WLADYSLAW WAZNY
Chevalier de la legion d'honneur
Patriote polonais et héros
de la
Résistance francaise
1908 - 1944
Par Robert Daverat
Chevalier de la Légion d'honneur
Comité de Lille
Lorsque se termine le 17 octobre 1939, l'assassinat de la Pologne
par les armées hitlériennes et soviétiques,
le peuple envahi ne baissa pas les bras et continua la lutte
avec l'armée française. Une armée nouvelle
a été formée avec le concours de la France,
entraînée dans les camps d'instruction militaire
de Coëtquidan en Bretagne et de Parthenay dans les Deux
- Sèvres.
Une brigade polonaise prit part à côté des
Français à la campagne de Norvège avec 4.478
hommes. L'invasion du 10 mai 1940 imposa de la replier et
de l'incorporer dans l'armée française. Après
Dunkerque, un total de 20.000 hommes put être évacué vers
la Grande-Bretagne ; le reste tenta d'échapper à la
captivité en se frayant un chemin vers la France non occupée.
Les soldats polonais se conformèrent à la consigne
du général en chef nommé par le gouvernement
polonais réfugié à Londres.
Mais, du fait des circonstances, tous les polonais résidents
en France n'ont pas suivi la même voie. Ce fut le cas de
Wladyslaw Wazny "Capitaine Tygrys" (Tigre) dans
la Résistance Française.
Il était né dans une famille de 9 enfants à Ruda
Rozanicka (Pologne), dont le chef de famille, pour vivre, exploitait
deux hectares et demi de mauvaise terre et complétait ses
ressources en exerçant la fonction de maître d'hôtel
chez un baron local.
Wazny fût le seul à faire des études et le
1er septembre 1939, quand la Pologne décréta la mobilisation,
il était instituteur et directeur d'une école primaire
de sept classes près de Jaroslaw.
Il rejoignit le 39e régiment de chasseurs polonais en qualité de
sous -lieutenant. Jusqu'au 17 octobre 1939, il a combattu les troupes
hitlériennes dans sa province natale, mais l'entrée
en guerre des forces soviétiques l'obligea à s'évader
avec de nombreux camarades pour gagner la France par la Hongrie
et l'Italie du Nord. Il reprend du service dans la 1ère
armée polonaise sous les ordres du Général
Sikorski.
Pour lui comme pour de nombreux polonais, la défaite de
la campagne de France fût ressenti encore plus fortement
que pour les Français, tant étaient grande chez les
Polonais l'admiration pour l'invincibilité de notre armée.
En juin 1940, il avait atteint, dans la retraite de son unité,
la zone libre, ce qui entraîna son incorporation dans un
de ses camps de travailleurs étrangers, formés à la
hâte et sans idée bien précise au moment de
l'armistice, en zone non occupée.
Wazny va y rester jusqu'à l'invasion de cette zone le 8
novembre 1942, mais est toujours sous les ordres du Général
Sikorski qui l'affecte à son service de renseignements,
ce qui le conduit à effectuer de nombreuses missions, en
particulier en Suisse.
Dès l'arrivée des Allemands, il s'est sauvé en
Espagne en franchissant les Pyrénées et a été arrêté par
La Guardia civile, comme beaucoup d'autres Français fugitifs,
et comme eux, interné dans le camp de sinistre réputation
de Miranda del. Ebro. Il y reste sept mois puis fût expulsé vers
Gibraltar et pût enfin rejoindre l'Angleterre.
Sur le territoire
de celle-ci, le gouvernement polonais avait reconstitué son armée dans laquelle Wazny s'engage
immédiatement. Il suit l'entraînement des troupes
destinées à participer au futur débarquement
en France. Puis il se porte volontaire pour une mission en France,
aussi difficile que dangereuse, , dans le domaine du renseignement.
Sa
candidature acceptée, il reçoit pendant sis mois
une formation poussée d'opérateur radio assortie
d'un entraînement intensif en tant que parachutiste. Au terme
de son entraînement, le Gouvernement polonais le charge d'organiser
et d'animer un réseau de renseignements dans les départements
du Nord et du Pas-de-Calais, avec des antennes en Belgique et en
Hollande, dans le cadre de la Résistance Polonaise en France.
