LE SARMATISME

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 02 mai, 2011 01:21

Sarmatisme

«Sarmatisme» est un terme qui désigne les traits dominant du mode de vie, de la culture et de l' idéologie de la szlachta (noblesse) du Commonwealth lituano-polonais (Rzeczpospolita Obojga Narodów) du XVIe au XIXe siècles. Avec la "Liberté dorée," il formait l'axe central de la culture de la Rzeczpospolita.
A sa base, on trouvait la croyance selon laquelle la noblesse de la Rzeczpospolita, qu'elle soit polonaise, lithuanienne, ruthène ou prussienne, étaient une seule et même « race » issue des anciens Sarmates.

L'idéal et la culture se reflètent principalement dans la littérature polonaise du XVIIe siècle, comme dans les mémoires de Jan Chryzostom Pasek et les poèmes de Wacław Potocki. La noblesse polonaise (szlachta) se distinguait par un long manteau garni de fourrure, appelé żupan, des bottes cuissardes et portait, pièce indissociable de leur rang, un sabre (szabla) courbe nommé karabela. Les moustaches étaient également répandues ainsi que les aigrettes sur les coiffures des hommes.

«Les Sarmates polonais » manifestaient leur noblesse par leur esprit chevaleresque, leur égalité réciproque (« Liberté dorée ») et leur invincibilité face aux autres peuples. Le Sarmatisme louait les victoires passées de l'armée polonaise et exigeait que la noblesse cultive la tradition.
La Sarmatia (en polonais, Sarmacja) était le nom poétique et légendaire utilisé pour désigner la Pologne au XVIIIe siècle. Elle impliquait des qualités associées pour l'ensemble des citoyens instruits du vaste ensemble polono-lituanien. Le Sarmatisme a grandement marqué la culture, la mode de vie et l'idéologie de la noblesse polonaise. Il était unique pour son mélange culturel des traditions de l'est, Ouest et indigènes et a considérablement influencé les cultures nobles d'autres États contemporains — Moldavie, Transylvanie, Hongrie, Croatie, Valachie et Moscovie. Critiqué durant l'époque des Lumières polonaise, Le Sarmatisme a été réhabilité par les générations qui ont embrassé le Romantisme. Ayant survécu au réalisme littéraire de la période du «positiviste» polonais, le Sarmatisme a connu un retour triomphant avec La trilogie de Henryk Sienkiewicz, premier prix Nobel polonais de littérature (1905).

Histoire

Le terme fut d'abord utilisé par Jan Długosz, dans son œuvre du XVe siècle sur l'histoire de la Pologne. Il est également responsable d'avoir le premier relié les Sarmates à la préhistoire de la Pologne. Cette idée sera plus tard reprise par d'autres chroniqueurs et historiens. Le Tractatus de Duabus Sarmatiis de Miechowita (1517) fut également connu à l'étranger où il a été longtemps une des œuvres de référence les plus largement utilisées sur la Pologne-Lituanie et les ancêtres présumés de la szlachta.

Les Sarmates, étaient en réalité une confédération de tribus iraniennes qui nomadisaient au Nord de la Mer Noire. Ils furent décrits par Hérodote au Ve siècle av. J.-C. comme les descendants des Scythes et des Amazones et remplacés par les Goths au 2e siècle de notre ère.

Ils n'avaient donc rien à voir avec la Pologne.

Cependant, la légende s'est fixée et renforcée. La plupart des habitants de la Rzeczpospolita et beaucoup à l'étranger croyait que les nobles polonais étaient les descendants des Sarmates (Sauromates). La Tradition voulait aussi que les Sarmates eux-mêmes soient des descendants de Japheth, fils de Noé.

Culture

Le Sarmatisme défendait donc la croyance selon laquelle les nobles polonais était les descendants de l'ancien peuple sarmate qui avait conquis et asservi les Slaves locaux et avait adopté la langue locale, comme les Bulgares en Bulgarie ou les Francs allemand qui avaient conquis la Gaule. Ils pensaient qu'eux, les nobles, appartenaient à un peuple tout à fait différent des Slaves qu'ils dominaient. Les Sarmates polonais croyaient que leurs supposés ancêtres étaient un peuple turc et par conséquent considéraient leurs ennemis turcs et Tatars de Crimée comme des pairs, bien qu'irréconciliables parce qu'ils n'étaient pas chrétiens.
Les Sarmates croyaient aussi que les Slaves qu'ils dirigeaient - qu'ils soient catholiques de langue polonaise ou orthodoxes de langue ruthène - étaient par essence une population arriérée et servile. Cette idéologie a placé les disciples polonais du sarmatisme en contradiction absolue avec le panslavisme du XIXe siècle.

