Le 17 avril 1942 à Varsovie

Démarré par Archives, 25 Novembre 2023 à 10:46:08

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Posté par: ubik83 (IP Loggée)
Date: 23 avril, 2016 06:30

Bonjour,

Je m'accroche. Je n'ai pas craqué. Je suis toujours dans mon roman, jusqu'au cou, dans les moments où l'horreur ne me submerge pas. Le moral n'est pas toujours au top, la santé loin de là. Mais comment renoncer, quand on a commencé à écrire un roman ? Surtout un pavé de cette taille ?

C'est, en psychologie sociale, ce qu'on appelle l'escalade d'engagement. Mais passons. De temps en temps, quand je trouve le courage de m'y remettre, je viens vous voir. Profitons-en pendant que ça dure ! J'en suis à plus de 400 pages et peu à peu, je ne désespère pas d'écrire un jour le mot "fin"...

J'en viens à ce 17 avril 1942, cette nuit au cours de laquelle une cinquantaine de personnes ont été exécutées, très probablement par les sbires du SD, ou en tous cas, des SS, assistés je pense par la police Juive.

Qui pourrait me dire pour quelles raisons, en quelles circonstances, qui furent les victimes, dans quelle partie du ghetto cela s'est passé, etc ?

Je crois savoir qu'au départ, il s'agissait d'un Wolksdeutsche en affaire avec des Juifs, qui leur devait de l'argent et a décidé qu'il était plus simple de les faire éliminer. Mais là s'arrêtent mes connaissances.

Bien évidemment, si dans l'intervalle je trouve les réponses, je ne manquerai pas de vous les communiquer.

Au plaisir de causer encore avec vous,

Ubik83

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Posté par: Zefir (IP Loggée)
Date: 23 avril, 2016 20:14

Dans la nuit du 17 au 18 avril 1942, la Gestapo assassina 58 Juifs dans les rues du Ghetto ; il s'agit de la première action de terreur organisée sur le terrain du quartier fermé.

Extrait de KHURBM VARSHE.
L'ANÉANTISSEMENT DE LA VARSOVIE JUIVE
par Yehoshua PERLE

En fait l'immense désastre a débuté le 17 avril 1942. C'était un vendredi.
Des rumeurs très alarmantes s'étaient répandues dans la rue. On ne
savait rien de précis. Mais à six heures du soir, toute la population juive
s'efforçait déjà par tous les moyens de rentrer chez soi. Les rues étaient
vides comme la veille du Kippour avant "Kol Nidré"4. On voyait que les
visages des passants étaient défigurés par la frayeur et la terreur. Que l'on
pouvait également déduire des trottoirs vides, des maisons verrouillées et
même de la présence des masses de mendiants affamés qui s'enfuyaient
pour regagner à temps leurs tanières.
Et c'est au milieu de la nuit du vendredi au samedi que tout a commencé.
Les bourreaux allemands sont descendus dans le ghetto, frappant à la porte d'entrée de tel ou tel bloc d'immeubles (et lorsque le concierge – un Juif s'entend – n'ouvrait pas immédiatement la porte, il était abattu sur place).
Les bourreaux se sont précipités dans les logements juifs dont ils ont
extrait de force une cinquantaine de personnes, hommes et femmes. Ils
leur ont intimé ensuite l'ordre de descendre dans la rue, de faire quelques
pas et puis, tirant aussi bien par devant que par derrière, ils les ont abattus
d'une balle dans la tête. Comme des chiens. Il n'y avait guère de rue où
ne gisaient des victimes, étendues sur le pavé, couchées à terre comme des
chiens crevés.
Cinquante-quatre cadavres abandonnés, allongés dans le caniveau1.
Cinquante-quatre cérémonies d'obsèques se sont déroulées le lendemain
matin après qu'on eût traîné les cadavres en catimini jusqu'au cimetière
de Gensia2 qui se trouve à l'extérieur du ghetto et dont nul ne peut s'approcher
sans une autorisation spéciale.
C'est à partir de ce vendredi soir-là que l'on a commencé à assassiner
la population juive en pleine nuit.
Pas une nuit ne s'écoulait sans qu'une dizaine de personnes n'y perdissent
la vie. Les victimes appartenaient à toutes les classes sociales et à
toutes les professions.
Ils tiraient de l'autre côté du mur, ces chiens d'Hitlériens. Au milieu de
la rue et en visant la tête. Abandonnaient leurs victimes à côté d'une porte
cochère ou dans le caniveau pour disparaître aussitôt. Et les entreprises
juives de pompes funèbres – qui proliféraient comme des champignons
après la pluie – d'évacuer ensuite les victimes. Et les concierges juifs de
nettoyer les trottoirs inondés de sang.

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Posté par: ubik83 (IP Loggée)
Date: 24 avril, 2016 15:05

Oui, je suis tombé sur ce texte, bien que n'ayant pas encore eu le temps de l'éplucher.
Des raisons particulières, pour ce massacre, ou bien les sbires du SD s'en sont pris à des inconnus ?
Je continue de chercher. Je vais lire le texte de ce monsieur, qui va sûrement m'apprendre plein de choses sur le ghetto et sa vie quotidienne.