Mais il doit travailler en liaison avec la Résistance Française
déjà en action sur le terrain depuis juin 1940.
Le choix de cette région était motivé par
des informations signalant dans les zones boisées, notamment
du côté de Saint Omer et Boulogne, des travaux importants
par l'organisation Todt.
Il était donc essentiel de connaître la nature exacte
de ces travaux, comme leur destination future et de posséder
tous renseignements sur les voies de communication reliant ces
ouvrages, les mouvements de troupes, les lieux de cantonnement.
Bien entendu, la résistance polonaise de Belgique et de
Hollande devait suivre de très près ce qui se passait
et en informer Wazny.
En 1942-1943, l'organisation Todt édifiait les bunkers
non enterrés ( en allemand Wasserwerke ou châteaux
d'eau) d'où partiraient vers Londres, en particulier, les
armes secrètes d'Hitler : fusées V1, V2, avions sans
pilote.
Pendant que Wazny recevait sa formation en Angleterre, une équipe,
destinée à l'assister, subissait un entraînement
d'opérateur radio. Quatre polonais la constituaient, destinés
eux aussi à êtres parachutés en France. L'enseignement
leur était donné par sept officiers instructeurs
anglais dans une école de l'Intelligence Service à Maleg
( Ecosse). Pendant un mois, ils suivirent un entraînement
physique intensif et apprirent toutes les formes de combat, ainsi
que le maniement des armes et explosifs. Après ce stage,
ils partirent à l'école supérieure de parachutiste
de Manchester où, pendant un mois, l'Intelligence Service
les forma. Ils effectuèrent, pendant leur séjour,
cinq sauts en parachute, puis on les envoya à Londres où quatre
volontaires furent retenus pour recevoir une formation d'opérateur
radio (W.T.) que Wazny avait déjà suivi.
Le 5 février 1944, ils étaient parachutés
dans les sud-ouest de la France, du côté de Villeneuve
sur Lot, l'un d'eux se tua en atterrissant. Ils devaient, pour
vérifier leurs facultés d'adaptation au nouvel environnement,
rejoindre par leurs propres moyens Wazny.
Celui-ci avait été parachuté le 3 mars 1944
avec un code chiffré, des cartes de liaison radio et du
matériel radio suffisamment puissant pour communiquer sans
difficultés avec Londres.
Fin février 1944, les adjoints de Wazny sont sur place
dans la région Nord et le rejoignent dès qu'ils sont
informés de son arrivée.
Dès les premiers contacts, Wazny se révèle
un maître incontesté dans le domaine du renseignement,
, comme dans l'organisation de la lutte clandestine et obtient
une fidélité sans bornes de tous ceux qui étaient
appelés à travailler avec lui. Dès le départ,
il constitue avec l'aide des Polonais installés sur place
une équipe de dessinateurs. Et surtout, dans cette population
polonaise très nombreuse dans la région des mines,
il sut créer un réseau de renseignements aussi dense
qu'efficace ; Il basa son quartier général chez
le responsable du centre de liaisons de l'état-major du
groupe Nord de la résistance polonaise en France (P.O.W.N.),
un tailleur de Montigny en Osrevent, M. Lukowiak, avec lequel il
entretenait des liaisons permanentes.
Wazny initie les membres du
groupe aux activités clandestines,
déjà mises en œuvre en Pologne depuis le début
de septembre, il leur apprit à recueillir, tous les renseignements,
même d'apparence insignifiante, sur l'activité de
l'ennemi, à rédiger des rapports simples, clairs
et précis. Il organisa un réseau de liaisons internes
entre les résistants à pied, à bicyclette,
suffisamment sophistiqué pour dérouter les Allemands,
avec des points de contacts et des cachettes pour les armes et
les hommes recherchés. Grâce à lui, en rappelant
la manière dont les Allemands s'étaient comportés à l'égard
des Polonais dès leur entrée en guerre, il sut insuffler à ses
compatriotes une haine tenace contre l'ennemi occupant notre sol.