Conformément au point de vue sur leur origine turque supposée, le costume sarmate se démarquait de celui porté par les nobles d'autres pays européens et imitait ceux portés en Orient. Selon la « mode turque », il était long, riche et coloré. Il se caractérisait également par un calpac porté sur la tête et orné de plumes de héron.

Cette croyance est devenue un élément important de la culture de la szlachta. Elle a pénétré dans tous les aspects de la vie et a servi à différencier la szlachta polonaise de la noblesse occidentale et de ses coutumes. Le concept sarmate consacrait l'égalité entre tous les membres de la szlachta. Il se manifestait également par des traditions identiques comme l'esprit chevaleresque, un pacifisme relatif et la popularité du port de vêtements « orientaux » (żupan, kontusz, sukmana, kontuszowy pas, delia, szabla).
Il a aussi servi à intégrer la noblesse multiethnique de la Rzeczpospolita en créant un sentiment nationaliste qui consacrait un sentiment d'unité et de fierté grâce aux « libertés dorées » politiques de la szlachta.


[A l'époque de la Réforme, la noblesse était loin d'être majoritairement catholique et donc « ethniquement » polonaise. Sur le plan religieux, on estime que 40% était catholique, 40% orthodoxe et 20% de religion réformée]

Les « Sarmates » appréciaient les liens familiaux et sociaux. Les femmes étaient traitées avec honneur et respect. La conversation était une des occupations préférées. Les visiteurs étaient toujours les bienvenus – parents, amis et surtout les étrangers. Le latin était largement parlé. Des fêtes somptueuses, dans lesquelles l'alcool coulait à flot, étaient souvent organisées – la conséquence en était que les duels étaient monnaie courante au cours de ces évènements. Les danses les plus appréciées étaient la polonez, la mazurka et l'oberek.
La notion d'honneur était d'une importance primordiale. Le mariage était définit comme ,,une profonde amitié". Les hommes voyageaient beaucoup pour se rendre à la Sejm (parlement royal), à la Sejmiki (parlement local), pour rendre la justice ou pour se réunir avec ceux de leurs caste.
Les femmes restaient à la maison et prenaient soin des biens, du bétail et des enfants. Les naissances étaient nombreuses mais beaucoup d'enfants mourraient avant d'atteindre l'âge adulte. Les filles et les garçons grandissaient séparément, soit en compagnie des femmes ou des hommes. Lorsque des différents éclataient, on trouvait un compromis dans la plupart des cas.

Les cérémonies funèbres en Pologne sarmate étaient très élaborées. C'était de véritables spectacles planifiés où la splendeur était de mise. Une préparation élaborée se déroulait entre le moment de la mort d'un noble et ses funérailles. De nombreux artisans, des architectes, des décorateurs, du personnel et des cuisiniers étaient mobilisés à cette occasion. Il s'écoulait parfois plusieurs mois avant que les préparatifs soient achevés. Avant l'enterrement, le cercueil était déposé dans une église sur un castrum doloris (château de deuil). Des écus avec les armes du défunt étaient placés de chaque côté du cercueil tandis qu'était gravé sur une feuille d'étain l'épitaphe, les exploits et des informations sur la personne décédée. La cérémonie religieuse était généralement précédée par une procession se terminant à l'église. Un cavalier avançait en tête qui jouait le rôle du mort et était revêtu d'une de ses armures. Le cavalier avait le droit de pénétrer dans l'église où il tombait de selle dans un énorme bruit de ferraille. Il montrait ainsi le triomphe de la mort sur la puissance terrestre et le courage chevaleresque. Certaines cérémonies funéraires duraient jusqu'à quatre jours et se déroulaient dans une ambiance festive qui avait peu à voir avec la gravité de la situation. Parfois une véritable armée de clerc participait à l'enfouissement. Au XVIIIe siècle, on a pu voir 10 évêques, 60 chanoines et 1.705 prêtres participer à l'enterrement d'un noble.