Merci beaucoup !

A suivre...

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Posté par: Zefir (IP Loggée)
Date: 24 avril, 2016 16:05

Ils semblent avoir tué au hasard, mais l'intention de créer la panique pour désagréger moralement cette population déjà durement éprouvée est bien dans les méthodes de ces assassins.

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Posté par: ubik83 (IP Loggée)
Date: 24 avril, 2016 18:20

hello,

Cela ne m'étonnerait pas. Mais comme je l'ai dit en introduisant ce sujet, il y aurait eu une histoire d'argent.
Cela dit, je suis prêt à parier que les sbires du SD, de la SS ou autres, ne cherchaient pas trop à comprendre quand on leur disait d'aller massacrer du monde.
Apparemment, cela se produisit de nuit. Soit. J'imagine que je n'aurai aucun mal à construire une telle scène. Me manquent les noms de rues, si quelqu'un sait... Sinon tant pis, j'improviserai.
N'importe comment, n'ayant aucun document décrivant les faits de façon vraiment détaillée, je serai bien obligé de me débrouiller ! Tant que j'en ai le courage...

Merci. On suit l'affaire, si ça bouge. Au plaisir...

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Posté par: Zefir (IP Loggée)
Date: 24 avril, 2016 18:49

N'oublions pas que les Allemands avaient une peur bleue du typhus qui sévissait dans le Ghetto et préféraient y envoyer leurs supplétifs qui commettaient toutes sortes d'exactions, y compris des jeux macabres aux dépens de gens affaiblis et désarmés.
On pourrait dire que leurs incursions étaient assez espacées.

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Posté par: Zefir (IP Loggée)
Date: 24 avril, 2016 19:12

Parmi les victimes du "vendredi noir" :

Jerzy Neuding, avocat et militant du Bund avec d'autres compagnons.
Antoni Oppenheim, arrêté puis assassiné le 17 avril.

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Posté par: ubik83 (IP Loggée)
Date: 24 avril, 2016 20:15

Ah, ok, super. Comment, par quel biais, cette information, si ça n'est pas indiscret ?
Effectivement, j'avais entendu dire qu'il y avait pas mal de gens dans les victimes, venant des milieux syndicalistes ou militants.

Que mes personnages participent ou pas, il faudra bien que mon narrateur en dise quelques mots.

A suivre... merci.

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Posté par: Zefir (IP Loggée)
Date: 24 avril, 2016 20:52

Stratégie commune aux nazis et autres communistes : élimination préventive de tous ceux qui détiennent de par leur position sociale ou autre une bribe d'autorité.
Ensuite, on s'occupe des désorganisés.
J'ai trouvé ces éléments sur un site polonais.

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Posté par: ubik83 (IP Loggée)
Date: 24 avril, 2016 22:19

Ah, ok. Voilà ce qui me manque : je suis incapable de lire ou comprendre le Polonais. Ni l'Allemand non plus. Avec le roman auquel je me suis attaqué, ça frise le handicap...
Mais bon, ai-je le choix ? Un roman, quand on le commence, il faut le terminer, sinon, on ne peut plus jamais se regarder en face.

Merci de l'info. Je vais voir si je peux traiter ça de façon convenable. En cas, je posterai un extrait, enfin, si ce qui en résulte ne fait pas seulement dix lignes.

On continue...

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Posté par: ubik83 (IP Loggée)
Date: 06 mai, 2016 04:18

Bonjour,

Pour me tirer d'embarras, j'ai pris le parti de faire en sorte que mon personnage ignore totalement pourquoi ce massacre. N'importe comment, il est tellement habitué à tuer des gens sans se poser de questions... En plus, il consomme constamment de l'alcool pour tenir le coup, et de la Pervitine - métamphétamine inventée par les laboratoires Temmler et utilisée largement dans l'aviation et les blindés - que ses réactions sont toutes faussées.
Comme je le disais, je ne peux pas, de toutes façons, traiter dans le détail tout ce qui se produit à cette période, sinon mon roman paraîtrait en 12 tomes ! J'en suis déjà à 400 pages format A4, interligne 1, ce qui laisse présager un gros pavé une fois au format de poche...
Je joins donc à mon message l'extrait en question... Tant qu'à faire... Ainsi vous aurez une idée de l'ambiance - lugubre - de ce roman et de l'épreuve que c'est pour moi de l'écrire. Cela dit, depuis peu je retrouve la motivation, et la confiance en moi. Je pense que d'ici cet été, ou septembre au maximum, je devrais l'avoir terminé, sauf éventuelle replongée dans l'apathie et la dépression.
Voici le texte :

