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Hommage à Wladyslaw Wazny

WLADYSLAW WAZNY

Chevalier de la legion d'honneur

Patriote polonais et héros de la
Résistance francaise
1908 - 1944


Par Robert Daverat
Chevalier de la Légion d'honneur
Comité de Lille


Lorsque se termine le 17 octobre 1939, l'assassinat de la Pologne par les armées hitlériennes et soviétiques, le peuple envahi ne baissa pas les bras et continua la lutte avec l'armée française. Une armée nouvelle a été formée avec le concours de la France, entraînée dans les camps d'instruction militaire de Coëtquidan en Bretagne et de Parthenay dans les Deux - Sèvres.

Une brigade polonaise prit part à côté des Français à la campagne de Norvège avec 4.478 hommes. L'invasion du 10 mai 1940 imposa de la replier et de l'incorporer dans l'armée française. Après Dunkerque, un total de 20.000 hommes put être évacué vers la Grande-Bretagne ; le reste tenta d'échapper à la captivité en se frayant un chemin vers la France non occupée. Les soldats polonais se conformèrent à la consigne du général en chef nommé par le gouvernement polonais réfugié à Londres.
Mais, du fait des circonstances, tous les polonais résidents en France n'ont pas suivi la même voie. Ce fut le cas de Wladyslaw Wazny "Capitaine Tygrys" (Tigre) dans la Résistance Française.

Il était né dans une famille de 9 enfants à Ruda Rozanicka (Pologne), dont le chef de famille, pour vivre, exploitait deux hectares et demi de mauvaise terre et complétait ses ressources en exerçant la fonction de maître d'hôtel chez un baron local.

Wazny fût le seul à faire des études et le 1er septembre 1939, quand la Pologne décréta la mobilisation, il était instituteur et directeur d'une école primaire de sept classes près de Jaroslaw.
Il rejoignit le 39e régiment de chasseurs polonais en qualité de sous -lieutenant. Jusqu'au 17 octobre 1939, il a combattu les troupes hitlériennes dans sa province natale, mais l'entrée en guerre des forces soviétiques l'obligea à s'évader avec de nombreux camarades pour gagner la France par la Hongrie et l'Italie du Nord. Il reprend du service dans la 1ère armée polonaise sous les ordres du Général Sikorski.

Pour lui comme pour de nombreux polonais, la défaite de la campagne de France fût ressenti encore plus fortement que pour les Français, tant étaient grande chez les Polonais l'admiration pour l'invincibilité de notre armée. En juin 1940, il avait atteint, dans la retraite de son unité, la zone libre, ce qui entraîna son incorporation dans un de ses camps de travailleurs étrangers, formés à la hâte et sans idée bien précise au moment de l'armistice, en zone non occupée.
Wazny va y rester jusqu'à l'invasion de cette zone le 8 novembre 1942, mais est toujours sous les ordres du Général Sikorski qui l'affecte à son service de renseignements, ce qui le conduit à effectuer de nombreuses missions, en particulier en Suisse.

Dès l'arrivée des Allemands, il s'est sauvé en Espagne en franchissant les Pyrénées et a été arrêté par La Guardia civile, comme beaucoup d'autres Français fugitifs, et comme eux, interné dans le camp de sinistre réputation de Miranda del. Ebro. Il y reste sept mois puis fût expulsé vers Gibraltar et pût enfin rejoindre l'Angleterre.
Sur le territoire de celle-ci, le gouvernement polonais avait reconstitué son armée dans laquelle Wazny s'engage immédiatement. Il suit l'entraînement des troupes destinées à participer au futur débarquement en France. Puis il se porte volontaire pour une mission en France, aussi difficile que dangereuse, , dans le domaine du renseignement.
Sa candidature acceptée, il reçoit pendant sis mois une formation poussée d'opérateur radio assortie d'un entraînement intensif en tant que parachutiste. Au terme de son entraînement, le Gouvernement polonais le charge d'organiser et d'animer un réseau de renseignements dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, avec des antennes en Belgique et en Hollande, dans le cadre de la Résistance Polonaise en France. Mais il doit travailler en liaison avec la Résistance Française déjà en action sur le terrain depuis juin 1940.

Le choix de cette région était motivé par des informations signalant dans les zones boisées, notamment du côté de Saint Omer et Boulogne, des travaux importants par l'organisation Todt.
Il était donc essentiel de connaître la nature exacte de ces travaux, comme leur destination future et de posséder tous renseignements sur les voies de communication reliant ces ouvrages, les mouvements de troupes, les lieux de cantonnement. Bien entendu, la résistance polonaise de Belgique et de Hollande devait suivre de très près ce qui se passait et en informer Wazny.

