Pologne : Transferts de populations / 1939-45

Démarré par Archives, 21 Novembre 2023 à 10:00:44

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 23 mars, 2011 11:43

Lorsqu'on parle de transfert de populations, on a souvent à l'esprit « l'échange » de population de 1945-46 qui vit le déplacement forcé de 800 à 900.000 Polonais des Kresy vers la Pologne des nouvelles frontières. On peut aussi ajouter le retour de Sibérie des 250 à 300.000 Polonais sur le million de personnes qui furent expulsé de ces mêmes Kresy lors de l'occupation soviétique de 1939-1941.

Par contre, on parle peu dans nos pays des expulsions de masse effectués par les Nazis à l'intérieur même des frontières de la Pologne. Elles touchèrent une part importante de la population et s'ajoutèrent aux épreuves que subit la Pologne et ses habitants au cours de la dernière guerre.

La version la plus radicale du Generalplan Ost prévoyait un recul d'environ mille kilomètres de la frontière orientale de l'Allemagne avec le déplacement de 31 millions de personnes (dont une bonne part de Polonais) en Sibérie, ainsi que l'extermination de 5 millions d'autres personnes.
Les Allemands ethniques provenant d'Europe orientale devaient être installés dans le Lebensraum (espace de vie) ainsi gagné. De 1939 à 1944, les Nazis déplacèrent, réinstallèrent ou déportèrent pour le travail forcé pas moins de 4,2 millions de citoyens de la Pologne occupée. Parallèlement, 631.000 Allemands furent installés en Pologne.



Expulsions et réinstallations de populations dans les territoires occupés de Pologne 1939-1945
Maria Rutowska


Dans les pays occupés par le IIIe Reich, le déplacement des peuples indigènes était lié au plan de germanisation des territoires occupés de même que la reconstruction de l'Europe sur base de principes raciaux. Le plus radical de ces plans de déplacement était le Generalplan Ost (GPO) qui fut étudié et mis en œuvre dans les années 1941-42 par le Reichssicherheitshauptamt [« Bureau Central de la Sécurité du Reich (RSHA)]. Il posait les principes devant servir à la reconstruction de l'Europe centrale et orientale selon les idées national-socialistes en ayant à l'esprit l'extension du Lebensraum allemand. Il envisageait le déplacement des frontières ethniques du IIIe Reich (Volkstumsgrenze) d'environ un millier de km vers l'Est et jusqu'à la Crimée en direction du Sud. Selon les estimations du RSHA, le territoire était habité par 45 millions d'habitants y compris 5 à 6 millions de Juifs. Parmi eux, 31 millions étaient considérés comme racialement indésirables et devaient être réinstallés en Sibérie. Le reste de la population étaient destiné au travail forcé. La planification de ces déplacements de masses dépendait de la victoire sur l'Union soviétique.

A la suite des changements de fortune sur le front de l'Est, les plus grandes réinstallations de populations indigènes se déroulèrent principalement en Pologne, Yougoslavie et France même si des mouvements de populations eurent lieu dans d'autres territoires occupés mais à plus petite échelle. A la suite du Pacte Molotov-Ribbentrop du 23 septembre 1939 et de la défaite militaire polonaise, la Pologne fut occupée à la fois par l'Allemagne et l'URSS. 51% du territoire fut annexé par l'Union soviétique et approximativement 25% de la population polonaise se retrouva dans les territoires incorporés au Reich en octobre 1939.
Par un décret d'Hitler, les territoires restant sous contrôle allemand furent placés sous l'administration du Generalgouvernement (GG) dont le siège se trouvait à Cracovie. Les territoires polonais annexés par l'Allemagne formaient quatre nouvelles unités administratives : deux provinces – Gau Danzig-und-Westpreussen et Reichsgau Wartheland (district de Warta) et deux districts – Katowice (Regierungsbezirk Kattowitz) et Ciechanów (Regierungsbezirk Zichenau).

Les plans d'occupation du territoire polonais différaient fondamentalement de la politique de colonisation développés par les Prussiens avant la Première Guerre. Le choix de nouvelles méthodes sortait directement des concepts nazis lesquels ne voulaient en aucune façon germaniser des peuples ethniquement et racialement étrangers. Aussi, les Nazis parlaient plutôt de "germanisation du pays". Le retrait de la population polonaise des régions incorporées au Reich et le remplacement de celle-ci par des Allemands constituaient les bases de la mise en place de la politique de germanisation.