Cela lui permit d'obtenir une couverture suffisante des mouvements
de l'adversaire par ses compatriotes, hommes femmes et enfants,
tout comme en Pologne. En outre, les radios -opérateurs
n'ayant aucune arme sur eux, c'était à ces volontaires
analogues aux fourmis qu'ont bien connu les anciens d'Indochine,
qu'il appartenait de faire parvenir des appareils radio ou des
pièces de rechange en cas de panne, de faire circuler messages
et armes dans les réseaux. À Wazny revenait la charge d'analyser et d'interpréter
les renseignements reçus, de les vérifier le cas échéant
et, s'ils valaient la peine d'être porté à la
connaissance de Londres, de les transformer en messages chiffrés,
transmis immédiatement par un agent de liaison au poste émetteur.
Le radio- opérateur concerné se chargeait de la transmission
au Q.G. interallié de Londres.
Il ne pouvait assurer ces missions qu'au prix
d'une vie errante, le conduisant à bouger sans cesse et
changer constamment de cache. Ainsi, du 20 mars au 30 avril 1944,
il séjourne à Waziers ;
de là, il part sur Lallaing, du 8 mai au 16 juin. Jusqu'au
15 juillet, il est à Auby Asturies. Il fait ensuite de brefs
séjours à Pont de la Deûle et Roost-Warendin,
toutes ces localités du Nord proches de Montigny en Ostrevent,
son ultime refuge lorsque la présence des Allemands se fait
trop présente, ou suivant les indications de ceux qui, dans
l'ombre, veillent sur lui.
Il participe également à de fréquentes réunions
du groupe polonais de résistance Nord, le P.O.W.N.Monika
où il retrouve le capitaine Colon, chargé des liaisons
avec la Résistance Française et coordinateur de l'action
militaire avec les divers mouvements de Résistance Nord.
Il y apporte une contribution précieuse et active et a souvent
l'occasion d'y rencontrer le chef militaire de la Résistance
Polonaise de la région de Paris.
Celui-ci est porteur des
ordres du Q.G. de Londres pour l'action générale et de nouveaux codes. C'est à ces
occasions que sont discutées les actions importantes et
prises les décisions pour la région.
Cette activité déferlante ainsi que la qualité de
ses renseignements a permis à Wazny de mars à août
1944 d'envoyer 173 messages à Londres. Fin mars, il remarque
dans la région l'apparition de chantiers mystérieux
et les signale aussitôt. Londres alerté demande aussitôt à la
POWN de fournir le maximum de détails sur la localisation
car elle suppose, avec raison, que ces constructions spéciales (
Sonderbauten) sont destinées à recevoir des rampes
de lancement de bombes volantes.
Dans ce domaine, la collaboration
du capitaine Colon, dont il a fait son bras droit lui est précieuse car le capitaine
a été raflé par l'armée allemandes
et a servi dans l'organisation Todt, chargé d'édifier
le mur de l'Atlantique.
Il participe ainsi à la construction des rampes de lancement
dans les secteurs d'Hazebrouck, Nieppe, Saint - Omer, Watten,
Eperlecques, ne manquant pas de recueillir le maximum de renseignements
possible sur son passage, immédiatement communiqués à Wazny.
Le programme allemand prévoyait d'édification dans
cette région et en Belgique d'une centaine de rampes de
lancement de V1. La construction d'un prototype de cet engin avait
en fait commencé en juin 1942 à Peenemünde,
dans le cadre du programme Vulcan. Mais l'action d'espionnage de
l'armée de l'intérieur polonaise de Stettin (AK)
avait permis à l'aviation anglaise de détruire les
rampes de lancement en cours imposant le repli des chantiers sur
la région du Nord.
En trois mois, Wazny et son réseau découvrent 127
rampes de lancement en construction. 87 sont totalement détruits
par bombardements aériens, ainsi que 10 dépôts
de bombes. Jour après jour les radios opérateurs
expédient à Londres des messages de Wazny sur l'avancement
des travaux et les résultats des essais, par exemple : il
informe qu'un des membres du réseau a observé le
lancement de 12 engins, dont six sont tombés à proximité.