En 1942-1943, l'organisation Todt édifiait les bunkers non enterrés ( en allemand Wasserwerke ou châteaux d'eau) d'où partiraient vers Londres, en particulier, les armes secrètes d'Hitler : fusées V1, V2, avions sans pilote.

Pendant que Wazny recevait sa formation en Angleterre, une équipe, destinée à l'assister, subissait un entraînement d'opérateur radio. Quatre polonais la constituaient, destinés eux aussi à êtres parachutés en France. L'enseignement leur était donné par sept officiers instructeurs anglais dans une école de l'Intelligence Service à Maleg ( Ecosse). Pendant un mois, ils suivirent un entraînement physique intensif et apprirent toutes les formes de combat, ainsi que le maniement des armes et explosifs. Après ce stage, ils partirent à l'école supérieure de parachutiste de Manchester où, pendant un mois, l'Intelligence Service les forma. Ils effectuèrent, pendant leur séjour, cinq sauts en parachute, puis on les envoya à Londres où quatre volontaires furent retenus pour recevoir une formation d'opérateur radio (W.T.) que Wazny avait déjà suivi.
Le 5 février 1944, ils étaient parachutés dans les sud-ouest de la France, du côté de Villeneuve sur Lot, l'un d'eux se tua en atterrissant. Ils devaient, pour vérifier leurs facultés d'adaptation au nouvel environnement, rejoindre par leurs propres moyens Wazny.

Celui-ci avait été parachuté le 3 mars 1944 avec un code chiffré, des cartes de liaison radio et du matériel radio suffisamment puissant pour communiquer sans difficultés avec Londres.

Fin février 1944, les adjoints de Wazny sont sur place dans la région Nord et le rejoignent dès qu'ils sont informés de son arrivée.

Dès les premiers contacts, Wazny se révèle un maître incontesté dans le domaine du renseignement, , comme dans l'organisation de la lutte clandestine et obtient une fidélité sans bornes de tous ceux qui étaient appelés à travailler avec lui. Dès le départ, il constitue avec l'aide des Polonais installés sur place une équipe de dessinateurs. Et surtout, dans cette population polonaise très nombreuse dans la région des mines, il sut créer un réseau de renseignements aussi dense qu'efficace ; Il basa son quartier général chez le responsable du centre de liaisons de l'état-major du groupe Nord de la résistance polonaise en France (P.O.W.N.), un tailleur de Montigny en Osrevent, M. Lukowiak, avec lequel il entretenait des liaisons permanentes.
Wazny initie les membres du groupe aux activités clandestines, déjà mises en œuvre en Pologne depuis le début de septembre, il leur apprit à recueillir, tous les renseignements, même d'apparence insignifiante, sur l'activité de l'ennemi, à rédiger des rapports simples, clairs et précis. Il organisa un réseau de liaisons internes entre les résistants à pied, à bicyclette, suffisamment sophistiqué pour dérouter les Allemands, avec des points de contacts et des cachettes pour les armes et les hommes recherchés. Grâce à lui, en rappelant la manière dont les Allemands s'étaient comportés à l'égard des Polonais dès leur entrée en guerre, il sut insuffler à ses compatriotes une haine tenace contre l'ennemi occupant notre sol.

Cela lui permit d'obtenir une couverture suffisante des mouvements de l'adversaire par ses compatriotes, hommes femmes et enfants, tout comme en Pologne. En outre, les radios -opérateurs n'ayant aucune arme sur eux, c'était à ces volontaires analogues aux fourmis qu'ont bien connu les anciens d'Indochine, qu'il appartenait de faire parvenir des appareils radio ou des pièces de rechange en cas de panne, de faire circuler messages et armes dans les réseaux.
À Wazny revenait la charge d'analyser et d'interpréter les renseignements reçus, de les vérifier le cas échéant et, s'ils valaient la peine d'être porté à la connaissance de Londres, de les transformer en messages chiffrés, transmis immédiatement par un agent de liaison au poste émetteur. Le radio- opérateur concerné se chargeait de la transmission au Q.G. interallié de Londres.

