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Wislawa Szymborska
Les poèmes





Bonjour à toutes et à tous !

Eh oui vous ne pensiez quand même pas que j'allais m'en tenir à un simple article sur Wislawa Szymborska !! …
Szymborska, comme vous le savez, fait partie de ces poètes populaires polonais plutôt discrets, sans scandales, ne s'affichant pas trop en public et de surcroit n'étant pas poursuivie par des paparazzis, ce qui est plutôt rare avec des poètes …vous vous en doutiez !
Mais malgré tout ne vous imaginez pas qu'elle soit lue de tous les Polonais, Szymborska est connue certes, surtout après l'obtention du prix Nobel, mais pas nécessairement lue !

La poésie polonaise connut trois systèmes métriques - quatre même avec celui du moyen-âge si l'on se réfère à l'Anthologie de la poésie polonaise de Czeslaw Milosz.
Certains philologues polonais affirment aussi qu'un cinquième système métrique en poésie est en train de se constiuer…eh oui les langues évoluent les systèmes aussi !

La poésie dit populaire, est liée à un système métrique assez peu fréquent et d'un usage très étroit - celui du vers de huit syllabes.
Il fut souvent utilisé par le grand poète Mikolaj Rej et persista à travers les siècles dans les épigrammes et les poèmes didactiques.


 





 

 

 

 








 

 

 

La langue polonaise est à la fois riche et pauvre en rimes, bon … vous allez me dire que c'est là un paradoxe ( !) ; oui mais la morphologie grammaticale de la langue polonaise est telle que si l'on consent à faire rimer les cas dans la déclinaison des substantifs, ou les inflexions des verbes, les rimes abondent.
Par ailleurs l'originalité de la poésie polonaise tient en premier lieu à la richesse du vocabulaire et la liberté extrême de la grammaire.
De plus, grâce à la complexité des temps, à l'usage des préfixes et des suffixes, les verbes expriment en un seul mot toutes les subtilités de l'action ( » à peine commencée, en cours d'éxécution, déjà achevée » aspect perfectif et imperfectif des verbes ) et parfois même de l'intention qui s'y attache ( » doute, velléité, détermination).
Le système de déclinaison, avec ses sept cas, exprimés, comme en un seul mot, élimine toute incertitude quant aux accords entre les substantifs et les adjectifs, même s'ils sont très éloignés les uns des autres.
On peut varier à volonté l'ordre du sujet, du verbe, du complément, et de l'attribut ; le polonais permet de fabriquer un verbe à partir de tout substantifs (ce à quoi s'exercent bon nombre de débutants durant l'apprentissage du polonais !) … alors vous pouvez vous imaginer qu'au fil des siècles les Polonais ont su tirer d'énormes avantages de la liberté qu'offre la langue polonaise et son système grammaticale … et je ne parle pas de la facilité avec laquelle le poète polonais forme des néologismes qui à pour conséquence d'enrichir le vocabulaire linguistique, Szymborska a vraiment dû s'amuser en composant ses poèmes ( !).

Szymborska a peu été traduite et publiée en francais.
Un seul recueil complet, intitulé Dans le fleuve d'Héraclite, a été publiée à 500 exemplaires en 1995 par la Maison de la poésie Nord-Pas-de-Calais ; ses recueils de poésies nous font découvrir une poésie multiple, enjouée, tragique et aux allures parfois mystiques, déchiffrage passionné du rée ; en touts ses maniifestations.
" Je réinvente le monde " nous prévient-elle … l'art, la politique, l'Holocauste, l'époque l'image de soi : Szymborska, madaaaAAAAme Szymborska nous regarde, nous désigne.
Ce monde, ce temps, ces images … ces voix nous ont trahi !
Dans le fleuve ingini, inconnu du devenir, le poème est l'ultime vigie d'une société égo et ethno-centrique ; l'ultime révolte contre la régression, l'imaginaire, la fuite de l'éternelle réalité !
Etant donné la difficulté de se procurer less poèmes de Wislawa Szymborska (en francais) j'ai voulu, dans ce présent article, vous faire partager la lecture d'une petite sélection de poèmes qu'elle écrit dans l'immédiat après-guerre et des années qui précèdent le coup de force entre le mouvement syndicale Solidarnosc et le pouvoir communiste voilà … si vous désirez recevoir d'autres poèmes de Szymborska faites le mois savoir et je vous en enverrais volontiers !


Sortie de cinéma

Des rêves miroitaient sur la toile blanche.
Deux heures passées d'écaille lunaire.
Il y eut l'amour sur un air nostalgique,
Il y eut l'eureux retour au terme de l'errance.

Le monde après ce conte est gris, brouillard.
Pas de rôles, pas d'intéressants visages.
Les regrets du maquis chantés par le soldat
Et la fille qui joue les regrets de son âge.

Je reviens à vvous, au monde vrai,
Plein de hasards, grouillant, sombre -
A toi, le manchot tapi sous le porche
A toi, la fille aux yeux vains.

(1945)

 

Encore

Dans les wagons plombés
Des prénoms traversent la contrée,
Mais jusqu'oú ils voyageront,
Si un jour ils en descendront,
Je n'en sais, je ne vous dirais rien.

Prénom Nathan cogne contre la cloison,
prénom Isaac hurle et chante sa folie,
prénom Sarah pour deux gouttes d'eau supplie,
puisque se meurt de soif le prénom Aaron.