À cela s'ajoute la destruction de 17 trains de matériel,
porteurs d'éléments nécessaires au front de
Normandie, de 60 positions militaires ou cantonnements, dont celui
du maréchal Rommel.
Ces résultats obtenus en si peu de temps, ont impressionné le
commandement des forces alliées en Europe, le SHAEF.
Celui-ci n'hésite pas à partir du
16 juin 1944, quand la bataille de Normandie fait rage, à engager
la totalité du
corps de bataille aérien du Général Harris,
la "bomber air command" , pour détruire les
objectifs signalés. Fin juin 16.000 tonnes de bombes ont été lancées
sur les constructions non enterrées en cours et 44.000 tonnes
par la suite. À partir des renseignements de Wazny, le
"bomber air command" concentre son action sur le gigantesque
bunker de la Coupole à 5 km de Saint Omer sur les communes
d'Helfaut - Wizernes. Construite depuis 1943, la Coupole était
destinée
au lancement de la fusée V2, première fusée
stratosphérique de l'histoire, en vue de la destruction
de Londres. Le dôme en béton est de 42 mètres
de la principale galerie souterraine, où des déportés
de toutes nationalités construisaient les fusées.
Pour cela un camp de concentrations avait été installé à proximité,
ainsi qu'une usine d'oxygène liquide, nécessaire
pour l'envoi de la fusée dans l'espace.
De ces déportés, il ne reste aucune
trace : les Allemands les considérants comme des "untermenschen"
n'en tenaient aucune liste et n'hésitaient pas à les
couler vivants dans le ciment en cas de bombardements.
Comme Wazny et ses hommes signalaient l'avancement très
rapide des travaux, les bombardements aériens furent intensifiés. À l'automne
1943, 100.000 tonnes de béton, qui auraient dû servir à fortifier
le mur de l'Atlantique, avaient ainsi été coulées.
Si les bombardements aériens endommagèrent gravement
le bunker, sans toutefois le démolir, ils n'en contrarièrent
pas moins fortement le programme de fabrication des V2 ne serait-ce
qu'en désorganisant les voies d'accès et les réseaux
de transport.
Cette situation causait des soucis au Haut commandement allemand
(OKW) d'autant que la maîtrise du ciel échappait à la
Luftwaffe. En outre, il avait été décidé de
construire une arme nouvelle, plus efficace encore que les V1, V2
et avions sans pilote, et pouvant davantage échapper aux
bombardements aériens parce qu'elle était totalement
enterrée, ce qui rendait difficile aux espions d'obtenir
des renseignements à son sujet. En outre, elle devait être
aussi proche que possible de Londres. Cette arme, remarquable dans
sa conception, est connue dans la région comme le canon
de Mimoyecques du nom d'un lieu-dit entre Calais et Boulogne, sur
la commune de Landrethun-les Ardres, à 160 km de Londres,
beaucoup plus proche que Saint Omer ou la Coupole.
Dès la fin avril 1943, Wazny et la Résistance Française
eurent leur attention attirée par l'engagement de travaux
préparatoires, sur le plateau calcaire de Mimoyecques, ne
correspondant à aucun but bien précis. Mais, fin
mai, début juin, arrivèrent sur place des centaines
d'ouvriers, de nombreuses bétonnières et un grand
nombre d'excavateurs et les travaux commencèrent sur une
grande échelle.
Il s'agissait d'édifier une installation totalement souterraine
pour abriter cette nouvelle arme. Pour cela il était nécessaire
de creuser le sous -sol calcaire jusqu'à 100m de profondeur
par rapport au niveau du plateau et d'installer dans cette gigantesque
caverne trois niveaux de galeries. La seule issue à l'air
libre était l'ouverture destinée au passage des obus
sortant des batteries installées en sous-sol, donc difficile à détecter.
Le niveau 1, à 30m au-dessous du sol du
plateau, comportait une galerie de 800 m de long, 7 à 8
m de large et 5 à 6
m de hauteur. Une voie de chemin de fer, à écartement
normal reliée au réseau de chemin de fer extérieur,
la parcourait. Dans cette galerie débouchaient
onze galeries latérales, chacune de 110 m de longueur et
rejoignant une autre galerie parallèle à la galerie
principale. Quatre bouches de lancement étaient prévues
sur le plateau.