Pensé politique

Les Sarmates reconnaissaient l'importance vitale de la Pologne puisqu'elle était censée être l'oasis de la « Liberté dorée » de la noblesse polonaise entourée de pays absolutistes. En même temps, elle était le rempart de la chrétienté entouré par des Protestants, des Musulmans et des membres de l'Eglise Orthodoxe.

Ce que les historiens polonais modernes retiennent des caractéristiques essentielles de cette tradition n'est pas l'idéologie sarmate mais la manière dont la Rzeczpospolita était régie.
Les concepts démocratiques de la Loi et de l'ordre, l'autonomie (familiale mais aussi à l'échelon local qui s'inscrit dans le concept plus large de la gouvernance avec l'accord des gouvernés) et les charges électives sont inséparables du sarmatisme.
Le Roi, bien qu'élu à l'instar d'un Président actuel, occupe toujours une place centrale dans l'Etat mais son pouvoir est limité par diverses lois et exigences. De plus, seuls les nobles ont reçu des droits politiques, à savoir le droit de vote à la Sejmik ou à la Sejm. Chaque poseł (membre de la Sejm) avait le droit d'exercer le liberum veto qui pouvait bloquer l'adoption d'une résolution ou d'une nouvelle loi. Finalement, dans le cas où le Roi ne respectait pas les lois de l'Etat ou était tenté de limiter les privilèges de la noblesse, ils avaient le droit de refuser de se soumettre aux ordres du souverain et, au besoin, de s'opposer par les armes.


Si la noblesse, grande et petite, était la seule à posséder le droit de vote, on oublie souvent qu'elle représentait 10 à 15% de la population. Il suffit de se souvenir qu'en France, vers 1830, seul 3% de la population jouissait de ce même droit. En Angleterre, ils n'étaient que 1% à avoir obtenu ce privilège dans les années 1860.

Le système politique de la Rzeczpospolita était considéré par la noblesse comme le meilleur au monde et la Sejm polonais comme la plus ancienne. Le système était souvent comparé à celui de la Rome républicaine et à la polis grecque. Les Articles henriciens (Artykuly henrykowskie), du nom du roi Henri, futur Henri III de France, étaient considérés comme le fondement du système, une véritable constitution avant l'heure. Toute tentative d'infraction à ces lois était considérée comme un crime capital.

Ses articles peuvent se résumer ainsi :

- Le Roi de la Rzeczpospolita était choisi par élection par la szlachta et jamais par droit de succession. L'usage des titres de « prince » ou « princesse » était interdit aux enfants du Roi.
- Le Roi doit convoquer une Sejm générale au moins une fois tous les deux ans. Elle siège alors pendant six semaines.
- Le Roi n'a pas le droit de lever de nouvelles taxes sans l'approbation de la Sejm.
- Dans l'intervalle des sessions de la Sejm, des Sénateurs devaient se trouver aux côté du Roi pour le conseiller et aussi le surveiller.
- Le Roi n'avait pas le droit d'appeler à une levée en masse, Pospolite ruszenie, sans l'approbation de la Sejm.
- Le Roi n'avait pas le droit de déclarer la guerre ou de faire la paix sans l'approbation de la Sejm.
- Le Roi doit se conformer à la Konfederacja warszawska de 1573 qui garanti la liberté religieuse.
- Si le Roi enfreint une des lois de la Rzeczpospolita la noblesse a le droit de désobéir à ses ordres.

Religion

Dans le domaine de la religion, le catholicisme est, après la Contre Réforme, la religion dominante fortement marquée car différenciant les Sarmates de leurs pairs Turcs ou Tatars. Toutes les affaires terrestres étaient un moyen pour atteindre l'objectif final, le Paradis. On mettait l'accent sur la Pénitence comme moyen de se sauver de la punition éternelle. On croyait que Dieu veille sur tout et que toute chose a un sens. Il fallait participer à la vie religieuse par la messe, les indulgences et les pèlerinages. Une dévotion particulière à la Vierge, aux Saints et la Passion était une des caractéristiques de cette foi.

Usage moderne

Dans la Pologne contemporaine, le mot 'sarmate' (sarmacki) est une forme d'auto-identification ironique et est parfois utilisé comme synonyme pour désigner le caractère polonais.

Impact sur les autres peuples de la Rzeczpospolita

Les Lithuaniens et les Ukrainiens vivant au sein de la Rzeczpospolita ont également adopté certains aspects du Sarmatisme.

