Les paysans (Chlopy). Classe ancienne la plus importante de Pologne.

Démarré par Genpolerika, 10 Octobre 2024 à 22:00:24

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Genpolerika

Bonsoir

Essayant de mieux comprendre la Pologne, J'ai trouvé sur internet une micro-analyse  nominale de l'ancienne société polonaise sur le site anglais FamilySearch des Mormons que je résume  ici (surtout à l'usage des miens, mais peut être utile à d'autres) :

Les Magnates : C'étaient les grands seigneurs féodaux, très puissants en terre et en droits politiques, décideurs et exploitants possesseurs de châteaux, villages,  villes.
La Noblesse (Szlachta) : Il s'agissait des autres nobles possesseurs de terre, souvent héréditaires,  dont le rôle militaire, civil et ecclésiastique était important.
Les Bourgeois  des villes : C'étaient les artisans, commerçants, banquiers, artistes,  dont les  citadins de religion israélite, eux-mêmes de toutes les classes, sauf possibilité nobiliaire.
Intelligentsia : Elle venait majoritairement de la bourgeoisie et de la noblesse.
Les Déclassés : C'étaient les  Marginaux de toutes les classes ;
Les Paysans. (Chlopy) : Quoique exploitée et défavorisée  c'était vraiment, la classe laborieuse la plus nombreuse et importante de Pologne, au moins jusqu'en 1939 : « Un Kmiec était un fermier qui travaillait suffisamment de terre pour nourrir sa famille, possédait une ou deux vaches, des chevaux, des moutons, des chèvres et des porcs. Il possédait aussi des bâtiments sur la ferme.
 Un Potrolik travaillait sur une moitié de ferme.
 Un Zagrodnik possédait une maison, des bâtiments, des animaux et un jardin potager. Beaucoup de paysans n'avaient pas de terres cultivées pour faire des récoltes. 
Un Chalupnik vivait dans une cabane.
 Un Komornik était un journalier. »


Au début du 20ème siècle nos ancêtres familiaux polonais de Varsovie et des alentours sont des ouvriers ou employés dans des services,  mais ceux de Galicie sont toujours des paysans. D'ailleurs dans le recensement de 1931 les agriculteurs polonais représentent  encore plus de 60% de la population quand la classe ouvrière (mines et industrie textile ou chimiques) atteint à peine  20%. Simple quidam je laisse aux historiens et spécialistes le soin d'analyser le difficile destin paysan et ses statuts à travers les siècles.  Plutôt libres auparavant, les paysans subirent le servage entre les 16-18ème siècles voyant augmenter le poids de la corvée d'un jour par semaine à l'astreinte progressive de la servitude sans liberté pour certains. Mais ces paysans contraints à la corvée pour payer le louage des terres au seigneur des lieux, n'avaient selon leur richesse pas tous le même sort.  Il y avait les fermiers propriétaires, les métayers locataires et les ouvriers brassiers ou journaliers. Les nobles contrôlant le Parlement dit Sejm pouvaient changer les lois et transformer le statut d'un paysan libre en celui d'un serf  pouvant être vendu. Ces serfs, au destin atroce, car souvent maltraités par  les abus et le droit de punition même si une loi interdisait leur meurtre, étaient soumis comme des esclaves à la permission du seigneur pour choisir un métier, déménager, se marier !

En 1794 le « Manifeste » du noble héros polonais Tadeusz KÓSCIUSKO (1746-1817) qui donna la liberté aux paysans,  comme la Constitution de 1807 du Duché de Varsovie proclamant l'égalité des citoyens devant la loi, restèrent  hélas, l'un  comme l'autre, lettre morte.  Ce sont les rebellions de 1848  puis en 1864 qui firent le mieux avancer les choses, entrainant la suppression du servage  vers le milieu du 19ème siècle dans les diverses régions polonaises occupées par les Prussiens, les Austro-Hongrois et les Russes. Les actes familiaux polonais du 19ème siècle concernant les ancêtres Kaczuba et leurs prédécesseurs de la Province de Varsovie, près de Skierniewice et Rawa  dévoilent que ce sont des paysans « censitaires »  non soumis à la servitude. Comme je connais moins la situation de nos Polonais de Galicie autrichienne avant 1848, je me référerai à un texte intéressant concernant leur région  originelle assez proche de Tarnobrzeg aujourd'hui en Podkarpackie mais dans la région historique de la Petite Pologne.

