967 il crée le groupe Akwarele, en 1969 Niemen Enigmatic, puis, en 1974 Niemen Aerolit. A partir des années 80, il travaille pratiquement seul.

C’est avec le groupe Niebiesko-Czarni qu’il enregistre son premier succès, « Wiem ze nie wrocisz », ( Je sais que tu ne reviendras pas), le tube qu’il a présenté sur les planches de l’Olympia , à Paris, puis vient, en 63 « Pod papugami ».

Par la suite sa carrière démarre sur les chapeau de roue….

En 1965 il se sépare de son groupe pour chanter en solo au festival de Rennes, où il remporte deux prix, par la suite il enregistre un disque en français avec des textes d ‘Alice Ursini et Pierre Delanoe, accompagné par l’orchestre de Michel Colombier.

Fin 1966, Niemen forme le groupe Akwarele, dont le plupart des musiciens sont issus du groupe varsovien Chocholy, puis il enregistre ses plus grand succès, sur le 33 tours « Dziwny jest ten swiat », avec la chanson titre qui devient un tube extraordinaire et par laquelle Niemen devient le porte-parole de toute la génération des jeunes de la fin des années 60, dans la Pologne perturbée et qui cherche sa voie partagée entre les influences soviétiques et les tendances, musicales notamment, venant de l’ouest capitaliste.

Le moment clé dans la carrière de Niemen était son passage au festival d’Opole, où, pour son interprétation de « Dziwny jest ten swiat », il ramasse un des principaux prix.

Vient après le disque d’or, le premier dans l’histoire de la discographie polonaise.

Suit un autre 33 tours, « Czy mnie jeszcze pamietasz », puis le prix au Midem de Cannes en 1968, la tournée en Italie en 69, où l’artiste a enregistré 3 singles.

C’est en Italie où, poussé par la nostalgie du pays, que Niemen créera ses plus grands chefs d’œuvres, réunis sur un album comprenant les chansons d’après les textes de Adam Asnyk, Kazimierz Przerwa-Tetmajer et Tadeusz Kubiak, des grands noms de la poésie polonaise, mais aussi d’après Krystian Kamil Norwid, grand poète romantique polonais, dont « Bema pamieci zalobny rapsod » a été mis en musique par Niemen.

C’est de cette époque que date ma chanson polonaise préféré, « Wspomnienie » (« Souvenirs ») d’après un poème de Adam Asnyk .

En 1969 Akwarele devient Niemen Enigmatic, avec quelques modifications au sein de l’équipe du groupe.

Niemen a influencé, et a été influencé, par de nombreux groupes et artistes polonais.

Il s’est illustré notamment en tant que compositeur de musique de films, parmi lesquels « Dziewczyny do wziecia », « Sobie Krol » mais il s’est surtout fait remarquer en composant la musique du film « Wesele » (« Noces ») de Andrzej Wajda.

Il a créé aussi plusieurs spectacles musicaux, tels que « Petit Prince », « Ballada Lomzynska » « Hamlet », « Dziady ».

Vocaliste, instrumentaliste, compositeur, poète, artiste, voici tout ce qu’il était. Entre 1964 et 1980, il était le premier dans les sondages de « Jazz » et « Non stop », en tant que meilleur chanteur interprète du pays. Il était le symbôle de l’avant-garde, de non compromis.

Vers la fin des années 70, Niemen s’est un peu éloigné de la scène pour se consacrer à la création. Il est revenu sur le devant de la scène le 12 décembre 1985, en donnant un récital au club « Stodola », pour entamer par la suite une grande tournée outre-Atlantique
Par la suite, il enregistre un disque en compagnie de M . Urbaniak et W. Karolak, des grands noms de jazz polonais.

Puis, il revient au festival d’Opole avec « Terra Deflorata », titre on ne peut plus parlant, puis en 1992 avec son spectacle « Christophe Collomb » au Théâtre Musical de Gdynia.

L’année 1995 le voit en concert avec le groupe Perfect à Varsovie, avec la reprise de ses plus grands tubes. Il avait en projet plusieurs concert en collaboration avec la radio polonaise, le premier de la série a eu lieu en 1999. La maladie a d’abord ralenti, puis freiné les ardeurs artistiques de Niemen.

Il était malade, gravement malade et il en était conscient. Sa dernière opération, il devait la subir dans la semaine précédent sa mort, l’opération a été reportée, parce que les médecins ont jugé l’artiste trop faible pour la supporter.

Il s’est éteint, au sommet de la gloire, à Varsovie, le samedi 17 janvier 2004, dans la soirée.

Dans un mois, le 16 février, il aurait fêté ses 65 printemps.

Mais Czeslaw Niemen n’est pas mort, la preuve… au moment où j’écris ces mots je l’entends… « mimozami jesien sie zaczyna… », il sera toujours là, sa musique sera toujours là….

En cette matinée du lendemain de son départ, j’ai parcouru tous les sites polonais, pour lire, pour voir, les mêmes témoignages de partout… non, Tu n’es pas mort… On ne pourra plus jamais te dire combien tu as compté, combien tu comptes pour nous….

Là où tu es, au paradis des artistes, tu n’es pas loin de nous, on t’aime et on t’aimera toujours…

Ce n’est qu’un au revoir… Czesiu….

Pour vous et en hommage à Niemen : Stoje w oknie


Sabine Raffin

 





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