Gemerek: «Dans les pays de l’Est, il y a une frustration qui favorise les populi

Démarré par Archives, 05 Novembre 2023 à 15:24:36

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Posté par: alain (IP Loggée)
Date: 07 octobre, 2006 09:03

Je l'avoue ,j'ai un préjugé favorable pour Geremek, j'ai eu l'occasion de le rencontrer et je trouve son analyse de la situation toujours claire et sensée, il fait la preuve de son talent une fois de plus dans cet article :

[www.24heures.ch]


pour ceux qui n'ont pas le courage de se rendre sur le lien, voilà le texte intégral.

Au début des années 80, aux côtés de Lech Walesa et des compagnons de Solidarité, il en a rêvé de l'Europe. Aujourd'hui, à 74 ans, Bronislaw Geremek, ancien ministre des affaires étrangères de Pologne, députés européen et président de la Fondation Jean Monnet, porte un regard aussi lucide qu'autorisé sur l'élargissement de l'UE.

- L'Union européenne va accueillir deux nouveaux membres en janvier prochain (La Bulgarie et la Roumanie). En l'absence du traité constitutionnel rejeté l'an dernier par la France et les Pays-Bas, cet élargissement du club à 27 ne va-t-il pas le rendre définitivement ingérable?

- Je crois que cette Europe à 27 est ressentie par les citoyens européens avec un certain étonnement et pas mal d'inquiétude. A l'égard de la Roumanie et de la Bulgarie, beaucoup se demandent toujours s'il ne fallait pas retarder leur entrée dans l'UE. Concernant la Turquie, de l'avis général, ce n'est pas le moment de prendre la décision, et il s'agira d'un long processus.
Cela dit, la décision, très courageuse, d'accepter en même temps dix nouveaux pays en 2004 n'a finalement pas posé de problème de gestion à l'intérieur de l'Union. On peut donc dire que le bât bat ailleurs. Que le problème ne tient pas au nombre de pays mais plutôt au rapport entre les citoyens et l'UE.


- Mais le refus du traité constitutionnel pose tout de même un gros problème de gestion pour l'Union?

- Certainement. Mais encore une fois, il ne s'agit pas du nombre de pays membres, mais bien des institutions auxquelles on a refusé les réformes proposées par le Traité constitutionnel. On peut dire que les référendums français et hollandais ne concernaient pas le traité, mais plutôt des problèmes internes à ces deux pays, il n'en reste pas moins qu'avec ce double non, l'Union européenne est arrivée à un moment d'épuisement de son ancien projet qui était le projet de la paix. Maintenant, elle se trouve face à des défis qui concernent l'économie et la politique. Il n'y a pas de doute, l'Union européenne a besoin de réformes qui lui donneraient une dimension politique, autrement l'Europe ne comptera pas dans le dialogue mondial.


- Revenons sur la question de la Turquie...

- Je crois que c'est une question qui ne se pose pas aux générations qui gèrent maintenant l'UE. A mon sens, un oui ou un non à la Turquie ne sera pas prise avant 15 à 20 ans. Et dans 15 à 20 ans, l'UE sera différente, elle aura derrière elle l'expérience de vivre à beaucoup plus de pays qu'au début. Mais la Turquie aussi sera différente. On peut voir déjà en Turquie un changement dans l'opinion publique qui est désormais favorable pour moitié à l'adhésion. Quelle sera l'évolution de la Turquie sous le régime d'un parti islamiste modéré, nous ne le savons pas. Mais ce que l'on peut dire, c'est qu'au cours de la préparation à l'entrée dans l'UE, elle a fait d'immenses progrès, dans le domaine politique, des droits de l'homme et de la femme, sur la question des rapports entre le religieux et le séculier. Mais la décision ne se pose pas maintenant. Par prudence politique, on ne devrait pas donner trop vite de réponse – positive ou négative – car cela aurait des conséquences géostratégiques touchant tout le Moyen-Orient.

- Les peuples d'Europe ont-ils toujours envie d'Europe ou les sentez-vous désabusés?

- Je vois cette envie dans toute la région. Pour des pays comme l'Ukraine, la Moldavie, la Géorgie ou l'Arménie, l'Europe reste la terre promise. Seulement, je crois qu'avant d'avoir fait ses réformes, l'UE ne pourra pas prendre de décision d'élargissement et l'on peut s'attendre à un certain désenchantement.

- Et les pays qui sont entrés il y a deux ans dans l'Union?

- Ma réponse est un peu paradoxale. J'ai le sentiment que les peuples des huit pays post-communistes sont heureux d'être dans l'UE. Et ce sentiment est confirmé dans tous les sondages. En Pologne, par exemple, le dernier donne 83% de satisfaction dans la population et plus de 65% chez les paysans pourtant très hostiles à l'entrée dans l'UE. Sur un plan général, je dirais que les peuples d'Europe de l'Est son contents de l'UE, mais un peu mécontents de leur propre pays.

- Pouvez-vous préciser...