Elles ne contredisaient pas l'utilisation d'autres instruments de la politique nazie devant servir à réduire le nombre de Polonais dans ces territoires. Ceci incluait le meurtre des Juifs, l'extermination des Polonais, la déportation pour le travail esclave, l'inclusion dans les Deutsche Volksliste (liste des ressortissants allemand n'habitant pas le Reich), l'augmentation de l'âge du mariage pour diminuer la fécondité, etc.

Outre les plans d'expulsion à long terme, il y avait aussi d'autres plans introduits graduellement dans les territoires annexés. Le premier plan à court terme (1.Nahplan), examiné entre le 1er et le 17 décembre 1939, envisageait le déplacement de 87.883 personnes du Wartheland vers le Gouvernement Général – des Polonais en grande majorité mais aussi des Juifs. Du 10 février au 15 mars, les Allemands expulsèrent 40.128 personnes.
En mars 1940, le déplacement de populations fut temporairement suspendu. La raison principale était la préparation de la campagne militaire en Europe occidentale. Les expulsions reprirent en mai 1940. De mai 1940 à janvier 1941, 121.594 personnes furent transférés dans le Gouvernement Général. Le 12 mars 1941, le district de Warta avait perdu 19.226 habitants dont 17.086 Polonais et 2.140 Juifs. Le nombre total de Polonais réinstallés dans le Gouvernement Général de décembre 1939 à mars 1941 était de plus de 280.600 personnes.

Dans les autres territoires annexés, l'expulsion des Polonais vers le GG fut moins importante. Toutefois, il y eut aussi des « actions » importantes dans ces régions en mai puis septembre et octobre 1940. En mars 1941, le nombre total de gens déportés du Gau Danzig-und-Westpreussen vers le GG s'élevait à 41.262 personnes.

La réinstallation des Polonais de Haute Silésie vers le GG toucha 17.413 personnes. Dans le district de Ciechanów (Regierungsbezirk Zichenau), les déportations vers le Gouvernement Général concernèrent aussi bien les Polonais que les Juifs. La première "action" qui eut lieu entre le 10 et le 20 novembre causa le déplacement de 10.700 personnes. L'autre "action" conduite du 5 au 17 décembre toucha 6.687 Polonais et 3.259 Juifs. Au total, 20.646 personnes furent déplacées de cette region vers le GG.

Il y avait plusieurs critères pour sélectionner les Polonais destinés à être expulsés. Ils concernaient ceux qui avait eut une activité politique quelconque, appartenaient à l'intelligentsia, avait des qualités pour diriger les hommes et les choses ou qui étaient membre d'une organisation clandestine luttant pour l'indépendance, de même que ceux qui étaient propriétaires. Un autre critère était l'hostilité des Allemands locaux.
Parmi ceux qui étaient visés par les expulsions, il y avait aussi ceux qui s'étaient établis dans les territoires annexés après 1918 de même que les gens étiquetés asociaux et/ou criminels. Un autre groupe rassemblait les artisans, les marchands de même que ceux qui disposaient d'une maison convenable qui pouvait servir d'habitation à des Allemands. Dans la première période des expulsions, les adultes ne pouvaient emporter qu'un bagage à main d'un poids maximum de 12 kg, puis, à partir du printemps 1940 le poids du bagage fut relevé à 25/30 kg par adulte. Les enfants avaient droit à la moitié du poids autorisé pour les adultes. Les bijoux excepté les alliances, les œuvres d'art, les devises étrangères et autres valeurs devaient être laissés sur place.

D'après la circulaire de Himmler en date du 10 novembre 1939, les propriétés 'abandonnées' après le déplacement devenaient propriété du Reich. Pendant la première période, les Polonais pouvaient conserver 200 Zl et les Juifs 100 Zl par personne. Plus tard, ce montant fut réduit à 50 RM pour les Polonais et 25 RM pour les Juifs. Avant chaque expulsion, les Allemands encerclaient le village, la petite ville ou le quartier visé avec un cordon de police. Celui-ci était généralement mis en place le soir ou tôt le matin. Les Polonais étaient chassés de leur habitation en une demi-heure. Exceptionnellement, ils avaient droit à une heure pour faire leurs bagages. La plupart des Polonais et des Juifs étaient d'abord placés dans des camps avant leur transfert. Bien qu'ils soient connus sous le nom de 'camps de transition' (Übergangslager lub Durchgangslager), on les nommait aussi sous divers noms : Lager (camp), Internierungslager (camp d'internement), Umsiedlungslager (camp de transfert) ou Sammellager (camp de rassemblement).