Traduction personnelle  de l'Anglais au Français,  de quelques lignes  extraites du livre "  The life of a Polish Peasant vers 1900 "de Jan SLOMKA ( à Dzikow-Tarnobrzeg, alors en Galicie). Source:  From Serfdom to Self-Government: Memoirs of a Polish Village Mayor, 1842-1927, traduction en Anglais de  William John Rose:

« (...) Vers la fin du servage, le nombre total des fermiers à Dzikov était de quarante-deux, dont douze propriétaires, vingt-trois métayers et sept ouvriers  journaliers. Les premiers nommés avaient chacun dix-huit acres, et acquittaient leurs obligations six jours par semaine pour le seigneur du manoir, avec une équipe ou une paire de bœufs et outils, par exemple charriot, charrue, herses, déchiqueteur, etc. Pour cela ils avaient, en plus la pâture des communaux pour le bétail utilisé par tout le village, soit une cinquantaine d'acres près de Zwierzyniets et six acres sur la Vistule. Ces derniers, connu sous le nom de « Jubbery's Shrubbery », étaient destinés à trois fermiers du hameau de Podlenze. Les métayers locataires avaient chacun des lots de six acres et effectuaient leurs dus trois jours par semaine avec des outils à main — fléaux, faucilles, houes, bêches, etc. Les ouvriers n'avaient que des huttes. et n'étaient pas tenus  à des cotisations. Ils allaient travailler pour des fermiers  engagés à  reverser  ces cotisations, mais qui souvent ne pouvaient les recouvrer. Le maître donnait dans chaque cas des directives pour le travail du lendemain, en nommant le chef d'équipe sous lequel chaque journalier embauché devait travailler. (...) »
«  Comme disaient les gens qui avaient connu  ce système et s'en souvenaient pour le raconter, il n'existait pas de pire châtiment pour les hommes et les femmes que le servage. Les gens étaient alors traités pire qu'aujourd'hui l'est le bétail. Ils étaient battus à la fois au travail et à la maison pour la moindre peccadille. Ce que j'ai entendu d'eux ne peut être décrit. C'est incroyable comme des hommes pouvaient ainsi  torturer leurs semblables ! » (...)
« Chaque agriculteur devait d'abord exécuter ses corvées au manoir, que ce soit avec son attelage ou à pied. Alors à la nuit seulement il pouvait travailler sa terre, semer et moissonner. Aucune excuse pour des besoins urgents de la maison n'était de quelconque utilité. Si l'on n'apparaissait pas comme ordonné, le régisseur venait aussitôt. S'il trouvait  l'épouse  occupée à cuisiner, il jetait un seau d'eau sur le feu ou, en hiver, il emportait les fenêtres et les portes. En cas d'échec  et que des hommes étaient  requis pour le service, le régisseur venait avec son équipe  et expulsait le métayer de la maison et du  domaine. Un autre serait mis à sa place. Il n'y avait pas non plus d'appel possible puisque c'était l'usage et qu'au fond le seigneur du manoir était propriétaire de tout. Siens étaient à la fois la terre et l'eau, oui même le vent; puisque lui seul était autorisé à construire un moulin à vent pour moudre le grain. » (...)


Les peintures et dessins sur la vie paysanne et les paysans sont nombreux et concernent de très grands peintres de diverses régions polonaises. Les musées offrent aussi une riche iconographie dont les belles anciennes photos vers 1855 de Karol BEYER (1818-1877). Un peintre dont je ne sais rien, faute de n'avoir pas su le retrouver sur le web est M.CZERNIC  qui vers 1900 offre le portrait d'une " Jeune paysanne "– Musée National de Varsovie.  Et pour la gaieté j'ai retenu le charmant " Retour de Fête "(1887) de  Tadeuz RYBKOWSKI  (1848-1926) . (Musée Ethnographique National de Varsovie )-

Cordialement à tous. Genpolerika