Question sur les frontières polonaises de la 2e république.

Démarré par Archives, 17 Novembre 2023 à 16:59:35

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 21 octobre, 2008 16:24

La frontière occidentale de la Pologne fut garantie par le Traité de Versailles, et ses signataires, puis entérinée par l'Allemagne par les accords de Locarno en octobre 1925.

Qu'en est-il de la frontière orientale, hormis les signataires du traité de Riga ?

Y a-t-il eut une reconnaissance de facto ou de jure de la part des pays occidentaux.

Et surtout, une garantie fut-elle donnée quant au respect de celle-ci ?


S'il n'y en eut pas, cela pourrait-il expliquer "l'oubli" ou "l'absolution" donnée à l'URSS pour son agression de 1939 lorsqu'elle passa, par la force des choses, dans le camps des Alliés en 1941.


A titre de curiosité, voici une carte de 1920 du London Geographical Institut. Les frontières orientales sont définies comme « provisoires ». Cette carte se base sur les traités de Versailles, avant la paix de Riga et la reconnaissance des nouveaux Etats de Lettonie et Estonie.

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Posté par: JMC59 (IP Loggée)
Date: 22 octobre, 2008 09:44

Bonjour Paul,

> Qu'en est-il de la frontière orientale, hormis les signataires du traité de Riga ?
> Y a-t-il eut une reconnaissance de facto ou de jure de la part des pays occidentaux.
> Et surtout, une garantie fut-elle donnée quant au respect de celle-ci ?

***

La reconnaissance des Occidentaux est concrétisée par la conférence des Ambassadeurs du 15 mars 1923, elle me semble être le seul garant des frontières orientales. Elle définit des tracés acquis et d'autres limites à négocier entre parties (voir détail du traité à cette adresse).

[untreaty.un.org]

***

En outre, on estimait à Paris, que la conférence des Ambassadeurs ayant reconnu les frontières orientales polonaises, la menace orientale s'en trouvait diminuée, idée avec laquelle les Polonais étaient en complet désaccord. Tout au plus, Foch consentit à prendre en compte les besoins d'un éventuel front à l'Est. Le général Haller, chef de l'état major polonais, accentua cet aspect en s'affirmant, à l'automne 1923, pour une coalition tripartite entre la Pologne, la Roumanie et la France, tournée contre l'URSS mais aussi contre l'Allemagne.
Il organisa une conférence à Varsovie en avril 1924 avec le général roumain Florescu et le général Dupont, chef de la mission militaire en Pologne, où fut élaboré un plan de guerre décisif contre une coalition germano-soviétique. Cette décision ne revêtait cependant qu'un caractère consultatif ; elle devait être suivie par plusieurs autres du même type mais les nouvelles conditions politiques en France en décidèrent autrement (voir adresse ci-dessous, page 146).


Donc effectivement, on peut penser que l' « oubli » ou « l'absolution » donnée à l'URSS pour son agression de 1939 est probablement justifiée par la mauvaise appréciation des risques comme tu pourras le constater aux chapitres qui suivent le texte cité ci-dessus (voir adresse ci-dessous, page 147 et suivantes).

[books.google.fr]

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Posté par: René (IP Loggée)
Date: 22 octobre, 2008 11:46

"Donc effectivement, on peut penser que l' « oubli » ou « l'absolution » donnée à l'URSS pour son agression de 1939 est probablement justifiée par la mauvaise appréciation des risques comme tu pourras le constater aux chapitres qui suivent le texte cité ci-dessus (voir adresse ci-dessous, page 147 et suivantes)."


Tu fais reference aux discussions militaires de 1923 avec Haller, à l'époque il y avait un dialogue entre l'armée française et l'armée polonaise, car les officiers polonais en charge des affaires militaires se connaissaient et s'appréçiaient. A partir de 1926, avec le coup d'état de Pilsudski, tous les militaires de haut rang qui ne sont pas de son clan sont mis à l'écart, partent en émmigration ou meurent mystérieusement. Il n'y a plus de contact ni de coordinations.

