Passage de la Berezina-Contexte-partie 1/2

Démarré par Archives, 17 Novembre 2023 à 17:44:24

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Posté par: René (IP Loggée)
Date: 02 janvier, 2009 13:04

La campagne de Russie débute à la mi juin 1812. Le 5ème corps de Poniatowski et le 8ème corps Westphaliens de Vandamme sont disposés entre Ostrolenka et Gora, ces deux corps sont sous le commandement de Jérôme, frère de l'empereur, c'est eux qui donnent le signal de la campagne en passant le Niémen.
Il s'agit de prendre l'armée russe en tenaille, le gros de l'armée française passe le Niémen le 24 juin à 2h du matin en face de Kowno.
Au matin du 30 juin une division polonaise entre dans Grodno avec déjà 4 jours de retard sur les prévisions de l'empereur, celui ci a sous estimé les difficultés logistiques et a assigné des étapes trop difficiles avec peu de ravitaillement. Seul l'organisé Davout a prévu 8 jours de vivres.
Dès ce 30 juin, Vandamme et Poniatowski consternés par l'état de malnutrition de leurs hommes adressent de sévères critiques à Jérôme, celui-ci en réfère à l'empereur qui met Vandamme au repos et adresse un blâme à Poniatowski. On assiste aux premiers suicides dans l'armée.
Plus de la moitié de la grande armée est étrangère et selon l'historique du général Weygand qui cite « A l'exception des polonais excellents, les troupes étrangères marchent à contre cœur ne montrant ni la vaillance ni l'abnégation du français ».
Napoléon c'est engagé dans une poursuite à pied de l'armée russe. Son but est de forcer les russes à accepter le combat et à les écraser grâce à la supériorité qu'il possède dans la plupart des domaines du combat. Le haut commandement russe est totalement incapable de d'affronter l'armée française dans les conditions du départ de la campagne, il n'y a aucune unité de commandement, les officiers d'état major rompus à la manœuvre sont peu nombreux, la troupe est statique d'une manœuvre lourde mais d'une stoïcité inouïe sous le feu.
Le ministre de la guerre et commandant de la 1ère armée russe est le général Barclay de Tolly, baron balte, le chef de la 2ème armée est le prince Bagration. Barclay a autorité sur Bagration, et demande avis à l'Empereur Alexandre qui de son coté puise ses avis du coté de ses conseils, il se laisse influencer par les stratèges de son conseil militaire aussi baltes allemands et plus ou moins inspirés, mais surtout méconnaissant du terrain des combats, les lieux sont choisis sur carte sans vision réelle. Barclay semblait avoir une idée d'ensemble de ce qu'il devait faire, sachant qu'il ne pouvait affronter l'armée française sans subir une rapide défaite, il pensait épuiser l'armée française par attrition en l'entrainant au cœur de la Russie. Mais Bagration et les autres trouvaient que ce n'était pas dans la mentalité russe que de s'enfuir sans honneur, au contraire, il voulait faire front et combattre. Les théoriciens d'Alexandre, eux avaient en tête d'attirer les français sur une position défensive préalablement choisie et de les y foudroyer.
Barclay, qui a le commandement, arrive cependant à manœuvrer l'armée, et a échapper aux français en se retirant, mais en livrant parfois de dures combats, Krasnoïé, Smolensk, ou l'infanterie polonaise subit de lourdes pertes en chargeant pour prendre la ville. Mais les intrigues de cour ont raison de Barclay qui est remercié et garde seulement le commandement de la première armée.
C'est le général Koutozov, général dépravé et détesté par Alexandre et qui revient du front turc qui reçoit le commandement. Koutouzov sait qu'il doit sa place à l'esquive de Barclay, que l'entourage de l'empereur ainsi que Bagration ne comprennent pas et prennent pour de la lâcheté.
Il lui faut donc accepter le combat, c'est la terrible bataille de Borodino du 7 septembre qu'il passera dans son poste de commandement à boire et à manger, laissant à ses subordonnées les initiatives de défense. Il n'y a aucune manœuvre de part et d'autre si ce n'est des replacements, c'est un choc frontal, une boucherie, le 14ème rgt de cuirassiers polonais est décimé en chargeant la grande redoute. Bagration est tué et Barclay blessé. Par chance pour lui la solidité de la troupe et l'arrivé de la nuit lui permet de rester maitre de sa partie du champ de bataille, car à la tombé de la nuit la garde russe immobile commençait à être pulvérisé au canon à bout portant. Il évacue donc le champ de bataille de nuit en envoyant à Alexandre le message qu'il vient de remporter une grande victoire, car il lui faut gagner du temps pour sauver sa place. Il traverse Moscou et prend position au sud-est pour restaurer son armée, saignée, pour ensuite se diriger vers Kalouga.
La poursuite française conduit la grande Armée à Moscou qui est incendié par Rostopchine. Koutouzov compara alors Napoléon à un « torrent turbulent » et « Moscou à l'éponge qui l'absorbera ».
Moscou sera pour l'armée française un épisode dantesque, une mer de flamme, des soldats courant partout pour piller, des caissons d'artillerie remplis de poudre progressant dans des couloirs de feu.
Le 18 septembre, la ville n'est plus qu'un amas de ruine.
L'armée française est disloquée, « Autour des feux, sur des litières de paille humide, on voyait les soldats et leur officiers, tout taché de boue et noircis de fumée, assis dans des fauteuils ou couchés sur des canapés de soie. A leurs pieds étaient étendus ou amoncelés des châles de cachemire, les plus rares fourrures de Sibérie, des étoffes d'or de Perse, des plats d'argents dans lesquels ils n'avaient à manger qu'une pate noire, cuite sous la cendre, et des chairs de cheval à moitié grillés et encore sanglantes, singulier assemblage d'abondance et de disette, de richesse et de saleté, de luxe et de misère ».
Napoléon attend maussade au palais Petrovski, qu'Alexandre vienne lui demander la paix.
Koutouzov d'une extrême prudence savait que le temps jouait pour lui, plus les français perdraient d'hommes quand lui compléterait son armée, mieux c'était.
D'ailleurs il n'a aucune intention d'affronter Napoléon se doutant qu'il finirait bien par repartir tout seul, il suffirait ensuite de le raccompagner jusqu'à la frontière sans forcer la chance, ensuite l'empereur Alexandre déciderait.

