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Wislawa Szymborska
" La dame de cœur "






Je l'avoue, je ne la connaissais pas du tout…et à l'époque on en parlait assez peu, comme l'invoquait si bien mon cher professeur Blankoff, illustre historien et éminent Slavologue, " malheureusement pour nos universités, dans ce coin du globe tout ce qui se trouve au-delà de Berlin ne vaut pas la peine de s'y intéresser de trop près ( !)… ".
On venait de finir un cours d'histoire politique de la Pologne, et une vive polémique avait éclaté … des bruits faisaient entendre qu'elle ne méritait pas ce prix, ça aurait dû être un autre…oui mais qui ?
Le prix en question était le prix Nobel de littérature (il est vrai que ce prix entraîne souvent une polémique politique dans les cercles intellectuels !)…ahhhh nous y voilà, depuis cent ans que ce prix de l'académie royale des sciences de Suède est décerné, seulement 12 femmes l'ont obtenu et l'une d'entre-elles est une grande dame des Lettres polonaises, oui…maitenant il n'y a plus de surprise, vous la connaissez sûrement !
Wislawa Szymborska reçu le prix Nobel de littérature 1996 alors que son nom était presque inconnu dans les couloirs de faculté des Lettres en particulier et en Occident en général, surprise pour les uns, grande joie pour les autres…et une grande ignorance pour le reste.
Szymborska incarne l'union parfaite d'une profonde réflexion morale et philosophique avec un grand lyrisme aui a su séduire depuis un demi-siècle plusieurs générations de Polonais, et pas seulement des dissidents politiques des années 80' et des étudiants persécutés par le gouvernement du général Jaruzelski (qui n'a toujours pas livré ses secrets !) et des lois de répression de l'état de guerre.

 





 

 

 

 








 

 

 

Szymborska naquit le juillet 1923, période de marasme économique, de crises politiques et du régime militariste du Maréchal Pilsudski, dans l'ouest de la Pologne, dans la petite ville de Bnin (aujourd'hui Bnin est un quartier de Kórnik) dans la voïvodie de Poznan.
Depuis 1931, elle habite à Cracovie, ancienne capitale des Rois de Pologne, où elle étudia la littérrature polonaise et la sociologie à la prestigieuse université Jagiellone (U.J.) de 1945 à 1948.
Elle fit ses débuts dès la fin de la seconde guerre mondiale, à une époque d'incertitudes politiques, dans une Pologne dévastée par la guerre et où les populations civiles avaient été déplacées hors de leurs frontières d'origines, mais Cracovie a été épargnée par les bombardements de la wehrmacht et il n'y eut pas d'inssurections sanglantes comme à Varsovie ( !).
C'est en mars 1945, en effet, qu'elle commence à publier ses premières poésies dans le supplément hebdomadaire du quotidien " Dziennik Polski " avec le poème "Szukam slowa" (" je cherche les mots "), et dans l'immédiat après-guerre elle continua à publier des poèmes dans divers journaux et revues.

Connue pour sa grande modestie et son indépendance d'esprit, Szymborska désavoue pourtant ses premières poésies, publiées entre 1952 et 1957, tout en évitant de s'impliquer
Dans la critique politique qu'elle considère qu'il ne s'agit que d'écrits rédigés sous la répression stalinienne, travaux "acceptables", empreintes de réalisme socialiste de rigeur en Pologne populaire (Rzeczpospolita Ludowa).
Mais depuis 1957 -date à laquelle la censure d'Etat avait dessérée son étau, après la détente survenue en Union soviétique (ZSRR) et la critique ouverte du Stalinisme par Nikita Krushchov- Szymborska est l'auteur d'une douzaine de recueils de poèmes, dont celui intitué : " Pytania zadawane sobie " (" Questions à soi-même ") qui caractérise le mieux son œuvre poétique.
La poétesse fait partie de ce type de cercle d'intellectuels polonais, plutôt à l'écart de la vie politique et pour qui la vie spirituelle et la réfllexion philosophique sur les problèmes moraux de notre époque passent avant toute chose…. !