De plus la garantie accordé par Clemenceau à Pilsudski en 1921 est sèchement critiqué par Foch qui dit qu'on ne s'engage pas sur quelque chose dont on ne sait pas si on peut tenir parole, ni ce que cela entraine pour la sécurité de la France. L'école de Foch tiendra jusqu'en 1935 avec le départ de Weygand et l'arrivée de Gamelin "fils" de Joffre.
On le voit, a Paris deux écuries, les "Foch" cléricaux et les "Joffre", radicaux laïques et FM. En Pologne deux écuries aussi, les républicains nationaux et les Pilsudskistes.
Hormis dans la période 1921-26, il n'y aura pas d'envie de travailler ensemble.

Pour le contexte, la France est en guerre le 3 septembre 1939, l'URSS fait partie du camp ennemi sans declaration de guerre, action programmée par les français en Finlande contre l'armée rouge, l'URSS arrache aussi la Bessarabie à la Roumanie alliée français, je ne sais pas si le fait de critiquer le fait accompli du 17 septembre 1939 aurait influencé quelque chose.

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 22 octobre, 2008 13:32

En effet, la Conférence des Ambassadeurs a bien entériné les nouvelles frontières orientales de la Pologne, ce qui valait reconnaissance de celles-ci.

Mais le point clé, à savoir les traités de garantie de celle-ci semblent manquer ... jusqu'en 1939. Et encore d'une manière indirecte.

J'imagine que pendant l'entre-deux guerres, seule la menace allemande était envisagée par les pays occidentaux. Je n'ai, pour ma part pas trouvé de traité bilatéraux signés par la France ou l'Angleterre concernant la frontière orientale polonaise. Mais ça m'a peut-être échappé.

Toutefois, en 1939, j'ai trouvé "l'excuse" (!!!) avancée par les Britannique pour ne pas intervenir ou déclarer la guerre à l'URSS :

"Le 17 septembre 1939, l'Armée rouge envahit la Pologne par la frontière orientale polonaise. Le gouvernement polonais donna l'ordre à ses troupes de reculer et d'éviter tout combat contre les forces de l'URSS. La garantie unilatérale britannique et le pacte bilatéral requéraient que la partie attaquée décide d'engager des hostilités contre l'agresseur « avec ses propres forces armées ». Comme la Pologne ne le fit pas, la Grande-Bretagne n'eut aucune obligation de déclarer la guerre à l'Union soviétique."

Et en effet, voir l'article 2.1 de "L'accord d'assistance mutuelle entre le Royaume Uni et la Pologne du 25 août 1939" : [avalon.law.yale.edu]

Quant aux Français, ils semblent s'en être tenu à une agression uniquement du fait de l'Allemagne (Convention Kasprzycki-Gamelin signée le 19 mai 1939).

Si vous avez d'autres arguments appuyant ou démentant cette position des occidentaux, ce serait intéressant de les connaître.

On se pose si souvent la question, ici et ailleurs, de savoir pourquoi l'Angleterre et la France ont déclaré la guerre à l'Allemagne en 1939 mais pas à l'URSS qu'il faut bien rechercher une réponse !

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Posté par: René (IP Loggée)
Date: 22 octobre, 2008 14:03

Le 4 septembre 1939, un jour après la déclaration de guerre française à l'Allemagne, Bonnet et Lukasiewicz signent un protocole d'interpretation dans lequel les deux gouvernements confirment leurs obligations mutuelles en cas d'aggression d'une puissance tierce.

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Posté par: René (IP Loggée)
Date: 22 octobre, 2008 14:23

La mission militaire française à Varsovie, devenu symbolique, ferme ces portes en 1932, les derniers officiers français étaient catégoriques sur le fait que Pilsudski leur manquait de respect.
De plus Pilsudski n'assiste pas aux obsèques du maréchal Foch en 1923 qui est quand même Maréchal de Pologne et cela blesse l'amour propre des militaires français de haut rang.