L'espoir que nourrit Napoléon d'une paix prochaine est tel qu'il bannit de son esprit tout esprit de retraite, laissant passer un temps précieux. La fin de l'été et le début de l'automne sont exceptionnellement doux, trompant lourdement les français sur la rudesse du climat, et presque aucun préparatif d'hiver n'a lieu.
Murat est tombé dans une embuscade de cosaques le 4 octobre et échappe de justesse à la captivité en se refugiant dans un carré de vétérans polonais de la garde impériale, la légion de la Vistule, cette unité avait été intégrée à la jeune garde sous le général français Cl arapède, elle sera une des rares à conserver sa cohésion tout au long de la retraite.
Le 13 octobre, les premières neiges tombent, Napoléon est toujours indécis.
Dans l'armée russe, souffle un vent de rébellion entre Koutouzov et son état-major, celui-ci veut prolonger la léthargie des français alors que ses officiers veulent désormais attaquer.
Alors que les français s'endorment et se concentrent sur le ravitaillement, Koutouzov cède à ses subordonnées et monte une attaque surprise pour détruire l'avant garde française située face à lui, soit toute la cavalerie de Murat, 11000 cavaliers et les 5000 survivants du corps polonais de Poniatowski, les polonais de la garde impériale de Clarapède et le reste d'une division de Davout.
Les russes attaquent à 5 contre 1, mais l'attaque est tellement mal coordonnée que les français échappent au piège en perdant 3000 hommes et 38 canons. La victoire russe de Vinkova marque un tournant psychologique dans les esprits russes, qui sont frappés par l'état de décomposition de ceux qu'ils viennent de battre et de la crasse dans laquelle ils vivent, l'icône miraculeuse de Smolensk est promenée au milieu des soldats-serfs russes à genoux. La confiance et l'initiative a changé de camp.
A la suite de cette batille, Napoléon sort de son indécision et le 18 octobre décide de quitter Moscou, 104 000 combattants, 570 canons, 2000 civils et 10 000 voitures attelées de tout type dont 2000 caissons d'artillerie, s'ébranlent en une longue colonne sur le chemin du retour.
La plupart des voitures sont chargées à rebord du butin de Moscou, certains soldats poussent devant eux un moujik qui poussent le butin sur une brouette, c'est un capharnaüm. On se demande comment l'empereur peut supporter d'être à la tête de cet invraisemblable cortège.
Le 23 octobre Koutouzov apprend la nouvelle et exclame :
« O seigneur mon créateur ! Enfin tu as entendu notre prière et dès cet instant la Russie est sauvée ».
L'impossible caravane de Napoléon qui aurait du être anéantie dès sa sortie de Moscou arrivait à s'écouler grâce à la lenteur de Koutouzov.
Napoléon force le passage à Maloïaroslavets, assez neutre et bougon, il laisse le prince Eugène se débrouiller avec « sa » bataille ; bataille féroce, ou Koutouzov permet aux français de passer par son inertie.