Certains historiens lithuaniens de cette époque affirmaient que leurs ancêtres étaient les descendants des Scythes qui s'étaient installés dans la Rome antique, laquelle était devenue le siège de leur grand prêtre païen.

Les Ukrainiens de ces siècles prétendaient également descendre des Sarmates ou d'une tribu voisine, les Roxolianiens.
Ils déclaraient aussi descendre des Khazars turcs. Par exemple, la Constitution de 1701 des Cosaques Zaporogues comprenait les passages suivants : « Le vaillant et ancien peuple Cosaques, nommé auparavant Khazar, étaient anciennement exalté par une gloire immortelle ... ainsi que par l'empereur d'Orient ... qui a donné son fils en mariage à la fille du Kaghan et il devint un prince cosaque ... ; ... la foi orthodoxe de la confession orientale grâce à laquelle le vaillant peuple Cosaque fut illuminé par le Siège Apostolique de Constantinople alors qu'il était soumis à des princes Khazars ... ;... tandis que le peuple anciennement connu comme Khazar et plus tard nommé Cosaque trouve aussi son origine chez les puissants et invincibles Goths ... qui s'unirent ensemble par de profonds liens d'affection avec l'Etat de Crimée ... »

Les Tatars fidèles à l'Etat polonais qui se sont installés dans la Rzeczpospolita polono-lithuanienne étaient considérés par les partisans polonais du Sarmatisme comme des pairs. En conséquence, ils purent jouirent des privilèges de la noblesse polonaise ainsi que de la liberté de pratiquer leur religion musulmane.

Ces Tatars, malgré leur foi islamique, étaient plus facilement acceptés dans la société polonaise que les Ruthènes chrétiens orthodoxes dont ils supposaient les origines sarmates plus discutables.

Evaluation

Dans sa forme originelle, l'idéal sarmate ressemblait à un mouvement culturel : il s'appuyait sur la foi religieuse, sur les vertus d'honnêteté, de fierté nationale, de courage, d'égalité et de liberté.

Cependant, comme toute doctrine qui met certaines classes sociales au-dessus des autres, il s'est perverti au cours du temps. Le Sarmatisme s'est finalement transformé en une doctrine intolérante et fanatique, l'honnêteté politique en naïveté, la fierté en arrogance, le courage en entêtement, l'idéal de liberté de la szlachta en nihilisme.

Le Sarmatisme a évolué au cours de la Renaissance polonaise et s'est retrouvé opposé à l'idéologie des Lumières polonaises.
Vers la fin du XVIIIe siècle, le mot 'sarmatisme' avait acquis un sens négatif et péjoratif. Il était régulièrement critiqué et ridiculisé dans des libelles et était devenu synonyme d'ignorance et d'esprit borné. C'était une étiquette désobligeante qui ridiculisait ceux qui s'opposaient aux idées de réforme des progressistes comme le roi Stanisław August Poniatowski.

Dans une certaine mesure, le processus a été inversé durant la période du Romantisme polonais quand, après les partitions de la Pologne, la mémoire des anciennes traditions de l'Âge d'Or ont été réhabilitées. On peut le constater dans les œuvres de grands poètes polonais comme Adam Mickiewicz (Pan tadeusz) ou d'écrivains comme Henryk Sienkiewicz dans sa Trylogia, ainsi que d'autres.
Ce lien étroit entre le romantisme et l'histoire nationale est une caractéristique déterminante de cette période littéraire. Elle marque sa différence avec d'autres littératures contemporaines qui n'avaient pas souffert du manque d'un Etat national comme ce fut le cas en Pologne.

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 04 mai, 2011 13:56

Il ne semble y avoir aucune tradition populaire assimilant les Slaves aux tribus iraniennes qui nomadisaient dans ce qui est l'Ukraine actuelle. Ce « souvenir » semble avoir surgit chez des lettrés de différents peuples d'Europe orientale qui se cherchaient des « ancêtres » cités par les auteurs de l'antiquité.

Ainsi, aucun clerc occidental du Moyen-Âge n'a jamais envisagé le moindre rapport entre les Slaves et les Sarmates. Par contre, des sources slaves postérieures au premier millénaire envisagent cette possibilité ... ce qui n'était pas non plus le cas des chroniques slaves antérieures.