De 1953 à 1981, elle travaille à la rédaction de la revue hebdomadaire " Zycie Literackie "
(" La vie littéraire "), sous la rubrique - "Lecture non-obligatoire" - elle y fit aussi la critique d'ouvrages touchant aux domaines les plus divers : depuis le tourisme, la cuisine, le jardinage et la sorcellerie jusqu'à l'histoire de l'art, aux poèmes de T.S. Eliot sur des chats et aux poèmes absurdes d'Eward Lear…Elle publie également quelques volumes de critique littéraire et un certain nombre de traductions de la poésie française ancienne.
Dans l'ensemble, son œuvre poétique permet, avec ironie, une mise en lumière du contexte historique et biologique dans des fragments de réalité humaine, par contre la variété stylistique de la poésie de Szymborska la rend en même temps très difficile à traduire, malgré cela ses œuvres sont traduites dans beaucoup de langues dont le japonais, le chinois, l'hébreu et l'arabe et restent donc accessibles à tous.

Traduite en langue française, le seul recueil complet est intitulé " Dans le fleuve d'Héraclite "(Maison de la poésie Nord-Pas-de-Calais, 1995).
Ses traductions permettent ainsi de se faire une idée de sa grande maîtrise technique, la parole est en même temps ciselée et dépourvue d'affectation.
Elle publia également quelques volumes de critique liittéraire et un certain nombre de traductions de la poésie française ancienne.
Point assez intéressant : dans son poème " Wolanie do Yeti " (" l'appel au Yéti "), le Yéti, l'abominable homme des neiges (dans notre imaginaire) du premier recueil cité, fait profondément penser à Staline (un autre affreux mais réel!), dont l'isme a completement désillusionné la poétesse, et dans le dernier recueil cité, elle se présente en ces termes :
" Mes signes particuliers sont le ravissement et le désespoir… ! ".
Dans les années 80', au moment des premières épreuves de force entre le syndicat libre Solidarnosc (voir rubrique consacré à ce sujet) de Lech Walesa et le pouvoir communiste à Gdansk, Szymborska collabore à la publication polonaise " SAMIZDAT "Arka et Kultura, une revue en exil publiée à Paris.

" Il n'est pas de questions plus importantes que les questions naïves… " nous dit-elle, Szymborska se réclame de " vers qui n'imposent ni n'interdisent rien.
Ils ne font que dire, ici au sérieux, là ironique, car on perd toujours quelque chose à négliger, ou mépriser quoi que ce soit… "

La poésie gnomique de celle que l'on nomme communément " la grande Dame de les Lettres polonaises ", selon son traducteur en France Mr Krzysztof Jezewski " fait penser à Queneau, Guillevic ou même ponge.
Ses poèmes satiriques et ludiques étincellent de néologismes, ou encore ce sont de véritables traités métaphysiques, des poèmes-essais, de bouleversants hommages, notamment aux victimes de la guerre, de l'Holocauste, du nazisme et du stalinisme, et enfin des envolées lyriques dignes des plus grands mystiques, qui transcendent étonnamment la sphère de l'érotisme. "


Ainsi donc … après avoir pris connaissance de " l'existence " même de Mme Szymborska durant mes cours de littérature polonaise j'eus la chance de me rendre à Cracovie (en 1996-97 !) et de participer à des expositions sur son œuvre poétique et en l'honneur du prix Nobel de littérature qui lui fut décerné, particulièrement à l'Université Jagellone et à d'autres colloques dans la vieille ville, mais sans jamais la rencontrer ou plutôt si, je la rencontrais tantôt sur un timbre-poste, tantôt sur la première page de telle ou telle revue dans un petit kiosque ou à la grande librairie sur la place du marché …
Je la voyais aussi sur des affiches placardées sur des pans de murs décrépis des vieux bâtiments de la périphérie, à Nowa Huta ou au foyer universitaire Piast, et … petit à petit la szymborskamania s'emparait de moi (comment ne peut-on pas dans une telle ambiance !?) tout comme elle s'était emparée de Cracovie, fière de sa lauréate.
On disait qu'elle venait fréquemment faire ses commissions (incognito ?!) dans les petits marchés de la ville, mais qui l'a vu en réalité ? … et puis est-ce si important ?
Pour un poète, ce qui compte ce n'est pas vraiment d'être vu, mais d'être lu, la poésie de Szymborska est simple à lire, elle écrit comme elle, elle dépeint sur papier la vie quotidienne avec ses loies, ses aspects tantôt comiques tantôt dramatiques, ses hauts et ses bas, la vie tout simplement comme nous la vivons, comme vous la vivez…elle ne juge personne, n'insinue ni ne justifie rien, elle nous décrit la vie très humblement et sans fausse modestie.

