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Démarré par Archives, 15 Novembre 2023 à 13:39:08

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Posté par: comète (IP Loggée)
Date: 19 avril, 2008 15:45

Pour ce qui est de la réforme agraire de 1945, il semblerait, que si initialement il était bien prévu que les propriétaires de grandes exploitaions soient un peu indemnisés par une rente et gardent un bout de terre, plus on a progressé vers l'Ouest dans la réalisation de la réforme, plus on a oublié la règle, Et finalement, beaucoup de propriétaires polonais se sont retrouvés carrément interdits de séjour dans leur district (= powiat) et obligés de se trouver un gagne-pain dans une ville très éloignée de leur domicile d'origine.

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Posté par: comète (IP Loggée)
Date: 19 avril, 2008 16:22

Pour ce qui est de la question de la réforme agraire aujourd'hui,c'est toujours le même problème. Il y aura moins de petites exploitations quand les gens de la campagne trouveront un boulot bien payé dansle secteur secondaire ou tertiaire.... Mais, au moins, vu le degré de l'émiettement de la propriété de la terre qui a été le résultat final de la réforme de 1945,on est sûr qu'il n'y a plus de grandes exploitations à morceler....

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 19 avril, 2008 16:42

comète a écrit:
-------------------------------------------------------
> Les coopératives n'étaient pas du tout un
> phénomène propre à l'Ukraine. J'ignore tout de
> l'histoire de leur création en Ukraine, mais dans
> la tradition polonaise le mouvement est parti d'un
> "Towarzystwo Kolek Rolniczych imienia Staszica"
> qui est né en 1906 et auquel mon grand-oncle
> (plus tard député à la Constituante) a adhéré
> en 1908, et ce dans une des régions rurales les
> plus déshéritées de Pologne, puisqu'il s'agit
> d'un village du Sud du voivodie de Kielce. C'est
> de ce mouvement qu'est né le mouvement de
> jeunesse paysanne "Centralny Zwiazek Mlodzierzy
> Wiejskiej"" qui avait initialement un but
> éducatif. Là il s'agissait d'un mouvement
> laïc, mais il y avait également beaucoup
> d'organisations catholiques du même genre dans la
> période 1918-1939.

Je vous remercie pour ces précisions. Les chiffres que je rapporte concernent les seules coopératives ukrainiennes de Pologne.


> Ce que vous décrivez de la façon dont s'est
> faite l'implantation des combattants polonais dans
> les Kresy est plus que plausible, surtout si la
> Endécie s'est mêlé du problème à sa façon.
> Mais enfin, il faut bien se rendre compte qu'il y
> avait aussi un impératif de protection du
> territoire contre les visées de l'URSS.

Tout à fait : au départ, dans les années 20, un des buts était de lutter contre les incursions des bolcheviques et constituer une forme particulière de gardes de la frontière.
La main-mise du Parti National sur la jeunesse détourna cette mission vers une action extrême-nationaliste préjudiciable à toutes les parties.


> Dans les infos dont je dispose, je sais qu'un
> personnage qui s'appelle Kazimierz Banach, qui
> était de tradition "Stronnictwo Ludowe" et a
> appartenu aux gens qui ont provoqué une scission
> dans le Centralny Zwiazek Mlodzierzy Wiejskiej en
> 1928, dans le but de politiser le mouvement, s'est
> finalement trouvé, à la suite de règlements de
> compte politique internes à son organisation, au
> purgatoire en Volhynie où il a gravité autour du
> lycée de Krzemieniec, Effrayé par ce qu'il
> découvrait des rapports sociaux entre Polonais et
> Ukrainiens, il s'est finalement tourné vers 1937
> vers la branche 'jeunesse paysanne pilsudskiste",
> dans l'espoir d'obtenir des aides du gouvernement
> pour qu'on arrête le désastre. Tout ça a fait
> que l'organisation Wolynski Zwiazek Mlodzierzy
> Wiejskiej qu'il drigeait a adhéré vers 1938 au
> CZMW. Comme c'était un peu tard pour rectifier le
> tir,la suite, vous connaissez....