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 22 octobre, 2008 14:28

Bonjour René,

C'était aussi le cas de l'accord d'assistance britannique qui garantissait l'intégrité du terrtoire polonais ... mais avec la restriction signalée ci-dessus (!).

Peux-tu nous donner les termes de ce protocole ? Y trouve-t-on également des conditions qui pouvaient justifier l'absence de réaction du gouvernement français après l'agression soviétique du 17 septembre ?

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Posté par: René (IP Loggée)
Date: 22 octobre, 2008 14:58

J'ai trouvé cela aussi :

L'accord militaire semble simplement être une annexe au traitée franco-polonais, il n'y a pas semble t'il d'engagements à se preter un mutuel secours.
Malgré les réticences initiales d'Herriot, le Protocole des Conférences fut signé le 6 novembre 1924 par Sikorski, Nollet et Dumesnil. Y figurait l'acceptation par le gouvernement français des décisions de la Conférence des Ambassadeurs sur les frontières polonaises.
Pour Aristide Briand, la France n'était soumise à aucune obligation de secourir la Pologne en cas d'agression soviétique contre elle. La convention stipulait l'envoi de marchandises, d'armes et de techniciens.
La France considerait qu'il ne fallait pas evoquer les frontières orientales polonaises, car elle voulait se rapprocher de Moscou et que Varsovie se rapproche de Moscou (ce qui est fait entre 1924 et 1926), mais que ces frontières n'avaient pas un caractère definitif.

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 22 octobre, 2008 15:17

Voici le texte de ce protocole du 4 septembre 1939 : [www.zaoerv.de]

Comme l'accord anglais, l'article premier déclare :

Article premier : L'engagement des deux parties contractantes de se prêter mutuellement toute aide et assistance en leur pouvoir sur-le-champ et dès le déclenchement des hostilités entre l'une des parties contractantes et une puissance européenne à la suite de l'agression de celle-ci contre la dite partie contractante, s'applique également dans le cas d'une action quelconque d'une puissance européenne qui menacerait manifestement directement ou indirectement, l'indépendance de l'une des parties contractantes et qui serait de telle nature que celle-ci considérerait comme vital d'y résister par ses forces armées.
..................


L'excuse invoquée par les Britanniques (ordre du gouvernement polonais de n'opposer aucune résistance militaire contre l'Armée rouge) pour éviter la déclaration de guerre à l'URSS pouvait être, et fut aussi utilisée par les Français


Quant au Ministre Bonnet (futur vychiste), il fit tout, y compris en privilégiant la médiation de Mussolini, pour éviter que la France ne déclare la guerre à l'Allemagne après l'attaque nazie contre la Pologne. Il fallut la déclaration de guerre de l'Angleterre pour que Daladier cesse de tenir compte de ses avis.

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Posté par: René (IP Loggée)
Date: 22 octobre, 2008 16:00

Convention de 1921:
Dans le cas où la Pologne ou la France viendraient à souffrir d'un manquement aux engagements intervenus en date de ce jour, entre elles et l'Allemagne, en vue du maintien de la paix générale, la France et réciproquement la Pologne, agissant par application de l'article 16 du pacte de la Société des Nations, s'engagent à se prêter immédiatement aide et assistance, si un tel manquement est accompagné d'un recours aux armes qui n'aurait pas été provoqué.

Art 16: tout membre de la Société qui recourt à la guerre contrairement aux engagements pris aux articles 12, 13 ou 15 du pacte est ipso facto considéré comme ayant commis un acte de guerre contre tous les autres membres de la Société.



Le 19 mai 1939 Gamelin signe avec le général Kasprzycki, ministre de la guerre polonais, une convention d'assistance rapide de la France en cas d'invasion de la Pologne par l'Allemagne. La France s'engage à intervenir au 3ème jour par "des actions offensives à objectifs limités" puis douze jours plus tard par "une action offensive avec le gros des forces". Tout un programme qui a pour nom " l'hypothèse Sarre", plan datant du 22 juillet 1939. Ce plan consiste en une attaque entre la forêt de Warndt et la rivière Sarre en direction de Sarrebrück.


