L'immigration polonaise des années 20 en France a fini maintenant de fêter son centenaire. De nombreuses manifestations ont eu lieu, célébrant cette période importante. Nous nous devions ici-aussi de clore ce chapitre et surtout de ne pas oublier qu'il n'y a pas eu qu'une seule immigration polonaise en France, mais plusieurs immigrations, des immigrations liées souvent à l'histoire de la Pologne, de Napoléon jusqu'à aujourd'hui.
Pour cette immigration des années 20, le mieux était de chercher dans nos archives et de ressortir un extrait d'une conférence, donnée par un auteur bien connu ici, auteur que nous n'avons pas oublié .
L'auteur "d'Ozarow, les racines polonaises" et de "Polonais en France", ainsi que "Retour en Pologne" trois livres qu'Alain Szelong a écrit avec son père, Edmond, et qui retracent l'histoire de son grand-père, Michel, immigré polonais arrivé en France en 1930. Parallèlement à ce travail d'écriture, les auteurs ont animé des conférences bien avant ce centenaire, sur le thème de l'immigration polonaise. Ayant eu vent de cette activité, Beskid avait demandé à Alain de bien vouloir retranscrire son exposé, ce qu'il avait accepté de faire avec grand plaisir.
"Mon père et moi souhaitons diffuser au maximum notre savoir sur cette migration économique très importante qui eut lieu dans le courant des années 20 et qui reste méconnue. La conférence que j'anime s'inspire largement du livre de Madame Janine Ponty : "Polonais méconnus". Je le recommande à tous ceux qui veulent approfondir la question."
L'immigration polonaise des années 20 et du début des années 30 a constitué une très grande chance pour la France. D'abord, parce que notre pays a eu cruellement besoin de main d'œuvre durant cette période. Ensuite, parce que la population recrutée, dûment sélectionnée, s'est révélée être courageuse, honnête, efficace et d'une loyauté sans faille envers son pays d'accueil. Cela dit, cet épisode de notre histoire reste méconnu. Les enfants des immigrés, aujourd'hui parfaitement intégrés, ignorent souvent l'histoire de leurs parents ou grands-parents .
En Pologne
Le 08 septembre 1903, quand mon grand-père a vu le jour à Ozarow, la Pologne n'existait plus depuis 108 ans, soit depuis plus de 5 générations. Le pays avait disparu en 1795, date du dernier partage entre ses puissants voisins.
Comment ce grand pays qui avait compté jusqu'à 1.000.000 de km² a-t-il ainsi pu être réduit à 0 ?
Tout simplement parce qu'à la fin du 16ème siècle la monarchie est devenue élective et que le pouvoir est passé entre les mains des magnats, des féodaux plus soucieux de leurs intérêts que de ceux du pays. Alors que la Pologne, entourée d'ennemis héréditaires, avait besoin d'un pouvoir fort, celui-ci s'est délité.
Les populations polonaises se sont ainsi retrouvées dispersées sur trois territoires. Le principal se trouvait dans l'empire russe. Cette région s'appelait le Royaume de Pologne et le roi en était le Tsar. Les Polonais y connaissaient une tranquillité plus ou moins importante selon les périodes. Dans la partie allemande, en Poméranie et en Poznanie, la situation était plus difficile. Les Polonais subissaient une germanisation forcée. Dans l'empire austro-hongrois, en Galicie occidentale et orientale, la situation était meilleure pour les populations. C'est d'ailleurs à partir de là que s'organisèrent les forces qui permirent la renaissance de la Pologne en 1918.
Ainsi, la plupart des immigrés venus en France dans le courant des années 20 ne sont pas nés Polonais. Mon grand-père par exemple a vu le jour en territoire russe. J'ai eu la chance de pouvoir retrouver son acte de naissance où figure en bas à droite une signature mal dégrossie, celle de mon arrière-grand-père.
D'un point de vue économique, les territoires polonais occupés étaient considérés par les puissances copartageantes comme des colonies. Ceci se traduisit pour la Pologne par une absence d'infrastructures, par une absence d'installation d'usines, par l'utilisation des matières premières au profit des capitales et par la non-formation de cadres autochtones. Un retard très lourd de conséquence pour l'avenir. D'un point de vue industriel, seule la Silésie avec son bassin minier et une industrie métallurgique était développée. Lodz, de son côté, possédait une industrie textile.
Les territoires polonais du début du 20ème siècle présentaient un visage essentiellement agricole avec une main d'œuvre pléthorique. D'après le recensement de 1921, la population était agricole à 64%, contre 30% en France et 6% en Grande-Bretagne. Il y avait 02 millions de paysans sans terre et sans emploi, 2 autres millions sous employés. En tout, 08 millions de personnes en trop dans l'agriculture. La plupart des propriétés ne suffisaient pas à nourrir les familles qui s'y trouvaient. On parlait de "propriétés naines". Mon arrière-grand-père travaillait l'une de ces propriétés, 1,5 hectares pour nourrir une famille de 6 enfants.
Pour ne rien arranger, l'évolution démographique de l'époque s'est traduite par un accroissement naturel très important, venant augmenter le nombre de la population sous-employée dans l'agriculture.