Napoléon au lieu de profiter de l'occasion et de forcer le passage vers le sud décida d'obliquer et de remonter vers Smolensk par une seule route pour tout le monde et de plus la même déjà utilisée à l'aller, l'engorgement allait être terrible et de plus les abords de cette route ne pouvaient plus apporter aucun ravitaillement, car tout avait été dévasté à l'aller sur une largeur de plusieurs kilomètres.
Alors se produisit journellement une désintégration rapide de l'armée française, sur son passage elle laissait derrière elle, un tapis de détritus et de butin, on commence à bruler les chariots et a manger les chevaux de trait épuisés.
Koutouzov entame de son coté une lente poursuite au gré du choix de ses résidences de cantonnement. Des combats ont aussi lieu entre les arrières gardes françaises et les avants gardes russes en fonction de la progression des deux ensembles.
Le 2 novembre le 5ème corps de Poniatowski compte 700 hommes, le prince blessé à Viazma, ne peut plus ni monter à cheval ni marcher, Zajaczek prend alors le commandement du corps réduit à un bataillon tandis que le prince voyage allongé en chariot en compagnie de Arthur Potocki.
Le 4 novembre, Ney s'adresse à Napoléon et lui dit « Sire, vous n'avez plus d'armée ».
Le 5 et le 6, il souffle une incroyable tempête de neige dans un froid extrême, la route se couvre d'innombrables ondulations que forment les corps tombés et aussitôt recouvert de neige.
Mais voici que le piège se met en place,
Napoléon retraite talonné par Koutouzov dont les hommes souffrent aussi du froid et d'un ravitaillement très faible, les cosaques agissant en nués sur les abords de l'armée française.
2 Autres armées russes se sont mis en mouvement, celle qui vient du nord et qui protégeait Saint Petersburg commandé par Wittgenstein qui rentre dans Polotsk. Le maréchal Gouvion Saint-Cyr tient tant qu'il peut, mais il a retraité et a été bléssé. Napoléon furieux demande à Victor accouru de Smolensk de repasser la Dvina et de reprendre Polostk avec sa division et les unités de Oudinot.
Une autre armée russe libéré par la paix signé entre les russes et les turques en Moldavie, commandée par l'amiral Tschichagof remonte en direction du nord ouest et va rencontrer bientôt la division de Dombrowski qui est a Bobrjusk. Un des plus grands dépots de l'armée française est à Minsk gardé que par le corps polonais de Bronikowski, de plus de 7000 hommes fraichement recrutés, Bronikowski envoie Kosecki avec 5000 hommes pour arreter une armée russe de 38000 hommes en croyant avoir à faire à une avant garde, Kosecki est écrasé,
Bronikowski se replie sur Borisov sans detruire les dépots de mInsk qui tombent aux mains des russes.
Bronikowski s'installe à Borisov, qui est le point de passage sur la Berezina et Dombrowski coure à sa rescousse pour tenir le passge. Le 9 à la pointe du jour un combat s'engage entre les troupes alliées commandées par Bronikowski auxquelles viennent se joindres des unités françaises et Wurtenbourgeoises, ainsi que la divison Dombrowski et son arrière garde commandée par le général Paszkor. L'attaque russe est mené par une partie de 15000 hommes commandés par le comte Lambert (immigré français).
A 5 heures du soir les russes sont victorieux, les français refluent sur la rive est et le pont de Borisov est pris, le passage par la Berezina à Borisov est coupé, mais les troupes russes ne sont que 10000 à garder le passage, Wittgenstein n'est pas arrivé et Koutouzov se meut lentement.
L'empereur arrivera t'il à forcer le passage ?