À
32 m au-dessous de la première galerie, une seconde,
parallèle à celle-ci seraient construites avec deux
bouches de lancement. Au-dessous de cette deuxième galerie,
une troisième devait être creusé à 70
m de profondeur, la quatrième à 102 m.
Cinq bouches sur le plateau devaient servir d'issue
aux sorties des tuyères. La position des canons, de 150
m de long chacun, était
calculée de manière à ce que les tuyères à quelque
niveau qu'elles soient aient une inclinaison à 50 %.
La réalisation de ce projet devait permettre l'installation
de cinq groupes de 5 tuyères. Il s'agissait de canons à longue
portée que Roland Hautefeuille a décrite minutieusement
dans son ouvrage "constructions spéciales" à partir
des documents qui ont pu êtres retrouvés après
la guerre. Chacun de ces canons
( ou plutôt tuyères) en acier doux avait un calibre
de 15 cm. Tout au long des 150m de sa longueur s'ouvraient à intervalles
réguliers des chambres en forme de protubérances
dans lesquelles des petites charges explosives étaient mises à feu
au fur et à mesure de l'avancement du projectile, par des
contacts électriques. L'obus, muni d'ailerons, se voyait
imposer ainsi une accélération progressives, et à sa
sortie avait une vitesse de 1.500 m/seconde minimum, de manière, à pouvoir
atteindre Londres en un peu plus de 120 secondes. Le projectile était
animé par de l'oxygène liquide à haute pression.
En raison des protubérances du tube, les Allemands l'avaient
baptisé "mille-pattes". L'obus avait une longueur
variant entre 1,80 m et 3,20 m et un poids entre 76 et 127 kg.
Il comportait une charge explosive de 5 à 10kg. La première
batterie devait être mis en service au 13 avril 1944, elle
comporterait 5 tuyères et tirerait 10.000 coups par mois.
Pour réaliser ce travail gigantesque, 1.500 "untermencher"
extrayaient la craie à la cadence de 750 m3 par semaine.
Le travail terminé 10 batteries de 5 tubes auraient tiré sur
Londres en permanence. Au total, il était prévu d'utiliser
500.000m3 de béton, quantité énorme eu égard
aux besoins du mur de l'Atlantique. Mais le travail avançait à grande
vitesse, comme le notaient les chefs de chantier, puisque l'automne
1943, 250.000 tonnes de béton étaient déjà coulées.
La date de mise en service du 1er Avril 1944 paraissait devoir être
respectée, permettant ainsi à Hitler de continuer à fanatiser
son peuple par la promesse de la mise en œuvre de ses armes
secrètes qui feraient basculer la guerre du côté allemand.
Pendant ce temps, les résistants, tant français
que polonais de Wazny, rivalisaient d'ardeur pour recueillir le
maximum d'informations utilisables par les alliés. De son
côté, le Bomber air command multipliait les reconnaissances
aériennes et, sans relâcher ses interventions sur
les sites signalés, intensifiant ses bombardements sur le
plateau.
En préalables des tracts avaient été lancés
ordonnant à tous les ouvriers de la région, dès
novembre 1943, ainsi qu'à ceux qui sont incorporés
dans l'organisation Todt ou à une entreprise allemande travaillant
pour elle, de prendre immédiatement le maquis, si possible,
et à la population du voisinage de quitter le secteur. Malheureusement
ces tracts ne pouvaient parvenir aux déportés travaillant
en sous-sol.
De mars à juin 1944, 2153 bombes furent lâchées
au cours de 9 bombardements intensifs. Du 15 juin au 31 août,
le plateau subit 5 attaques et reçut 2.563 tonnes de bombes.
Les alliés employaient, lors de ces bombardements des engins
spéciaux, des bombes Tallboy M. d'un poids unitaire de 5
t 436. Le 6 juillet suivant, 16 avions lancèrent 16 tonnes
de ces bombes.