Avril. Le printemps débutait. Sur les avenues, les arbres qui n'avaient pas trop souffert des bombardements se mettaient à bourgeonner. La vie se maintenait, malgré tout.
Les journées de travail étaient épuisantes. Je tenais grâce à mon mélange, alcool et pervitine.
Un soir, alors que j'étais fin saoul, un remue-ménage me tira de mes rêveries embrumées. J'entendais piétiner dans les couloirs. Des ordres, des cris. Je me levai pour aller voir. Je croisai Franz, qui me lança :
- Opération de nuit, mon joli ! Tu es prêt ?
- Comme toujours.
J'avais répondu mécaniquement, mû par un réflexe d'obéissance, profondément ancré. Mais en réalité, je n'avais qu'une envie : m'effondrer à nouveau, sombrer, dormir. Les cachets blancs ne pouvaient faire des miracles. Le produit dopait l'organisme mais à un moment donné, il fallait bien rattraper le déficit. Souvent, en pleine journée, j'avais des absences, ou même, brusquement, je perdais connaissance. Depuis que je m'en étais rendu compte, j'évitais de conduire. Quand on partait pour une Aktion, je m'installais à l'arrière et confiais cette tâche aux hommes de troupe.
C'est ainsi que, ballotté, somnolent, je me laissai emporter vers le ghetto.

Nous étions une bonne douzaine, plus huit ou dix feldgendarmes. On roulait lentement, les réverbères décalquaient nos ombres noires et menaçantes, démultipliées, sur les murs de briques.
Sitôt les portes franchies, mes collègues sortirent leurs armes. Malgré le couvre-feu, des Juifs se trouvaient encore dans les rues. Avec précision, mes hommes les abattaient. Les rares passants fuyaient. Par deux fois, on roula sur des corps. Mes collègues s'amusaient à des concours de tirs. Comme dans un rêve, je les entendais dire : « Regarde, le petit vieux, au fond : je te parie que je le descends avant toi » !
Pour ma part, je me bornai à observer leurs jeux, oscillant entre dégoût et indifférence, au gré de je ne sais quelles fluctuations d'humeur.

Puis, le convoi ralentit. Les portières claquèrent. Je me levai, titubant, courbaturé. Nous étions face à un immeuble de six étages. Les feldgendarmes se déployaient, encerclant la bâtisse. J'allumai une cigarette et demandai à mon ami :
- Qu'est-ce qu'on fiche là ?
- On vient casser du Juif.
- Oui mais pour quelle raison ?
Il haussa les épaules :
- Est-ce que je sais ! Peut-être qu'un gradé est au courant, mais moi... Et puis je m'en fous !
On ouvrit à grand fracas. Un escalier en bois gémit sous nos bottes. La troupe se lançait à l'assaut des marches, frappait les portes en hurlant, sortait les gens par la peau du cou. L'affaire fut rondement menée. En quelques minutes, tout le monde était dehors, aligné contre la façade. Il y avait là une soixantaine de personnes, environ. Je remarquai en passant une vieille femme, en robe de chambre et pantoufles. Elle avait des jambes maigres et pâles, osseuses. J'enregistrai ces détails confusément, mais déjà l'unité se reculait, les mettant en joue. Je fis de même. Les déflagrations trouèrent la nuit épaisse. Elles lançaient des lueurs fugaces qui dessinaient sur le ciment la silhouette des Juifs train de s'effondrer. L'odeur de poudre m'entourait, encore et toujours, omniprésente.
C'était fini. Au pied du mur, ceux qui, un instant auparavant, inspiraient leur dernière goulée d'air, étaient maintenant en tas, les uns sur les autres, baignés de sang. Pourquoi eux, ce soir-là ? A cet instant, je pris conscience que je n'avais tenu aucun compte de mes victimes. A combien en étais-je ? J'eus beau fouiller ma mémoire vacillante, je ne parvins qu'à une estimation bien vague. J'avais certainement tué plus de mille personnes. A mon avis, mon score se situait entre cinq mille et dix mille. Environ.

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Posté par: Mik (IP Loggée)
Date: 06 mai, 2016 21:01

Astucieuse façon de botter en touche : tu ne connais pas les raisons du massacre ? Tes héros non plus, et de plus ils s'en foutent.

Mik

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Posté par: jan marek (IP Loggée)
Date: 06 mai, 2016 22:32



Source :
[books.google.fr]

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Posté par: Vendôme (IP Loggée)
Date: 06 mai, 2016 22:36

Juste une parenthèse concernant la Pervitine mentionnée par ubik83 dans son extrait ci-dessus, et dont l'usage massif a été utilisé pour la première fois lors de l'invasion de la Pologne.

RMC Découverte a diffusé il y quelques mois un sacré documentaire sur cette méthamphétamine ultra-puissante, dont se bourraient les Allemands (au point d'en devenir dépendants).
On comprend mieux une des raisons longtemps occultées des avances foudroyantes de la Wehrmacht...

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Posté par: jan marek (IP Loggée)
Date: 06 mai, 2016 22:41

Confirmation :
Cette presse (clandestine) a même réussi à survivre à la « nuit sanglante » du 17 au 18 avril 1942 qui a fait énormément de victimes dans le milieu des publications clandestine que les nazis ont tenté d'éradiquer.
[actadiurna.over-blog.com]