Les réinstallations s'opéraient sous le contrôle de la Police et aussi de formations paramilitaire. Comme cette opération allait de pair avec la politique d'extermination menée sous les auspices de la SS, elles se déroulaient avec une brutalité excessive et ne se limitait pas à la seule perte des biens, mais mettait aussi en danger la vie et la santé des personnes déplacées. Rassemblés à proximité de nœuds ferroviaires, les personnes étaient immédiatement emmenées vers les gares et expédiées vers le Gouvernement Général. Le voyage durait habituellement plusieurs jours et les Polonais expulsés le faisaient dans des wagons qui n'étaient pas conçus pour le transport de passagers. Ils souffrirent de la faim et du froid, particulièrement au cours du dur hiver 1939/1940. Ceux qui furent transportés en été souffrirent de la chaleur, de la soif et de l'absence d'aération. Dans tous les cas, ces conditions furent la cause directe d'une forte mortalité qui toucha principalement les enfants, les vieux et les malades.

Les transferts s'arrêtèrent au mois de mars 1940 quant les expulsions furent suspendues pendant la préparation de la guerre en Europe occidentale mais sans pour autant mettre fin aux restrictions. Lorsque la situation militaire permis le retour aux conditions initiales, les Allemands décidèrent de poursuivre la déportation des Polonais vers le GG sous des formes différentes. De plus, ces nouvelles formes comprenaient les 'déplacements internes' (Verdrängung) et les 'relogements' (Umquatierung) des populations polonaises vers d'autres lieux sans qu'elles ne quittent pour autant le district qu'elles habitaient déjà.
Ces mesures concernaient principalement au début les Juifs polonais. Ces « déplacements internes » devinrent particulièrement importants en 1942. Elles touchaient particulièrement les populations rurales, les ouvriers et les personnes sans profession. Les Polonais habitant les bourgs ou les villes furent expulsés des meilleurs appartements ou maisons et « relogés » dans des habitations des faubourgs. Il y eut des gens et des familles qui durent subir plusieurs « relogements » successifs.

Une importante littérature se réfère à ces expulsions et relogements qui eurent lieu au cours des années 1939-1945. Les chercheurs on utilisé les données figurant dans les rapports de l'Office Central de l'Emigration (UWZ). Elles montrent que de décembre 1939 à mars 1941, 365.000 personnes avaient été « déplacées » des territoires annexés au Reich vers le GG et qu'à la fin 1944, au moins 843.000 personnes avaient été chassées et réinstallées.

Expulsion vers le GG et déplacements internes dans les territoires annexés au Reich entre 1939 et 1944 :

Région d'origine..........Nbre déplacés.........Nbre de chassés.........Total
.......................................vers le GG ...............et "relogés"
Watherland......................280.609....................345.022..................625.631

Dantzig – Prusse occ..........41.262.....................70.000..................111.262

Haute Silésie.......................22.148.....................59.191...................81.839

District Ciechanów..............20.646.......................4.000...................24.646

Total................................364.665...................474.213.................842.878


Dans le Gau Danzig-und-Westpreussen, outre les déplacements « organisés », les Allemands procédèrent également à des expulsions « sauvages ». Par exemple, du 12 au 26 octobre, 12.000 habitants de Gdynia furent chassés et 28.000 autres quittèrent la ville avant d'en avoir reçu l'ordre de la police. En février 1940, le Gauleiter, Albert Froster, estimait que le nombre de Polonais expulsés de Gdynia s'élevait à 40.000 personnes.

Il est difficile d'établir le nombre de Polonais et de Juifs qui arrivèrent dans le Gouvernement Général pour éviter une éventuelle arrestation ou à la suite des expulsions « programmées ». Selon certaines données, en mars 1942 on trouvait dans le GG 391.000 personnes provenant des territoires annexés par le Reich.
Il y a donc une différence de 26.000 personnes entre le nombre de celles qui furent « réinstallées » par l'occupant (365.000) et celles qu'on y recensait alors. On peut toutefois affirmer que, jusqu'en mars 1942, le nombre de Polonais et Juifs qui avait été déplacés dans le GG s'élevait à environ 400.000 personnes lesquelles, selon le cas, avaient fuit, avait été évacués ou chassés des territoires annexés par le Reich.