Dans les Annales de Flodoard (fin Xe – début XIe siècle), ce sont les Tchèques de Bohême qui sont qualifiés de Sarmates. Le duc de Bohême Boleslas Ier 'le cruel' est appelé en 955 'prince des Sarmates' (... cum Burislao Sarmaturum principe). Dans d'autres (Abbaye e Sainte-Gal, fin IXe – début Xe siècle, ce sont les Serbes qui sont assimilés à ces mêmes Sarmates en se basant sur une (très) vague ressemblance de leurs noms.

Comme cité dans l'article traduit ci-dessus, les fondements du Sarmatisme polonais ont été posés dès la fin du XVe siècle par Jan Dugłosz / Johannes Longinus dans son Histoire polonaise (Historia polonica usque ad annum 1480) ainsi que d'autres auteurs.

L'idée d'un lien entre Sarmates et Slaves est théorisée de manière beaucoup plus précise par le prince-évêque Marcin Kromer dans son ouvrage monumental De origine et rebus gestis Polonorum libri XXX (1555). Exploitant – et interprétant librement – les sources antiques qu'il connait bien, Kromer expose que les « Sarmates slaves » seraient venus en « Sarmatie d'Europe » (= la Pologne) depuis la « Sarmatie d'Asie » (= les steppes du nord de la Mer Noire) au moment des Grandes Invasions en occupant les terres abandonnées par les Burgondes et les Vandales. Les Polonais seraient leurs descendants les plus directs.

Ces années sont aussi celle de la naissance en 1569 de la Rzeczpospolita ('République' - au sens romain du terme) qui fédère sous un même souverain élu le Royaume de Pologne et le Grand-Duché de Lithuanie et consacre la prise du pouvoir par la noblesse.

Par la suite, le Sarmatisme polonais pris de la fin du XVIe au XVIIIe siècle une dimension politique, sociale et culturelle. Les Sarmates furent présentés comme les ancêtres de la Szlachta, la noblesse polonaise (et accessoirement lithuanienne et ruthène), à l'exclusion de tous les autres habitants présentés comme descendants de peuples soumis.

Cela justifiait la volonté de reconquête de la totalité de l'ancienne Sarmatie mais aussi le pouvoir et la place que cette classe occupait par rapport à ceux qu'elle gouvernait (tant Polonais que Ruthènes). De même en France, quelques années plus tard, une théorie voulait que la noblesse « franque » gouverne par droit de conquête un « tiers-état » gallo-romain.

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Posté par: jk (IP Loggée)
Date: 04 mai, 2011 14:16

Merci Paul pour ce cours d'histoire, je me coucherai moins bête ce soir et comme à plusieurs reprises, grâce à toi, avec un peu plus ce connaissances sur le pays de mes ancètres. Merci smileys with beer

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Posté par: René (IP Loggée)
Date: 10 mai, 2011 13:57

J'ai pris mon temps, mais je viens de lire, passionant surtout les passages sur les caractéristiques de caractères.

Y a t'il une influence entre le sarmatisme et le fait que la Pologne est le dernier pays d'Europe avec des serfs en 1863 ?

Il faut dire que l'idée nationale n'existe pas et on tendance à regarder ça avec notre vision deformante de l'état nation.

On retrouve en Pologne de nos jours, une forte segregation sociale, en fonction de son statut. Vient il d'une aspiration ancienne à faire partie ou à acceder à une caste ?

Quand on lit les articles de la Rzeczpospolita, on ne s'étonne pas de la disparition de la Pologne ou partout ailleurs on essaie de fabriquer des états centraux. La disparition de la Pologne ne tant qu'autorité en europe est la fin du XVII siècle, le reste n'étant qu'une lent edescente aux enfer.

Le mouvement romantique n'est pas très réaliste de sublimer ce qui finallement est une feodalité orientaliste exacerbée. On peut y voir une fable oou un roman nationale polonaise dans ce 19ème qui voit la construction des nationalismes en europe.

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 10 mai, 2011 15:43

René a écrit:
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> Y a t'il une influence entre le sarmatisme et le
> fait que la Pologne est le dernier pays d'Europe
> avec des serfs en 1863 ?