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 05 janvier, 2009 13:57

Bon résumé sur des opérations complexes.

A quand la seconde partie ?

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Posté par: René (IP Loggée)
Date: 05 janvier, 2009 15:19

Merci Paul de l'encouragement, la deuxième partie reste à faire qui verra la manoeuvre plus détaillée du passage au nord de Borisov actuellement en Biléorussie.
Pas facile en effet d'être synthétique sans se noyer sous les détails de maoeuvre de division et de corps en melangeant une pléthore de maréchaux d'empire et de se rendre compte que ce passage n'est pas seulement un franchissement d'obstacle mais aussi une incroyable manoeuvre, ou les polonais eurent leur part de mérite, et sombrèrent avec leurs camarades d'infortunes européens.
On notera l'erreur de Bronikowski, dépassé par les evenements, qui prive la grande armée d'un retablissement à Minsk. Et dans la série des profits de guerre, les géneraux russes ayant pris Minsk vendent en vitesse, les stocks à des marchands juifs, pour leur profit personel. Aussi même si l'empereur avait forcé la route vers Minsk, il n'y avait plus rien.
La suite de l'histoire, la marche depuis la Berezina jusqu'à Wilna, est encore plus cruelle pour la grande Armée mais n'est plus une manoeuvre, juste une lente agonie.

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 05 janvier, 2009 15:44

René a écrit:
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> La suite de l'histoire, la marche depuis la
> Berezina jusqu'à Wilna, est encore plus cruelle
> pour la grande Armée mais n'est plus une
> manoeuvre, juste une lente agonie.

Clausewitz considérait le passage de la Bérézina comme une victoire.

80.000 combattants traversèrent le fleuve alors qu'ils étaient 100.000 à avoir quitté Moscou - ce qui explique peut-être la prudence de Koutousov - mais ils n'étaient plus que 40.000 lorsqu'ils arrivèrent sur le Niemen.

A suivre ...

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Posté par: René (IP Loggée)
Date: 05 janvier, 2009 16:03

Borisov fut polonaise jusqu'en 1793, puis devint russe en 1812, la ville est principalement du coté est de la Berezina.
A l'ouest des "fleches" de defense et au milieu une zone marécageuse assez large avec comme passage un pont en bois de près de 600 metres, partiellement détruit par les russes.

Une vue actuelle Google de la Berezina vers le lieu de passage Studianka, 10 km au nord de Borisov.

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Posté par: jk (IP Loggée)
Date: 05 janvier, 2009 16:48

Merci pour ce récit, l'histoire de France est plus interessante racontée comme cela.

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Posté par: jean-pierre31 (IP Loggée)
Date: 05 janvier, 2009 18:29

jk a écrit:
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> Merci pour ce récit, l'histoire de France est
> plus intéressante racontée comme cela.
>

c'est vrai. Je me posais la question de savoir pourquoi les ponts dans l'axe de la retraite n'avaient pas été (correctement) gardés.

rené nous apporte la réponse.

on apprend beaucoup de choses sur beskid.

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Posté par: René (IP Loggée)
Date: 06 janvier, 2009 09:17

ET de Pologne aussi JK, il y a tellement de polonais dans cette aventure, et puis la campagne de 1812, c'est aussi un épisode de la lutte des polonais pour leur indépendance, si Napoléon avait été vainqueur on peut penser qu'il n'aurait pas pu refuser la création d'un royaume de Pologne sur du territoire pris aux Russes. La campagne de 1812, et l'attitude des polonais est aussi une des raisons qui voit la continuité du Duché de Varsovie au congrès de Vienne de 1815, et par là un etat semi autonome jusqu'en 1830.