- Oh, c'est très simple, les transformations ont créé des fortunes, il y a des gens riches, des belles voitures, mais la majorité reste avec l'envie de posséder sans le pouvoir. Cela suscite la jalousie et une certaine frustration. Les ouvriers polonais, par exemple, qui il y a 25 ans à Gdansk ont ouvert avec Solidarité et Lech Walesa le chemin vers la liberté peuvent se dire maintenant que ce qu'ils ont obtenu est un taux de chômage élevé, un niveau de vie modeste, etc. En résumé, le problème dans nos pays est un problème interne. Il y a une frustration qui favorise les populismes et provoque une certaine destabilisation. Mais ce n'est pas l'Union européenne qui est rendue responsable de cette situation.

- Arrêtons-nous un instant sur votre pays. Que s'y passe-t-il vraiment?

- Honnêtement, je ne comprends pas très bien! Après des succès évidents ¬- la période au cours de laquelle le peuple polonais avait, avec son courage et son attachement à la liberté, fait quelque chose pour l'Europe tout entière - on se trouve dans une situation où les frustrations sont exploitées par une droite nationaliste et une extrême-droite associée aux populistes. Mais la victoire de ces derniers est l'effet immédiat d'une crise du gouvernement précédent où la corruption était largement répandue. Il était facile aux populistes d'appeler à courir derrière le voleur. Le résultat est que dans cette société pro-européenne, il y a un gouvernement eurosceptique pour ne pas dire anti-européen. Mais, à mon sens, c'est un gouvernement qui, pas à pas, apprend ce qu'est l'Europe et s'y adapte. Quand les jumeaux Kaczy?ski vont dans les capitales européennes, ils adaptent désormais leur langage. Car ce qui compte désormais pour eux c'est de bien utiliser les fonds de solidarité que nous offre l'UE. C'est ça qui sera le succès de leur gouvernement. Deuxièmement, l'Europe implique certains standards politiques. Alors, s'ils ont proposé durant la campagne électorale le rétablissement de la peine de mort, maintenant qu'ils ont gagné, ils disent qu'ils ne peuvent pas le faire car ce n'est pas accepter par les standards européens...
La situation en Pologne ne me plait pas, mais je ne crois pas qu'il y ait danger, que la Pologne puisse quitter le chemin sur lequel elle se trouve.

- «L'Europe et la paix» est le thème du colloque auquel vous participerez aujourd'hui à Lausanne. Que pouvez-vous en dire?

- Je crois qu'il est important que la Fondation Monnet, qui est située en Suisse, pose cette question du rapport entre la paix et l'Europe. Nous avons tous la conscience de deux faits. Premièrement : la paix qui pouvait mobiliser les jeunes générations d'après 1945 ne mobilise plus celles de maintenant. Faut-il donc proposer un projet européen en oubliant le projet de la paix ? C'est une première interrogation. Deuxième interrogation : le choix entre la paix et la guerre est-il le même aujourd'hui qu'il a été au XXe siècle ? N'assistons-nous pas à un changement de la culture de la paix? Parce que trouver des gens qui disent ouvertement qu'ils sont contre la paix, c'est impossible. Mais il y a une façon de penser le problème de la guerre et de la paix tout à fait différente aujourd'hui : c'est le problème du terrorisme, du choix entre les politiques impériales (comme la guerre d'Irak) les politiques multilatérales. Enfin il y a le problème des citoyens de tous le Continent européen qui se demandent, alors que les frontières ne sont plus menacées, s'il faut encore financer la défense avec des fonds qui pourraient être utilisés pour l'éducation et la santé.
N'assistons-nous pas à la formation d'une nouvelle culture de sécurité où il ne s'agit pas de la défense militaire, mais de la sécurité qui concerne la dimension humaine, les grandes maladies, les grandes catastrophes naturelles. Bref, ne faudrait-il pas repenser la question. Je crois que débattre de cela en Suisse sous les auspices de Jean Monnet, c'est important.


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Posté par: Karles (IP Loggée)
Date: 07 octobre, 2006 20:59

Il est genial ce mec Geremek, c'est dommage qu'il n'est jamais emis le souhait d'etre président de la République polonaise.
Le "KALEIDOSCOPE FRANCO-POLONAIS"publié sous la direction de Geremek et édité aux éditions noir sur blanc est absolument formidable, je le recommande vivement à tout le monde. Dans ce livre, toutes les references culturelles communes aux "polonais" de France y sont recensées.

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Posté par: Andrzej (IP Loggée)
Date: 07 octobre, 2006 22:42

Karles Ecrivait:
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> Il est genial ce mec Geremek, c'est dommage qu'il
> n'est jamais emis le souhait d'etre président de
> la République polonaise.


pour moi, c'est plutot bon. Je l'apprecie en tant qu'intellectuel (lui, pas moi grinning smiley), mais dans la politique il est nul

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Posté par: alain (IP Loggée)
Date: 08 octobre, 2006 08:46

Andrzej Ecrivait:

>
> pour moi, c'est plutot bon. Je l'apprecie en tant
> qu'intellectuel (lui, pas moi ), mais dans la
> politique il est nul
>


Cher Andrzej

UN peu réducteur de dire que Geremek est nul, pourrais tu developper ta these??