Il ne pouvait assurer ces missions qu'au prix d'une vie errante, le conduisant à bouger sans cesse et changer constamment de cache. Ainsi, du 20 mars au 30 avril 1944, il séjourne à Waziers ; de là, il part sur Lallaing, du 8 mai au 16 juin. Jusqu'au 15 juillet, il est à Auby Asturies. Il fait ensuite de brefs séjours à Pont de la Deûle et Roost-Warendin, toutes ces localités du Nord proches de Montigny en Ostrevent, son ultime refuge lorsque la présence des Allemands se fait trop présente, ou suivant les indications de ceux qui, dans l'ombre, veillent sur lui.

Il participe également à de fréquentes réunions du groupe polonais de résistance Nord, le P.O.W.N.Monika où il retrouve le capitaine Colon, chargé des liaisons avec la Résistance Française et coordinateur de l'action militaire avec les divers mouvements de Résistance Nord. Il y apporte une contribution précieuse et active et a souvent l'occasion d'y rencontrer le chef militaire de la Résistance Polonaise de la région de Paris.
Celui-ci est porteur des ordres du Q.G. de Londres pour l'action générale et de nouveaux codes. C'est à ces occasions que sont discutées les actions importantes et prises les décisions pour la région.

Cette activité déferlante ainsi que la qualité de ses renseignements a permis à Wazny de mars à août 1944 d'envoyer 173 messages à Londres. Fin mars, il remarque dans la région l'apparition de chantiers mystérieux et les signale aussitôt. Londres alerté demande aussitôt à la POWN de fournir le maximum de détails sur la localisation car elle suppose, avec raison, que ces constructions spéciales ( Sonderbauten) sont destinées à recevoir des rampes de lancement de bombes volantes.
Dans ce domaine, la collaboration du capitaine Colon, dont il a fait son bras droit lui est précieuse car le capitaine a été raflé par l'armée allemandes et a servi dans l'organisation Todt, chargé d'édifier le mur de l'Atlantique.
Il participe ainsi à la construction des rampes de lancement dans les secteurs d'Hazebrouck, Nieppe, Saint - Omer, Watten, Eperlecques, ne manquant pas de recueillir le maximum de renseignements possible sur son passage, immédiatement communiqués à Wazny.

Le programme allemand prévoyait d'édification dans cette région et en Belgique d'une centaine de rampes de lancement de V1. La construction d'un prototype de cet engin avait en fait commencé en juin 1942 à Peenemünde, dans le cadre du programme Vulcan. Mais l'action d'espionnage de l'armée de l'intérieur polonaise de Stettin (AK) avait permis à l'aviation anglaise de détruire les rampes de lancement en cours imposant le repli des chantiers sur la région du Nord.
En trois mois, Wazny et son réseau découvrent 127 rampes de lancement en construction. 87 sont totalement détruits par bombardements aériens, ainsi que 10 dépôts de bombes. Jour après jour les radios opérateurs expédient à Londres des messages de Wazny sur l'avancement des travaux et les résultats des essais, par exemple : il informe qu'un des membres du réseau a observé le lancement de 12 engins, dont six sont tombés à proximité.

À cela s'ajoute la destruction de 17 trains de matériel, porteurs d'éléments nécessaires au front de Normandie, de 60 positions militaires ou cantonnements, dont celui du maréchal Rommel.
Ces résultats obtenus en si peu de temps, ont impressionné le commandement des forces alliées en Europe, le SHAEF.

Celui-ci n'hésite pas à partir du 16 juin 1944, quand la bataille de Normandie fait rage, à engager la totalité du corps de bataille aérien du Général Harris, la "bomber air command" , pour détruire les objectifs signalés. Fin juin 16.000 tonnes de bombes ont été lancées sur les constructions non enterrées en cours et 44.000 tonnes par la suite.
À partir des renseignements de Wazny, le "bomber air command" concentre son action sur le gigantesque bunker de la Coupole à 5 km de Saint Omer sur les communes d'Helfaut - Wizernes. Construite depuis 1943, la Coupole était destinée au lancement de la fusée V2, première fusée stratosphérique de l'histoire, en vue de la destruction de Londres. Le dôme en béton est de 42 mètres de la principale galerie souterraine, où des déportés de toutes nationalités construisaient les fusées. Pour cela un camp de concentrations avait été installé à proximité, ainsi qu'une usine d'oxygène liquide, nécessaire pour l'envoi de la fusée dans l'espace.

De ces déportés, il ne reste aucune trace : les Allemands les considérants comme des "untermenschen" n'en tenaient aucune liste et n'hésitaient pas à les couler vivants dans le ciment en cas de bombardements.

