Dans la gueule du loup

Démarré par Archives, 01 Novembre 2023 à 14:08:32

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Posté par: Christian Orpel (IP Loggée)
Date: 18 octobre, 2017 15:36

C'était l'été qui suivit la déclaration de guerre,
là-bas, en Pologne populaire.
Moi, j'avais mon permis, et une belle voiture
ça allait faire son petit effet, j'en étais sûr,
A mon arrivée.
D'autant que la petite Peugeot était pleine à craquer
De paquets à donner.
D'ailleurs, en route, au détour d'un virage,
A l'entrée d'un tout petit village,
dans un lieu tout à fait paumé,
Mais très ensoleillé,
Une bande de cinq ou six gamins
Se mirent à applaudir, heureux de battre des mains
Comme s'ils voyaient soudain un pilote de formule 1.
Avouez, bande de jaloux,
Que ce genre de truc, ça ne vous est jamais arrivé, à vous !
J'étais donc très optimiste et sûr assez de mon petit effet.
Merci Peugeot.

A la ferme, la surprise fut grande.
« On ne t'attendait pas, à cause des événements. »
Les premières discussions furent un peu graves,
On parla beaucoup des événements,
de cette sombre affaire.
Oui, ils avouèrent que ç'avait été une sombre affaire,
que c'était une sombre affaire.
Après quelques semaines, cependant,
Il y avait eu comme un retour à la vie normale,
Enfin, c'était redevenu comme avant,
Enfin, c'était toujours le même bordel qu'avant.
Je demandais : «  Mais il est où, Janek ? »
Le cadet des cousins, celui que ma tante
Appelait « Janko muzykant »,
Faisait son service militaire
Il en avait pris pour deux ans.
Andrzej et Stas, ses deux frères, concoctèrent un plan d'enfer ,
La Peugeot ne pourrait-elle pas nous conduire à Witkowo,
Dans la région de Gniezno,
Pour dire bonjour à Janek ?
Plan proposé, plan adopté.
Le dimanche suivant, après la première messe,
On prit la route, qui n'était pas une autoroute,
Difficile de faire de la vitesse
Et ce n'était pas si près.
Mais on finit par arriver,
Merci Peugeot.
« Je me gare où ? »
Consigne d'Andrzej, avec son droit d'aînesse
Et toute son autorité de sapeur-pompier
« Tu te gares là ! »,
En face de la porte d'entrée de la caserne
En face des yeux limpides du jeune soldat
Chargé de surveiller cette porte.
Le trio quitta la Peugeot
Qui à l'arrière, exhibait son F sereinement
et sa légale immatriculation.
Le trio franchit la porte, se dirigea vers le bâtiment
destiné à l'accueil des visiteurs, des pékins.
Les cousins prirent les choses en mains,
Andrzej parlementa avec un soldat
Lequel de prévenir Janek se chargea,
Lequel revint aussi nous dire d'un petit peu attendre
Car il avait fallu le réveiller,
il venait tout juste de se lever,
comme il avait passé la nuit
à jouer de la musique
Dans une nuptiale nouba,
Pour gagner des zlotys.
Donc, on attendit.
Et Janek arriva, avec une assez petite mine,
Preuve qu'il avait bien bossé la nuit,
On s'embrassa, on s'étreignit,
On causa, on rigola,
Quelques minutes.
Et puis branle-bas de combat,
Un gradé très courroucé, très excité
Déboula, réclama nos pièces d'identité.
Il les prit, les regarda, à mes cousins les rendit.
Eux sortirent de la caserne, Janek de son côté partit
Je restais là, assis
avec mon passeport français confisqué.
Le gradé, posant mille questions, aboyait, haineux.
J'étais suspect, il lui fallait l'aveu
De mes forfaits, de mes louches activités.
Allait-il mordre, allait-il me gifler ?
Le garde de l'entrée vint tranquillement témoigner
Avec son limpide regard
Qu'il m'avait déjà vu , à plusieurs reprises, l'an passé
Effaré, je contemplais le visage innocent du jeune soldat
Qui disait ça,
Quel intérêt avait-il à dire cela ?
Comprenant que c'était une histoire de fous,
Atteints de quelque fièvre obsidionale,
Que c'était peine perdue
De vouloir s'expliquer,
Je me tus, plutôt abattu,
Préférant gaîment penser à Kafka,
à la joie de réviser mes cartes de géographie, en Sibérie ,
et pourquoi pas,
au bonheur de visiter quelque part,
telle ou telle poubelle de l'histoire.
Le gradé énervé toutefois ne semblait pas
Dieu merci,
avoir pouvoir de décision sur mon sort immédiat
On était donc allé déranger un supérieur, qui devait arriver
S'occuper de mon cas.
Et ce fut à nouveau l'attente .
«  Dzien dobry ».
Quelqu'un qui parlait dans un langage humain
se trouvait donc là ?
En relevant les yeux,
Je vis un officier, plutôt classe,
Qui congédia l'autre teigneux,
Lui semblait normalement intelligent
Voire plus, qui sait ?
Il posa ses questions.
En mon polonais qui s'améliorait,
J'expliquais qui j'étais, d'où je venais, ce que je faisais.
Il posa beaucoup de questions,
Et sans me torturer, conclut à un non-lieu.
l me tendit mon passeport,
Il me tendit aussi la main,
Que je ne refusais pas
Je serrais la main de l'officier polonais.
Il dit : « Do widzenia !  »
Sans doute un trait d'humour ...

Le jeune espion se retrouva, un peu pâle, à l'entrée
A respirer au soleil l'air libre
Le jeune espion se retrouva à deux pas du soldat
Au limpide regard
Je dis : « Do widzenia ! »
Sans doute un trait d'humour ...

Je vis mes deux cousins, qui m' attendaient
tout de suite j'allais beaucoup mieux
On retourna à la voiture
Je remarquais juste à côté de la Peugeot
Un panneau.
Je levais les yeux,
puis le doigt,
Andrzej, regarde !
Stasiu, regarde !
C'était juste écrit
Stationnement strictement interdit .

Quel fou rire nous prit !
Et on repartit à la maison.
Merci Peugeot.

On rentra à Rozdrazew
Où il n'y a pas de caserne
Mais on fit un détour à la taverne
Car on avait bien mérité
je crois quelques vodkas,
Moi surtout :
J'avais, en amateur, totalement raté
Les débuts d'une brillante carrière
D'espion !
Avouez, bande de jaloux,
Que ce genre de truc, ça ne vous est jamais arrivé, à vous !

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Posté par: jpaul (IP Loggée)
Date: 19 octobre, 2017 00:25

Pour se situer dans le temps, pouvez-vous nous préciser quelle guerre périphrasique ? De mon côté, dés que j'ai un peu de temps et pour ne pas vous laisser seul avec l'administration militaire PRL, je vous raconterais les miennes, comme ça pas de jaloux...smiling smiley Y a du lourd aussi ! Suspense ....

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Posté par: Christian Orpel (IP Loggée)
Date: 19 octobre, 2017 00:37

Celle de l'état de guerre 13 XII 1981

Donc c'était l'été 1982.

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Posté par: zoska44 (IP Loggée)
Date: 24 octobre, 2017 06:41

Czołem!

Concentré sur la garde de nos petits enfants, je vous raconterai mes déboires avec les gnojki lors de mon premier séjour en PRL en 69 lorsque j'aurai le temps de le faire.