Il y a également bien des choses à ajouter sur le comportement de certains Polonais des Kresy après les massacres de 1943 et la "libération" de ces territoires par les Soviets en 1944. Les archives du NKVD de la RSS d'Ukraine, aujourd'hui accessibles aux chercheurs, parlent de choses étonnantes sur le dévoiement du nationalisme extrémiste d'un certain nombre de Polonais exacerbé par la soif de vengeance. Un chercheur américain, Jeffrey Burd, en parle dans ses articles après avoir dépouillé, avec d'autres chercheurs, les archives de L'viv, Rivne ... et du PC de la RSS d'Ukraine.
Sauf si on le demande, je crois qu'il serait délicat d'en parler ici.

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Posté par: comète (IP Loggée)
Date: 19 avril, 2008 18:32

A propos de "la" ou "les" réforme agraire; l'historique est=

- La Constituante, après bien des bagarres anthologiques, a voté, une motion de réforme agraire assez drastique, essentiellement en raison de la panique dûe à l'avancée des troupes bolchéviques en 1920 -> paysans contents!

- La constitution une fois votée, les défenseurs des propriétaires terriens ont invoqué l'argument que le principe constitutionnel du respect de la propriété privée rendait le projet de réforme agraire anti-constitutionnel -> on arrête tout!

- Witos redevenant premier ministre d'un gouvernement de coalition avec la Endécie, il essaie de faire voter une réforme tellement molle aux yeux des paysans qu'il en perd des députés de son propre parti et est obligé de quitter son fauteuil de premier ministre

- De fil en aiguille on arrive au compromis de la loi de 1925, compromis encore plus mou que la loi que proposait Witos. Et c'est cette loi qui fonctionnera jusqu'en 1939.

C'est ce qui explique la gymnastique savante pratiquée par Poniatowski qui se rendait bien compte que le Parlement était toujours aussi ignorant dans le domaine des théories économiques prônant l'intervention de l'état dans l'économie. Déjà bien beau qu'il veuille bien donner de l'argent à Kwiatkowski, alors ministre de l'industrie, pour permettre le développement de l'industrie sous l'impulsion de l'état.

Ainsi, de fil en aiguille, les partis paysans se sont tellement radicalisés qu'ils en sont arrivés aux grèves paysannes après 1935.

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Posté par: comète (IP Loggée)
Date: 20 avril, 2008 13:18

A propos du blocage de laréforme agraire et des coopératives agricoles comme moyen d'organisation de l'agriculture =

Dans les conceptions économiques des défenseurs des propriétaires terriens, il y avait une autre certitude dogmatique, à savoir que seules les grandes propriétés permettaient d'avoir une bonne productivité et de faire de la Pologne un pays exportateur de produits agricoles. C'était tellement ancré dans les mentalités qu'après 1934, le ministre a fait voter une loi pour imposer à l'Institut de recherche en agronomie de faire des études sur la rentabilité des petites exploitations et casser le préjugé.

Mais ce phénomène a joué aussi après 1945, lors de la parcellisation des propriétés des junkers. Leurs ouvriers agricoles ne voulaient pas de ces parcelles, parce qu'ils avaient le sentiment d'être déclassés et de rentrer dans la catégorie sociale des paysans miséreux et ignares, alors que jusque-là, ils se vivaient comme une élite professionnelle qui avait un grand savoir-faire.

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 20 avril, 2008 20:38

Un petit plus : [query.nytimes.com]

Reproduction d'un article paru dans le New York Times du 27 août 1922 avec un chiffre éloquent : 0,7 à 1 % des propriétaires terriens de toute sorte – donc, y compris l'Eglise - possédaient alors 42,7 % des terres.