Le servage a également existé en France jusqu'en 1789 mais exclusivement sur les terres appartenant aux monastères. Ce fut la Révolution qui mit fin à cet anachronisme alors qu'il avait disparut partout ailleurs, remplacé par le métayage et autres formes de fermage. C'est vrai qu'il a perduré en Europe de l'Est, y compris en Pologne dépecée, sauf dans la partie prussienne, et en Russie... où on trouvait aussi pas mal de nobles polonais propriétaires terriens en particulier dans ce qui est aujourd'hui le Belarus et l'Ukraine. Il est possible que le sentiment d'appartenir à un « peuple » différent de ceux qui leur était soumis a pu favoriser la persistance de cet état. Mais ça reste à démontrer : d'autres facteurs ont également joué.


> Il faut dire que l'idée nationale n'existe pas et
> on tendance à regarder ça avec notre vision
> deformante de l'état nation.

Tout à fait, mais le sarmatisme a permis à l'origine de souder la noblesse grande et petite et, en plus d'intégrer la noblesse prussienne, lithuanienne et ruthène à celle d'origine polonaise. Ce n'était certes pas le sentiment d'appartenance à un Etat mais au moins à un même "peuple" qui devait se défendre contre les ingérences étrangères. Lorsque les idéaux de départ ont fait place à l'égoïsme et à l'aveuglement, tout s'est effondré.


> On retrouve en Pologne de nos jours, une forte
> segregation sociale, en fonction de son statut.
> Vient il d'une aspiration ancienne à faire partie
> ou à acceder à une caste ?

Difficile à dire. Mais il est possible qu'un tel état d'esprit d'abord propre à la noblesse ait été capté ensuite par la population entière. Ne dit on pas, en Pologne, que le sarmatisme caractérise bien le tempérament polonais actuel.



> Quand on lit les articles de la Rzeczpospolita, on
> ne s'étonne pas de la disparition de la Pologne
> ou partout ailleurs on essaie de fabriquer des
> états centraux. La disparition de la Pologne ne
> tant qu'autorité en europe est la fin du XVII
> siècle, le reste n'étant qu'une lent edescente
> aux enfer.


Pourtant, les articles Henriciens, et d'autres lois, sont étonnamment modernes. On y retrouve les règles fondamentales qui existent dans toute république ou royauté parlementaire. Le Roi n'a finalement aucun pouvoir sauf s'il possède un charisme suffisant pour lui permettre de jouer de son influence ... un peu à la manière d'une Elisabeth II ! Dans le cas contraire, il sera incolore, inodore et insipide.

Remarquons aussi que les électeurs (= la noblesse), représentait comme il est dit, environ 10% de la population. A comparer avec la France et l'Angleterre du XIXe siècle qui n'accordaient ce droit qu'à 3% de la population en 1830 pour la première et 1% pour la seconde en 1860.

Pourtant deux aspects fondamentaux viciaient le système. Le premier est le liberum veto, une hérésie dans tout système démocratique, même s'il est seulement accessible à une classe, et le second le sarmatisme dont il est question ici qui faisait de la noblesse une caste non seulement supérieure sur le plan social mais aussi sur le plan « racial ». Rien ne pouvait lier la noblesse à la population des pays qu'ils dominaient sinon un rapport de dominant à dominé. Et comme il est écrit, cela valait aussi bien pour les Polonais non nobles que pour les roturiers lithuaniens ou ruthènes.

Un privilège supplémentaire qui permettait de former des confédérations (des partis) de nobles armés (p.ex., Confédération de Bar contre l'ingérence de la Russie mais aussi celle du Roi qui voulait limiter les pouvoirs des magnats eux-mêmes souvent des sénateurs), fut aussi la cause de la perte de la Pologne et de son dépeçage.

Finalement, ce qui aurait pu devenir une démocratie parlementaire à l'image de la Grande Bretagne a sombré dans l'anarchie à cause de la vue étroite et égoïste de ceux qui firent passer leurs privilèges avant l'obligation première du bien et de la défense du pays.



> Le mouvement romantique n'est pas très réaliste
> de sublimer ce qui finallement est une feodalité
> orientaliste exacerbée. On peut y voir une fable
> oou un roman nationale polonaise dans ce 19ème
> qui voit la construction des nationalismes en
> europe.

A une époque où la Pologne n'existait plus en tant qu'Etat, il n'a fait qu'idéaliser ceux qui combattaient, avant la déchéance, pour la gloire de la Pologne (et la leur !). Mais c'étaient des écrivains, de première grandeur, et non des historiens.
Il lui sera beaucoup pardonné pour cela mais non à ceux qui ont continué à vivre dans cette illusion une fois la Pologne rétablie.