Il est probable qu'une bombe de l'attaque de mars
tomba dans une tuyère détruisant tout sur son passage, y compris
les 600 ou 700 ouvriers travaillant au fond. Le délai du
1er avril ne serait donc pas respecté. En outre, en ébranlant
la craie, les explosions provoquèrent de nombreuses inondations,
rendant les galeries aux niveaux 3 et 4 inexploitables, ainsi que
beaucoup de galeries des niveaux 1 et 2.
La fameuse arme secrète se révéla donc inutilisable.
Parallèlement, Wazny continuait son activité de
renseignements, mais maintenant ses adversaires avaient pris conscience
du danger que représentait son réseau et lancèrent à sa
recherche leurs meilleurs limiers, ainsi que 40 postes goniométriques
sur camions pour détecter les radios opérateurs.
Le
13 juillet, un radio opérateur est arrêté à Paris,
le 28 un second poste émetteur est découvert et son
opérateur arrêté ; de même que l'agent
de liaison que Wazny envoie au G.Q.G. de l'organisation à Paris
a commis la grave imprudence d'avoir dans son courrier des adresses
non codées, dont celle de. Lukowiak, la cachette favorite
de Wazny en cas de danger à Montigny - en - Ostrevent. Le
3 août, un autre radio opérateur est arrêté en
plein travail. Un seul reste donc pour assurer la liaison Sigmund
Nowak "Alamant". Il reçut 17 balles des agents
de la Gestapo à Angres (62) et conduit à la prison
de Loos (59) pour y être torturé le 28 juillet. La
débâcle allemande force ses geôliers à l'abandonner
presque mourant. Les alliés lui donnent les premiers soins
et le rapatrient en Angleterre où à partir de début
octobre 1944, il entame une convalescence qui va durer quatre ans.
Il a été décoré de la Légion
d'Honneur, à la Maison de France le 21 juin 2002.
Pendant ce temps, la situation devenait de plus en plus difficile
et il lui fallait imaginer une parade. Il arrive donc à bicyclette
chez M. Lukowiak, son correspondant de Montigny -en- Ostrevent. À 12h30,
un individu entra dans le magasin du tailleur. Il fut accueilli
par sa fille à qui il demanda s'il s'agissait bien de la
maison de M. Lukowiak, pendant que les deux hommes conféraient
dans l'arrière-cuisine. La fille reconnu un allemand en
ce personnage et alla prévenir son père. Aussitôt
Wazny emprunta la sortie vers les jardins, pendant que la Gestapo,
envahissant la maison, mitraillette à la main, se précipitait
au premier étage et apercevait Wazny cherchant à franchir
le mur de clôture. Il reçut une balle dans la jambe
qui l'empêcha de marcher. Aussi, avala-il la capsule de cyanure
qu'il portait sur lui. Les Allemands furieux de ne pouvoir le saisir
vivant, but de l'intervention, chargèrent après un
bref interrogatoire, M. et Mme Lukowiak, ainsi que le capitaine
Colon qui se trouvait là, dans leurs voitures. Après
un bref arrêt à la gendarmerie pour ordonner aux gendarmes
de s'occuper du corps, ils prirent la direction de la prison de
Loos, non sans prendre en charge à Roost Warendin (59),
d'autres résistants déjà capturés.
La population tout entière vient rendre un dernier hommage
au capitaine Wazny. L'inhumation eût lieu le 31 août
au cimetière local où il repose désormais
et, chaque année, la date anniversaire de sa mort est célébrée
par la population de Montigny-en-ostrevent. (59)
La nouvelle
de la disparition de ce grand résistant fut
vivement ressentie non seulement par la communauté polonaise
et la population, mais aussi dans les communes voisines.
Les chefs
des armées alliées furent également
frappés de cette disparition, de celui qui avait, au prix
de sa vie, rendu tant de services à la cause commune.
Immédiatement, le Général De Gaulle le nomma
Chevalier de la Légion d'Honneur à titre posthume,
titulaire de la croix de guerre avec palmes et de la médaille
de la Résistance. Il le déclara "Mort pour
la France".