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Posté par: comète (IP Loggée)
Date: 20 avril, 2008 21:28

Alors là je vais me citer:

Les grands domaines = 47,3% selon les résultats du reconsement de 1921. Mais en réalit, les grands domaines privés ne constituaient que 30,3% du territoire. En effet il faut inclure dans les 47,3% le domaine public constitué par des terres appartenant à l'état, pour l'essentiel des forêts, les terres appartenant aux communautés paysannes, ce qui constituait une survivance du régime féodal, enfin à des fondations d'utilité publique ou à l'Eglise qui détenait 1,6% du territoire. Il faut également préciser que les grands propriétaires privés dérenaient au total 28% des terres cultivées, les 72% restant appartenant aux paysans.

C'est un résumé du bouquin qui fait autorité sur la question en Pologne. Donc quand on étudie de très près les chiffres réels, on voit qu'il y avait de quoi se battre pour les paysans, mais pas de quoi faire un miracle économique par la seule réforme agraire.

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 20 avril, 2008 21:53

Bonsoir Comète,

J'ai cité cet article car il reprend quelques arguments que vous avez signalé auparavant.
D'autre part, il s'agit de la réponse d'un professeur (d'origine polonaise ?) à l'auteur d'un article précédent rédigé par une personne au nom à consonnance polonaise.

Ne pas oublier non plus que le texte date de 1922.

Quant à la proportion des terres, 42,7 %, qui aurait appartenu à des propriétaires terriens, j'ai ajouté "de toute sorte" car le chiffre me semblait tout de même énorme, ce que vous confirmez.

De toute façon, les journalistes et professeurs n'avaient pas cette année-là la somme d'informations que vous possédez aujourd'hui. smiling smiley

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Posté par: comète (IP Loggée)
Date: 20 avril, 2008 22:12

Ce qui m'étonne le plus dans cette affaire, ce sont les dégâts idéologiques qu'arrivaient à faire les curés moyens, quand on voit ce qu'était la très petite étendue du domaine de l'Eglise et aussi le fait que ses biens n'étaient pas réellement en danger, car ils étaient protégés par un accord spécifique avec le Vatican.

Une anecdote:
Vers 1937, le CZMW Siew , qui était la boutique des jeunes pilsudskites de gauche a fini par faire chorus avec le slogan "réforme agraire sans dédommagement" pour faire monter la pression. Résultat, le curé qui faisait le sermon à la messe du dimanche à la radio s'est mis à dénoncer ce groupement dans ses sermons. Son président a alors demandé audience au Primat. Résultat, le dimanche suivant, quand le curé a recommencé avec ses flammes de l'enfer et autres sottises, le son a été coupé. La plaisanterie qui a couru ensuite disait: "X censure la radio!".

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Posté par: comète (IP Loggée)
Date: 20 avril, 2008 23:17

Comme j'ai réouvert mon texte, je vois que ma mémoire a failli sur l'historique de la bagarre au Parlement pour la réforme agraire.
Dans l'atmosphère de panique de 1920, Witos obtient que la résolution de la Constituante soit transformée en loi, avec une majorité de 50% plus une voix.

Il y a donc bien eu deux lois: celle de 1920, qui a été bloquée en 1921 après le vote de la Constitution, puis celle de 1925.

Le point qui a provoqué la bagarre portait sur le montant du dédommagement du propriétaire. La loi de 1920 prévoyait un dédommagement à hauteur de 50% de la valeur réelle de la terre, de fait un tiers de la valeur après prélèvements fiscaux. Et ce que les propriétaires terriens obtiennent finalement, c'est que le dédommagement soit à hauteur du prix du marché. L'article que Paul a mis en ligne est donc à inscrire dans le contexte du conflit sur le montant du dédommagement d'une part et d'autre part sur le fait que c'est le contexte de la guerre polono-bolchévique qui a permis d'arracher cette loi.