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Posté par: wiesniak (IP Loggée)
Date: 08 octobre, 2006 09:17

Je suis d'accord avec Alain.

Qu'est ce qui te fait dire Andrzej que Monsieur Geremek soit nul en politique?

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Posté par: Stéphane (IP Loggée)
Date: 08 octobre, 2006 15:09

wiesniak Ecrivait:
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> Qu'est ce qui te fait dire Andrzej que Monsieur
> Geremek soit nul en politique?

Les chiffres qui sont indiscutables. Geremek, c'est l'UW. Faut juste regarder les scores de l'UW lors des élections sur les 10 dernières années.

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Posté par: Andrzej (IP Loggée)
Date: 08 octobre, 2006 17:28

Stéphane Ecrivait:
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> wiesniak Ecrivait:
> --------------------------------------------------
> -----
> > Qu'est ce qui te fait dire Andrzej que
> Monsieur
> > Geremek soit nul en politique?
>
> Les chiffres qui sont indiscutables. Geremek,
> c'est l'UW. Faut juste regarder les scores de l'UW
> lors des élections sur les 10 dernières années.
>


Merci encore une fois Stephane de me remplacer.
J'ajouterais encore que Geremek avait ses 5 minutes de gloire quand le UW etait au pouvoir: il ne savai qu'etaler ses convicyions au lieu d'agir ce qui dans la politique est plutot une errreur

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Posté par: Stéphane (IP Loggée)
Date: 08 octobre, 2006 17:39

Andrzej Ecrivait:
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>
>
> Merci encore une fois Stephane de me remplacer.


Mais c'est un plaisir cher Andrzej !!!
Moi, je précise que j'ai une grosse admiration pour l'homme Geremek, qui a une finesse d'esprit extraordinaire en plus d'une culture hors du commun. Mais ce n'est pas un politique !

Si l'on me parle de politicien, de combat, de modèle et bien je cite Kuron ou alors Bujak

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Posté par: Andrzej (IP Loggée)
Date: 08 octobre, 2006 18:56

Stéphane Ecrivait:
> Moi, je précise que j'ai une grosse admiration
> pour l'homme Geremek, qui a une finesse d'esprit
> extraordinaire en plus d'une culture hors du
> commun. Mais ce n'est pas un politique !
>
> Si l'on me parle de politicien, de combat, de
> modèle et bien je cite Kuron ou alors Bujak



je suis de meme avis: je dis et je le repete - Geremek est in intellectuel hors de commun, mais Dieu nous preserve s'il veut un jour encore une fois paraitre sur une scene politique.
D'ailleurs il n'a pas aucun moyen de la faire aujourd'hui sauf le cas si quelqu'un veut se servir de lui dans un jeu politique que Geremek ne comprendra pas. Il n'a pas d'instonct de politicien quoi qu'on comprenne par cette notion

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Date: 09 octobre, 2006 08:07

Stéphane Ecrivait:
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> wiesniak Ecrivait:
> --------------------------------------------------
> -----
> > Qu'est ce qui te fait dire Andrzej que
> Monsieur
> > Geremek soit nul en politique?
>
> Les chiffres qui sont indiscutables. Geremek,
> c'est l'UW. Faut juste regarder les scores de l'UW
> lors des élections sur les 10 dernières années.
>

Si la qualité d'un homme politique ne se compte qu'au nombre de ses électeurs, la qualité d'un écrivain se compte alors au nombre de ses lecteurs....Pas très convaincant comme argument.

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Posté par: alain (IP Loggée)
Date: 09 octobre, 2006 09:00

Andrzej Ecrivait:

>
> Merci encore une fois Stephane de me remplacer.
> J'ajouterais encore que Geremek avait ses 5
> minutes de gloire quand le UW etait au pouvoir: il
> ne savai qu'etaler ses convicyions au lieu d'agir
> ce qui dans la politique est plutot une errreur
>
>

Le boulot d'un Ministre des Affaires Etrangères est justement de présenter ses convictions et d'améliorer l'image de marque de son pays, de faire un peu "représentant de commerce".

Geremek a réussi ce boulot en étant beaucoup plus populaire et écouté à l'Etranger qu'en Pologne..

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Posté par: René (IP Loggée)
Date: 09 octobre, 2006 09:56

C'est un des rares a parler le français, mais il s'ecoute parler, son style est ampoulé, et pour un homme politique, il ne s'agit pas seulement de faire des analyses et de s'ecouter parler, il faut aussi agir, mettre les mains dans le cambouis comme on dit, et là, la cgné de la hache est un peu lourde pour notre esthète du mot, il préfère laisser deriver ses mots au fil du Niemen.

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Posté par: René (IP Loggée)
Date: 09 octobre, 2006 10:13

Le populisme c'est s'occuper du peuple, c'est bien non ? sinon on s'occupe de qui des élites ?
Les élites s'interessent elles au peuple.

Attention le divorce qui suit l'amour amène souvent la haine.

"Quand j'entends le mot culture, je sors mon revolver" Baldur Von Schirach