Ne saute pas deans le vide, prénom David.
Ce prénom te flétrit pour la vie,
Ce prénom on ne le donne à personne,
C'est trop lourd à porter par ici.

Que ton fils porte un nom slave et blond,
Car ici, chaque cheveu on recense
Car ici on sépare le bon grain de l'ivraie
D'après tes paupières et d'après ton prénom.

Ne saute pas. Que ton fils s'appelle Lech.
Ne saute pas, Ce n'est pas encore l'heure.
Ne saute pas. La nuit rit aux éclats,
Et ricannent les wagons sur la voie.

Un nuage humain passe sur le pays,
Grand nuage, et une larme pour toute pluie,
Petite pluie, rien qu'une larme, quelle sécheresse.
Et les rails dans le noir disparaissent.

C'est comme ca - fait la roue. Pas de clairière.
C'est comme ca - train de cris à travers bois.
C'est comme ca - dans la nuit, je l'entends.
C'est comme ca - le silence cogne le silence.

(1957)












 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Eau

Voilà que sur ma main tombe une goutte de pluie,
Répandue par le Gange et le Nil.

Elévation du givre des moustaches d'un phoque,
Fruit des cruches cassées dans les villes d'Ys et Tyr.

Sur la poinnte de mon index
La mer Caspienne est une mer ouverte,

Et le Pacifique coule dans le lit de la Rudawa,
La mmême qui survole Paris en petit nuage

En mille sept cent soixante-quatre
Le sept mai à trois heures du matin.

La bouche n'y suffirait pour décliner
Tous tes noms ondoyants, eau.

Il faudrait te trouver un nom dans toutes les langues
En prononcant ensemble toutes leurs voyelles

Et se taire en m6eme temps - au nom d'un lac
Qui n'a jamais pu obtenir un nom quelconque

Et qui n'existe point sur terre, comme au ciel
N'existe cette étoile qui s'y refléterait.

Un qui se noie, un autre qui t'implore en mourant.
C'était il y a longtemps, et c'e'tait hier.

Maisons tu éteignais, maisons tu emportais
Comme des abres, et forêts comme des villes.

Dans les fonds baptismaux et les bidets des putes.
Sur les langues et sur les linceuls.
Grignotant les rochers, allaitant l'arc-en-ciel.
Sueur et rosée des pyramides, des lilas.

Que c'est léger, tout ca, dans une goutte de pluie
Combien délicat est sur moi le toucher du monde.

Quoi - quand - oú que ce soit passé,
Restera gravé dans l'eau de Babel.

(1962)

 

Terroriste, il regarde

La bombe sautera dans le bar à treize heures vingt.
Il n'est pas maintenant que treize heures seize.
Certains auront le temps de sortir.
Et d'autres d'entrer.

Le terroriste, lui, est déjà del'autre côté de la rue.
Cette distance le préserve du mal,
Et puis quelle vue ! Comme au cinéma.

La femme en blouson jaune, elle entre.
L'homme en lunettes noires, il sort.
Les gars en jeans, ils causent.
Treize heures diz-sept et quatre secondes.
Le plus petit, le veinard, il enfourche son scooter,
Et le plus grand, il entre.

Treize heures dix-sept et quarante secondes.
Laa fille, elle arrive, un ruban vert dans les cheveux.
Seulement il y a un bus qui passe, et on ne la voit plus.
Treize jeures dix-huit.
Plus de fille
Est-elle entrée, l'idiote, ou bien non,
On verra quand ils auront sorti les corps.

Treize heures diz-neuf.
Plus personne n'entre.
Il y a juste un gros chauve qui sort.
Mais on dirait qu'il fouille encore dans ses poches et
à treizes heure vingt moins dix secondes
il revient chercher ses misérables gants.

Il est treize heures vingt.
Le temps, qu'est ce qu'il traîne.
Ca doit être maintenant.
Oui, maintenant.
La bombe, elle saute.

(1976)

 

Tortures

Rien n'a changé.
Le corps est douloureux,
Il doit manger, respirer et dormir,
Il a la peau fine, et du sang qui affleure,
Des réserves d'ongles et de dents,
Os qui cassent, ligaments qui s'étirent.
La torture prend en compte tout cela.

Rien n'a changé.
Le corps tremble comme il a tremblé
avant la création de Rome et après,
au vingtième siècle d'avant et après Jésus-christ,
la torture demeure, la terre seule a rétréci,
et tout s'y passe comme dans la pièce voisine.

Rien n'a changé.
Il y a simplement davantage d'umains,
Aux fautes séculaires s'ajaoutent des fautes nouvelles,
Réelles, supposées, momentanées et nulles,
Mais le cri que le corps fait jaillir
Est toujours en cri d'innocence,
Selon les éternels registres et mesures.

Tout cela sous un ciel par nature incéleste
Oú se couche le soleil sans se coucher du tout,
Se cachant sans l efaire derrière un nuage qui s'ignore,
Agité par le vent, sans raison que le souffle.

Une seconde qui passe.
Une autre seconde.
Une troisième seconde.
Mais il ne s'agit que de nos trois secondes.

Le temps passe tel un messager avec une nouvelle urgente.
Mais cette métaphore nous appartient en propre.
Personnage fictif, empressement factice,
Et nouvelle inhumaine.

(1986)

 

Et voilà ca sera tout pour ce numéro …. A bientôt !

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