Comme Wazny et ses hommes signalaient l'avancement très rapide des travaux, les bombardements aériens furent intensifiés. À l'automne 1943, 100.000 tonnes de béton, qui auraient dû servir à fortifier le mur de l'Atlantique, avaient ainsi été coulées.

Si les bombardements aériens endommagèrent gravement le bunker, sans toutefois le démolir, ils n'en contrarièrent pas moins fortement le programme de fabrication des V2 ne serait-ce qu'en désorganisant les voies d'accès et les réseaux de transport.

Cette situation causait des soucis au Haut commandement allemand (OKW) d'autant que la maîtrise du ciel échappait à la Luftwaffe. En outre, il avait été décidé de construire une arme nouvelle, plus efficace encore que les V1, V2 et avions sans pilote, et pouvant davantage échapper aux bombardements aériens parce qu'elle était totalement enterrée, ce qui rendait difficile aux espions d'obtenir des renseignements à son sujet. En outre, elle devait être aussi proche que possible de Londres. Cette arme, remarquable dans sa conception, est connue dans la région comme le canon de Mimoyecques du nom d'un lieu-dit entre Calais et Boulogne, sur la commune de Landrethun-les Ardres, à 160 km de Londres, beaucoup plus proche que Saint Omer ou la Coupole.

Dès la fin avril 1943, Wazny et la Résistance Française eurent leur attention attirée par l'engagement de travaux préparatoires, sur le plateau calcaire de Mimoyecques, ne correspondant à aucun but bien précis. Mais, fin mai, début juin, arrivèrent sur place des centaines d'ouvriers, de nombreuses bétonnières et un grand nombre d'excavateurs et les travaux commencèrent sur une grande échelle.

Il s'agissait d'édifier une installation totalement souterraine pour abriter cette nouvelle arme. Pour cela il était nécessaire de creuser le sous -sol calcaire jusqu'à 100m de profondeur par rapport au niveau du plateau et d'installer dans cette gigantesque caverne trois niveaux de galeries. La seule issue à l'air libre était l'ouverture destinée au passage des obus sortant des batteries installées en sous-sol, donc difficile à détecter.

Le niveau 1, à 30m au-dessous du sol du plateau, comportait une galerie de 800 m de long, 7 à 8 m de large et 5 à 6 m de hauteur. Une voie de chemin de fer, à écartement normal reliée au réseau de chemin de fer extérieur, la parcourait. Dans cette galerie débouchaient onze galeries latérales, chacune de 110 m de longueur et rejoignant une autre galerie parallèle à la galerie principale. Quatre bouches de lancement étaient prévues sur le plateau.
À 32 m au-dessous de la première galerie, une seconde, parallèle à celle-ci seraient construites avec deux bouches de lancement. Au-dessous de cette deuxième galerie, une troisième devait être creusé à 70 m de profondeur, la quatrième à 102 m.

Cinq bouches sur le plateau devaient servir d'issue aux sorties des tuyères. La position des canons, de 150 m de long chacun, était calculée de manière à ce que les tuyères à quelque niveau qu'elles soient aient une inclinaison à 50 %. La réalisation de ce projet devait permettre l'installation de cinq groupes de 5 tuyères. Il s'agissait de canons à longue portée que Roland Hautefeuille a décrite minutieusement dans son ouvrage "constructions spéciales" à partir des documents qui ont pu êtres retrouvés après la guerre. Chacun de ces canons
( ou plutôt tuyères) en acier doux avait un calibre de 15 cm. Tout au long des 150m de sa longueur s'ouvraient à intervalles réguliers des chambres en forme de protubérances dans lesquelles des petites charges explosives étaient mises à feu au fur et à mesure de l'avancement du projectile, par des contacts électriques. L'obus, muni d'ailerons, se voyait imposer ainsi une accélération progressives, et à sa sortie avait une vitesse de 1.500 m/seconde minimum, de manière, à pouvoir atteindre Londres en un peu plus de 120 secondes. Le projectile était animé par de l'oxygène liquide à haute pression. En raison des protubérances du tube, les Allemands l'avaient baptisé "mille-pattes". L'obus avait une longueur variant entre 1,80 m et 3,20 m et un poids entre 76 et 127 kg. Il comportait une charge explosive de 5 à 10kg. La première batterie devait être mis en service au 13 avril 1944, elle comporterait 5 tuyères et tirerait 10.000 coups par mois. Pour réaliser ce travail gigantesque, 1.500 "untermencher" extrayaient la craie à la cadence de 750 m3 par semaine. Le travail terminé 10 batteries de 5 tubes auraient tiré sur Londres en permanence. Au total, il était prévu d'utiliser 500.000m3 de béton, quantité énorme eu égard aux besoins du mur de l'Atlantique. Mais le travail avançait à grande vitesse, comme le notaient les chefs de chantier, puisque l'automne 1943, 250.000 tonnes de béton étaient déjà coulées. La date de mise en service du 1er Avril 1944 paraissait devoir être respectée, permettant ainsi à Hitler de continuer à fanatiser son peuple par la promesse de la mise en œuvre de ses armes secrètes qui feraient basculer la guerre du côté allemand.