En 1941, l'inclusion du Gouvernement Général dans le projet de germanisation conduisit à d'autres expulsions et réinstallations de la population indigène. Les plus grands déplacements eurent lieu dans la région de Zamość, sud-est de la Pologne. De la fin novembre 1942 à août 1943, plus de 300 villages furent touchés et vidés sous la contrainte des 110.000 Polonais qui les habitaient. Les méthodes d'évacuation étaient différentes de celles utilisées au cours des expulsions dans les territoires annexés. Les enfants furent ceux qui souffrirent le plus. Environ 4.500 enfants furent envoyés dans le Reich pour y être germanisés. D'autres, « non exploitable racialement », furent envoyés par trains dans divers endroits du GG. Le froid et la longueur du « voyage » eurent raison de la vie de plusieurs centaines d'entre eux. En plus des enfants, beaucoup de vieux et de malades trouvèrent également la mort dans les camps de transit.


Nombre de Polonais déplacés selon la région au cours des années 1939-1944

Nom de la région.................................Nombre de personnes déplacées

Watherland...........................................................626.000

Haute Silésie...........................................................81.000
Dantzig – Prusse occ.............................................111.000

District Ciechanów...................................................25.000

Poméranie...............................................................20.000

Total territoires annexés.....................................863.000


Région de Białystok..................................................28.000

Région de Zamość .................................................110.000

Gouvernement Général...........................................171.000

Varsovie (après le soulèvement de 1944)................500.000

Total pour les territoires...................................1.672.000
occupés par l'Allemagne



Le dernier déplacement de masse fut l'expulsion de 500.000 citoyens polonais qui eut lieu après l'échec du Soulèvement de Varsovie. Environ 67.000 personnes furent envoyées en Allemagne pour le travail forcé. Comme les autres Polonais qui avaient subi ce sort auparavant, elles durent tout abandonner à l'exception d'un petit bagage à main.

Selon des sources allemandes, de 1939 à 1944, dans la Pologne occupée par les Nazis, les Allemands expulsèrent et réinstallèrent 1.672.000 personnes y compris 365.000 qui furent déportés dans le Gouvernement Général, 37.000 envoyés dans le Reich comme « candidats à la germanisation », 170.000 transportés dans le Reich ou les territoires annexés comme travailleur esclave et 23.500 envoyés pour travailler de force en France occupée.

On ne peut oublier le déplacement de plus de 2,7 millions de Juifs dont le rassemblement dans des ghettos fut le premier pas vers l'Holocauste. La littérature historique a souvent "oublié" les autres déplacements de population dans la mesure où la concentration des Juifs dans ces lieux fut considérée comme l'étape initiale qui a mené à leur extermination.

Les territoires occupés par les nazis furent un réservoir de main d'œuvre destinée au travail forcé et utilisée largement pour soutenir l'économie de guerre allemande. A la fin de l'année 1944, 700.000 Polonais des territoires annexés, principalement du Watherland, furent envoyés dans le Reich comme travailleurs esclaves.
En décembre 1944, le Gouvernement Général avait vu sa population diminuer de 1.297.000 personnes y compris les 67.000 déportés à la suite du Soulèvement de Varsovie. La plus grande difficulté réside dans l'estimation du nombre de Polonais envoyés en Allemagne depuis les territoires orientaux de la IIe République, à l'exception du ceux qui furent annexés au Gouvernement Général (Distrikt Galizien) et de la Région de Białystok. Dans le General Kommissariat fur Ostland et le Reichskommissariat Ukraine, la littérature se référant à des données récoltées en 1945-46 fait mention d'environ 500.000 citoyens Polonais de ces régions déportés pour le travail forcé.

Le nombre total de déportés pour travailler dans le Reich au cours de la seconde guerre s'élevait donc à 2,5 millions habitants de la Pologne des frontières d'avant guerre.

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Posté par: René (IP Loggée)
Date: 30 mars, 2011 17:01

Mon village est justement dans le Reichsgau Wartheland, les grand-parents de ma femme ont été chassé de leur ferme, la ferme a été rasé et le colon allemand à fait une maison provisoire en attendant la fin de la guerre, les grand-parents ont trouvé refuge dans la famille.
La ferme a été saisie par PRL comme bien allemand, et les grands parents ont du rembourser la maison de l'allemand à PRL pour y habiter, leur argent en Zlotych de 1939 ne valait plus rien, il ont été obligé de vivre toute leur vie dans cette maison qui existe toujours.
La grand mère de l'autre coté plus pauvre, du même village, a été déportés en Allemagne comme esclaves agricoles, elle a du toucher qq centaines d'euro de dedommagement.