Il faut signaler qu'une déclaration de guerre à l'URSS, impliquerait une possible attaque de cette dernière soit contre la Turquie, soit contre l'Iran soit contre l'Irak, ou les trois, les deux dernières étant des sources d'approvisionnement en Pétrole pour les britanniques.
Il a été envisagé un bombardement aérien de Bakou.
Mais les forces alliées dans ces régions sont trop faible et la Turquie est peu favorable à une action contre l'URSS.

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Posté par: comète (IP Loggée)
Date: 22 octobre, 2008 18:14

Moi aussi, je dis Messieurs Bravo

Mais je note au passage la pieuse hypocrisie qui a consisté dans le débat historique à faire procès à la Pologne de ses pauvres tentatives pour apaiser l'appétit de l'ogre allemand à partir de 1933 (bref, clin d'oeil à René pour la querelle sur le projet de "guerre préventive") et à ne pas faire procès à la même Pologne de ne pas avoir lancé ses troupes contre l'agresseur soviétique le 18 septembre 1939.

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 22 octobre, 2008 21:10

Dans tous les cas, il semble que les Britanniques, comme les Français, furent soulagés de ne s'en tenir qu'à la lettre et non à l'esprit des accords et protocoles signés avec la Pologne.

Il est à parier que si Hitler avait accepté un nouveau Munich pour traiter de l'affaire du "Corridor Polonais", il aurait bien eu lieu avec les mêmes participants que le premier et aux dépens de la Pologne. Nul doute qu'ils auraient cédé à l'Allemagne sans la moindre arrière pensée comme ce fut le cas pour la Tchécoslovaquie.
Tout plutôt que la guerre !
Mais Dantzig et le Corridor n'étaient que des prétextes pour "Monsieur" Hitler. Comme il l'avoua à ses généraux, le but de sa guerre était l'acquisition d'un "espace vital" et non de recouvrer quelques milliers de km2 de plus.


C'est ainsi qu'on parle de la "trahison des Occidentaux" en Europe centrale, plus particulièrement en Pologne et en Tchécoslovaquie, mais pas seulement.

... Et ça démarre dès la fin de la première guerre pour se poursuivre jusqu'après la 2de guerre, et se terminer avec le début de la guerre froide ; donc pendant 20 années !

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Posté par: jean-pierre31 (IP Loggée)
Date: 22 octobre, 2008 21:14

bonsoir.

la carte fourni par paul m'amène a une réflexion sur la ville de memel et son territoire.

j'avais lu que la ville de memel avait été remise a la pologne sans plébiscite.

je me posais la question de savoir pourquoi ce territoire avait été remis a la pologne puisqu'il n'y avait pas de continuité territoriale.
la carte montre que cela était possible.

ce territoire a été administré par les allies jusque 1923 date de son annexion par la lituanie.

alors ma question:ce petit territoire a t'il été remis sans plébiscite a la pologne en 1920.
(je n'ai trouvé cette référence que dans un seul livre)

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 22 octobre, 2008 22:11

Pardon.

30 ans !!! (1918 - 1948)

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Posté par: comète (IP Loggée)
Date: 22 octobre, 2008 22:37

Paul a écrit:
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> C'est ainsi qu'on parle de la "trahison des
> Occidentaux" en Europe centrale, plus
> particulièrement en Pologne et en
> Tchécoslovaquie, mais pas seulement.


La réflexion que je me faisais, en lisant vos interventions, est que :

- la prétention des états riches d'Europe - autrement dit "ethnocentrisme" qui consiste à n'accepter de tenir compte que de leur point de vue ou du point de vue des Polonais qui voient le monde à travers leurs lunettes - est sans limites,

- que ce mépris des opinions de représentants des états plus faibles qui connaissent vraiment les difficultés propres au terrain peut conduire à de terribles catastrophes.