Le Premier ministre polonais du gouvernement de Londres lui décerna
la plus haute décoration polonaise, la " Virtuti
Militari" pour avoir bien mérité de la Pologne
et de la France. Mais l'hommage le plus marquant lui a été rendu
en février 1946, par Winston Churchill, dans son discours à la
Chambre des Communes.
"Les services de renseignements du colonel Daniel (Zdrojewski)
chef de la P.O.W.N. découvrirent 173 rampes de lancement de
bombes volantes dont 83 furent bombardées par la R.A.F.. Le
service du Capitaine Wazny signala les effets du bombardement. Ses
hommes
coupèrent des câbles électriques souterrains,
ce qui mis l'ennemi dans l'impossibilité de concentrer les
bombes volantes sur Londres. Selon une estimation modeste, le colonel
Daniel et ses braves soldats épargnèrent à Londres
20 % des bombes volantes, soit environ 1.500 de celles qui
parvinrent sur l'Angleterre. En d'autres termes, des milliers de
vies et des biens calant des millions furent épargnés.
Dans
cette lutte, les Polonais subirent de lourdes pertes. Cinq sur six
postes émetteurs furent liquidés
par 40 groupes goniométriques, et le capitaine Wazny, dont
le nom était "Tigre",
officier de renseignements fut tué dans l'action. Une poignée
de soldats ont mené une dure et silencieuse bataille dans
un pays étranger et sont morts pour que des Londoniens puissent
vivre. Ils ne devraient pas êtres oubliés.
Le capitaine Wazny est devenu le héros de la commune de
Montigny en Ostrevent. Dès le 24 septembre, une cérémonie
a été organisée en sa mémoire, en présence
des représentants de l'ambassade polonaise et le chef du
groupe Nord du P.OW.N.
Le premier novembre, journée commémorative des fusillés
de la Résistance, les sociétés locales, les
anciens combattants de 1914-1918, les prisonniers de guerre et
déportés se rassemblèrent avec le reste de
la population au monuments aux morts pour une minute de silence.
De là ils se rendirent sur la tombe du <<Tigre>> témoin
glorieux de cet esprit d'abnégation et de sacrifice consenti
pour la Patrie. Le 11 novembre, le capitaine Wazny fut associé aux
souvenirs des deux guerre en présence de soldats de l' Armée
Polonaise. Le 13 mai 1945, après la fin de la guerre, à l'issue
de la grand-messe, le curé vint bénir la tombe.
En
1952, le conseil municipal vota au profit de l'association des
résistants polonais une subvention en
vue de l'érection
d'un monument en l'honneur du capitaine, dans le cimetière
communal. Ce monument fut inauguré le 11 novembre 1952 devant
de nombreuses personnalités dont le chef de la Résistance
Polonaise en France, (Colonel Daniel Zdrojewski). Celui-ci déclara
"Fils de l'émigration, ton sang versé est un
testament pour l'émigration. Par le sacrifice héroïque
de ta vie, tu as lié le sort de l'émigration à la
France, parce que tu es mort comme soldat polonais et français à la
fois "
Le 5 juin 1955, le Président Georges Bidault, en sa double
qualité d'ancien Président du Conseil National de
la Résistance et de président des amis de la République
Française, a inauguré la rue du Capitaine WAZNY à Montigny-en-Ostrevent,
où l'anniversaire de sa mort est célébré chaque
année.
ZA WASZA WOLNOSC I NASZA
S.P. WAZNY WLADYSLAW PSEUD; (TIGRYS )
OFICER ARMI POLSKIEJ SPADOCHRONIACH
ZGINAL SMIERCIA BOHATERA WIEKU LAT 37
ZAMORDOWANY PRZYZ SIEPACY GESTAPOWSKICH
W NIEUSTRASZONE WALCE O WOLNOSC POLSKI I FRANCJI
DNIA 19 S IERPNIA 1944 r
CZESC JEGO PAMIECI
KOLEDZY OFICEROWI ZOLNIERZE POWN
WIECZNY ODPOCHYNEK RACZ MU DAC PANIE
Z.U.P.R.O 1957 r |