Je ne peux que vous conseiller la lecture de la poésie de Szymborska…alors qu'attendez vous ??

 




Extraits de poème de Szymborska :

Souriants, à moitié enlacés,
nous essayons de trouver l'harmonie,
bien que nous soyons aussi différents
que deux gouttes d'eau claire.

" Jamais deux fois " (1980).


Certains,
pas tout le monde.
Pas la majorité, mais une minorité.
Hormis les écoliers qui le doivent,
et les poètes eux-mêmes.
Ca doit faire dans les deux mille.
Certains aiment.
Mais on aime aussi le potage aux vermicelles.
On aime les compliments et la couleur bleu clair.
On aime un vieux foulard
On aime flatter un chien. La poésie, mais qu'est donc la poésie ?
Plus d'une réponse brûlante a déjà été donnée.
Et moi je n'en sais rien.
Je n'en sais rien et je m'y accroche
comme à une rampe de salut.
" La fin et le commencement " (1993)

Prix et distinctions

· Prix de littérature de la ville de Cracovie en 1954
· Prix du ministère polonais des affaires culturelles en 1963
· Prix Goethe en 1991
· Prix Herder en 1995
· Docteur honoris causa à l'université Adam Mickiewicz de Poznan en 1995
· Prix du PEN club polonais et Prix Nobel de littérature en 1996

Poésie
· Dlatego zyjemy. Czytelnik 1952 , wyd. 2 1985 ("C'est pourqoui nous vivons").
· Pytania zadawane sobie. Poezje. Wydawnictwo Literackie 1954 ("Questions posées à soi-même").
· Wolanie do Yeti. Wiersze. Wydawnictwo Literackie 1957 ("Appel au Yeti").
· Sól. PIW 1962 ("Le sel").
· Wiersze wybrane. PIW 1964 ("Poèmes choisis").
· Poezje wybrane. PIW 1967 ("Poèmes choisis").
· Sto pociech. PIW 1967 ("Cent joies").
· Poezje. PIW 1970 ("Poèmes").
· Wszelki wypadek. Czytelnik 1972 ("Tout hasard").
· Wybór wierszy. PIW 1973 ("Poèmes choisis").
· Tarsjusz i inne wiersze. Krajowa Agencja Wydawnicza 1976 ("Tarsius et d'autres poèmes").
· Wielka liczba. Czytelnik 1977 ("Grand nombre").
· Poezje wybrane II. LSW 1983 ("Poèmes choisis II").
· Ludzie na moscie. Czytelnik 1986 ("Sur le pont").
· Wieczór autorski: wiersze. Anagram 1992. ("Soirée littéraire: Poèmes").
· Koniec i poczàtek. Wydawnictwo a5 1993 ("La fin et le commencement").

Critiques
· Lektury nadobowiazkowe. Wydawnictwo Literackie. 1973, 1981, 1992 ("Lecture non-obligatoire").

En français
· Dans le fleuve d'Héraclite. Trad. par Ch. Jezewski et I. Macor-Filarska. Éd. bilingue. Maison de la Poésie Nord/Pas-de-Calais 1996.
· Quelques-uns des poèmes de Szymborska sont parus dans des revues :
· Les Cahiers de l'Est, 1975:3.
· L'Anthologie de la poésie polonaise, par K. Jelenski. Seuil 1981.
· Action poétique, no 61, 1975.
· L'autre Europe, no 24-25, 1992.

Littérature
· E. Balcerzan, Kregi wtajemniczenia. Wydawnictwo Literackie 1982.
· J. Kwiatkowski, Swiat wsród nie-swiatów. In: Jerzy Kwiatkowski, Remont pegazów.
· Czytelnik 1969.
· The Mature Laurel. Essays on Modern Polish Poetry. Ed. by Adam Czerniawski.
· Seren Books 1991.
· R. Matuszewski, Z bliska. Szkice literackie. Wydawnictwo Literackie 1981.
· S. Melkowski, Rówiesnicy i bracia starsi. Czytelnik 1980.

 

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