Pendant ce temps, les résistants, tant français que polonais de Wazny, rivalisaient d'ardeur pour recueillir le maximum d'informations utilisables par les alliés. De son côté, le Bomber air command multipliait les reconnaissances aériennes et, sans relâcher ses interventions sur les sites signalés, intensifiant ses bombardements sur le plateau.
En préalables des tracts avaient été lancés ordonnant à tous les ouvriers de la région, dès novembre 1943, ainsi qu'à ceux qui sont incorporés dans l'organisation Todt ou à une entreprise allemande travaillant pour elle, de prendre immédiatement le maquis, si possible, et à la population du voisinage de quitter le secteur. Malheureusement ces tracts ne pouvaient parvenir aux déportés travaillant en sous-sol.

De mars à juin 1944, 2153 bombes furent lâchées au cours de 9 bombardements intensifs. Du 15 juin au 31 août, le plateau subit 5 attaques et reçut 2.563 tonnes de bombes. Les alliés employaient, lors de ces bombardements des engins spéciaux, des bombes Tallboy M. d'un poids unitaire de 5 t 436. Le 6 juillet suivant, 16 avions lancèrent 16 tonnes de ces bombes.
Il est probable qu'une bombe de l'attaque de mars tomba dans une tuyère détruisant tout sur son passage, y compris les 600 ou 700 ouvriers travaillant au fond. Le délai du 1er avril ne serait donc pas respecté. En outre, en ébranlant la craie, les explosions provoquèrent de nombreuses inondations, rendant les galeries aux niveaux 3 et 4 inexploitables, ainsi que beaucoup de galeries des niveaux 1 et 2.

La fameuse arme secrète se révéla donc inutilisable.

Parallèlement, Wazny continuait son activité de renseignements, mais maintenant ses adversaires avaient pris conscience du danger que représentait son réseau et lancèrent à sa recherche leurs meilleurs limiers, ainsi que 40 postes goniométriques sur camions pour détecter les radios opérateurs.
Le 13 juillet, un radio opérateur est arrêté à Paris, le 28 un second poste émetteur est découvert et son opérateur arrêté ; de même que l'agent de liaison que Wazny envoie au G.Q.G. de l'organisation à Paris a commis la grave imprudence d'avoir dans son courrier des adresses non codées, dont celle de. Lukowiak, la cachette favorite de Wazny en cas de danger à Montigny - en - Ostrevent. Le 3 août, un autre radio opérateur est arrêté en plein travail. Un seul reste donc pour assurer la liaison Sigmund Nowak "Alamant". Il reçut 17 balles des agents de la Gestapo à Angres (62) et conduit à la prison de Loos (59) pour y être torturé le 28 juillet. La débâcle allemande force ses geôliers à l'abandonner presque mourant. Les alliés lui donnent les premiers soins et le rapatrient en Angleterre où à partir de début octobre 1944, il entame une convalescence qui va durer quatre ans. Il a été décoré de la Légion d'Honneur, à la Maison de France le 21 juin 2002.

Pendant ce temps, la situation devenait de plus en plus difficile et il lui fallait imaginer une parade. Il arrive donc à bicyclette chez M. Lukowiak, son correspondant de Montigny -en- Ostrevent. À 12h30, un individu entra dans le magasin du tailleur. Il fut accueilli par sa fille à qui il demanda s'il s'agissait bien de la maison de M. Lukowiak, pendant que les deux hommes conféraient dans l'arrière-cuisine. La fille reconnu un allemand en ce personnage et alla prévenir son père. Aussitôt Wazny emprunta la sortie vers les jardins, pendant que la Gestapo, envahissant la maison, mitraillette à la main, se précipitait au premier étage et apercevait Wazny cherchant à franchir le mur de clôture. Il reçut une balle dans la jambe qui l'empêcha de marcher. Aussi, avala-il la capsule de cyanure qu'il portait sur lui. Les Allemands furieux de ne pouvoir le saisir vivant, but de l'intervention, chargèrent après un bref interrogatoire, M. et Mme Lukowiak, ainsi que le capitaine Colon qui se trouvait là, dans leurs voitures. Après un bref arrêt à la gendarmerie pour ordonner aux gendarmes de s'occuper du corps, ils prirent la direction de la prison de Loos, non sans prendre en charge à Roost Warendin (59), d'autres résistants déjà capturés.

