République française et polonaise en 1794

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Posté par: René (IP Loggée)
Date: 29 octobre, 2004 14:57

De « Pologne d?hier et d?aujourd?hui » aux éditions « Raison d?être » de Louis Brunot, 1947.
L?auteur est d?obédience communiste et polonophile convaincu.
L'insurection de 1794 est traité ici suivant des facettes qui convenaient à l'auteur, mais pas inintéressantes.

La grande insurrection nationale.

Le 24 mars 1794, devant la foule massée sur la place du marché de Cracovie, Kosciuszko lance l?appel à l?insurrection. Il s?écrie :
« L?extermination de toute tyrannie, aussi bien étrangère que propre, l?affermissement de la liberté nationale et de l?indépendance de la république, voilà le but de notre soulèvement ».

Le peuple répond avec ardeur à cet appel. Les rangs de l?armée de Kosciuszko grossissent rapidement. Les paysans s?enrôlent toujours plus nombreux et forment les fameux bataillons de « faucheurs ». Kosciuszko prend le commandement de ces formations qui feront bientôt la preuve de leur vaillance et de leur ardent patriotisme. Au cours de la bataille de Raclawice, la cavalerie noble, incapable de résister au feu de l?artillerie russe, bat en retraite. Kosciusko à la tête de ses paysans soldats passe alors à l?attaque et remporte une victoire éclatante.
Après ce succès, Varsovie et l?Ouest du pays se soulève, sous la conduite du général Dombrowski, qui constituera quelques années plus tard les glorieuses légions polonaises. Dombrowski bat les Prussiens et leur enlève la célèbre forteresse de Bydgoszcz.
L?insurrection devient générale, et les armées étrangères sont tenues en échec en plusieurs points du pays. Le gouvernement révolutionnaire rétablit ses relations avec les pays étrangers et en premier lieu, avec la République Française.
La France était de tout c?ur avec les patriotes polonais. Un idéal commun, l?amour de la liberté, liait les hommes de progrès des deux pays.
De plus, ces soulèvements successifs étaient d?une importance militaire considérable pour la France révolutionnaire. Par leur lutte, les Polonais immobilisaient les armées des ennemis les plus acharnés de la République.
Lorsqu?en 1793, le Comité de salut Public décide d?envoyer le citoyen Parandier pour suivre les affaires de la Pologne, on lit dans ses instructions :
« Le citoyen Parandier, transmettra au comité de salut Public des idées sur la manière d?utiliser pour la Révolution Française l?insurrection polonaise, considérée comme diversion, sur la manière dont la République pourrait employer les moyens qui sont en son pouvoir pour consolider la révolution polonaise, en assurant son indépendance, contre les ennemis du dehors, et sa liberté contre l?aristocratie de l?intérieur?La République Française ne refusera point à la Pologne les secours directs que sa propre situation lui permettra d?accorder pourvu qu?elle ait la garantie que ces secours serviront à la cause de la liberté. »

Lebrun écrit à ce même ambassadeur :
« La République Française s?occupe avec activité des grands moyens qui peuvent soustraire cette intéressante nation au joug odieux dont elle est accablée. Nous avons eu plusieurs conférences avec le brave général Kosciuszko et les autres Polonais patriotes qui sont à Paris?Du courage, de l?énergie, de la persévérance, et la Pologne sera sauvée. »

Les historiens s?accordent à reconnaître la valeur militaire incontestable du soulèvement polonais. Ainsi René Pinon, dans son histoire diplomatique :
« La Législative est impuissante à secourir les Polonais. C?est plutôt la résistance héroïque de la Pologne qui, en détournant du Rhin et de l?Italie les armées des puissances centrales, contribue à sauver la France, contribue à sauver la France de l?invasion. Les évènements de la Pologne sont inséparables de l?histoire de la lutte de la Révolution française contre l?Europe. »

Emile Bourgois dans son Manuel Historique de politique étrangère :
« La France fut sauvée par un concours heureux de circonstances. Occupés en Orient à la curé de la République Polonaise. Les puissances lui laissèrent sans négociations une trêve inespérée. »

Citons encore M et L Barot-Forlière, qui écrivait à propos de la bataille de Raclawice :
« La victoire polonaise, en immobilisant l?armée de Souvorov (ND moi-même, le boucher de Praga) et en obligeant le roi de Prusse à reporter une de ses armées du front français sur le front polonais assura à nos troupes la victoire de Fleurus (ND moi-même, en fait une victoire symbole) et sauva notre jeune République ».

Mais les patriotes polonais ne peuvent soutenir la pression conjuguée des armées d?invasion. Et ceci parce que le gouvernement insurrectionnel n?a pas été capable d?entraîner et de mobiliser la nation tout entière. Kosciusko avait compris l?importance du rôle que devait jouer la paysannerie dans cette guerre de libération. C?est pourquoi par l?édit de Polaniec (Universal Polaniecki) du 7 mai 1794 il accordait aux paysans certains droits : la libre circulation et l?interdiction de les expulser de leurs terres. C?était un progrès certain, mais nettement insuffisant pour obtenir la levés en masse, surtout si l?on considère que les timides dispositions de l?Edit de Polaniec étaient sabotées par la « Szlachta ». Les nobles (polonais) astreignaient les familles de combattants à la corvée. Souvent même, ils interdisaient aux paysans de s?enrôler. Ainsi le Palatinat de Cracovie, qui devait fournir 17000 hommes n?en présenta que 2000.
Les aristocrates freinaient l?élan progressif du peuple. Ils s?opposaient au châtiment des traîtres. Dans la zone prussienne, ils retardaient la mobilisation des forces populaires.

Grièvement blessé, Kosciuszko fut fait prisonnier le 9 octobre. Quelques jours plus tard, les héroïques défenseurs de Varsovie succombaient sous le nombre. L?insurrection était noyée dans le sang et la terreur.
Une année s?était à peine écoulée que le troisième partage était opéré.
Pendant plus d?un siècle la Pologne sera effacée de la carte de l?Europe. Mais son peuple vivra et ne cessera de lutter pour son affranchissement.
Il manifestera en toute occasion sa vitalité forgée au cours des insurrections précédentes ; Il montrera au monde qu?on ne peut anéantir un peuple s?il est décidé à vivre.

Kosciuszko a su faire naître dans les profondeurs des couches populaires l?idée de conscience nationale. Et Michelet a pu écrire.

« Le jour ou cet homme de foi menant ses bandes novices contre l?armée russe, aguerrie, victorieuse, laissa là toutes les routines et l?orgueil antique, laissa la noble cavalerie, mit pied à terre et pris rang parmis les faucheurs polonais, ce jour la, un grand pas fut fait pour la Pologne et pour le monde. La Pologne n?était jusque là qu?une noblesse héroïque ; dès lors, ce fut une nation, une grande nation et indestructible. L?impérissable étincelle de la vitalité nationale, enfouie si longtemps, éclata ; elle rentra au c?ur du peuple et y resta avec le souvenir de Kosciuszko ».

La prochaine fois 1830.