La population tout entière vient rendre un dernier hommage au capitaine Wazny. L'inhumation eût lieu le 31 août au cimetière local où il repose désormais et, chaque année, la date anniversaire de sa mort est célébrée par la population de Montigny-en-ostrevent. (59)
La nouvelle de la disparition de ce grand résistant fut vivement ressentie non seulement par la communauté polonaise et la population, mais aussi dans les communes voisines.
Les chefs des armées alliées furent également frappés de cette disparition, de celui qui avait, au prix de sa vie, rendu tant de services à la cause commune.
Immédiatement, le Général De Gaulle le nomma Chevalier de la Légion d'Honneur à titre posthume, titulaire de la croix de guerre avec palmes et de la médaille de la Résistance. Il le déclara "Mort pour la France".
Le Premier ministre polonais du gouvernement de Londres lui décerna la plus haute décoration polonaise, la " Virtuti Militari" pour avoir bien mérité de la Pologne et de la France. Mais l'hommage le plus marquant lui a été rendu en février 1946, par Winston Churchill, dans son discours à la Chambre des Communes.
"Les services de renseignements du colonel Daniel (Zdrojewski) chef de la P.O.W.N. découvrirent 173 rampes de lancement de bombes volantes dont 83 furent bombardées par la R.A.F.. Le service du Capitaine Wazny signala les effets du bombardement. Ses hommes coupèrent des câbles électriques souterrains, ce qui mis l'ennemi dans l'impossibilité de concentrer les bombes volantes sur Londres. Selon une estimation modeste, le colonel Daniel et ses braves soldats épargnèrent à Londres 20 % des bombes volantes, soit environ 1.500 de celles qui parvinrent sur l'Angleterre. En d'autres termes, des milliers de vies et des biens calant des millions furent épargnés.
Dans cette lutte, les Polonais subirent de lourdes pertes. Cinq sur six postes émetteurs furent liquidés par 40 groupes goniométriques, et le capitaine Wazny, dont le nom était "Tigre", officier de renseignements fut tué dans l'action. Une poignée de soldats ont mené une dure et silencieuse bataille dans un pays étranger et sont morts pour que des Londoniens puissent vivre. Ils ne devraient pas êtres oubliés.

Le capitaine Wazny est devenu le héros de la commune de Montigny en Ostrevent. Dès le 24 septembre, une cérémonie a été organisée en sa mémoire, en présence des représentants de l'ambassade polonaise et le chef du groupe Nord du P.OW.N.
Le premier novembre, journée commémorative des fusillés de la Résistance, les sociétés locales, les anciens combattants de 1914-1918, les prisonniers de guerre et déportés se rassemblèrent avec le reste de la population au monuments aux morts pour une minute de silence. De là ils se rendirent sur la tombe du <<Tigre>> témoin glorieux de cet esprit d'abnégation et de sacrifice consenti pour la Patrie. Le 11 novembre, le capitaine Wazny fut associé aux souvenirs des deux guerre en présence de soldats de l' Armée Polonaise. Le 13 mai 1945, après la fin de la guerre, à l'issue de la grand-messe, le curé vint bénir la tombe.
En 1952, le conseil municipal vota au profit de l'association des résistants polonais une subvention en vue de l'érection d'un monument en l'honneur du capitaine, dans le cimetière communal. Ce monument fut inauguré le 11 novembre 1952 devant de nombreuses personnalités dont le chef de la Résistance Polonaise en France, (Colonel Daniel Zdrojewski). Celui-ci déclara "Fils de l'émigration, ton sang versé est un testament pour l'émigration. Par le sacrifice héroïque de ta vie, tu as lié le sort de l'émigration à la France, parce que tu es mort comme soldat polonais et français à la fois "
Le 5 juin 1955, le Président Georges Bidault, en sa double qualité d'ancien Président du Conseil National de la Résistance et de président des amis de la République Française, a inauguré la rue du Capitaine WAZNY à Montigny-en-Ostrevent, où l'anniversaire de sa mort est célébré chaque année.

 

 

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