Un poème de Zbigniew Herbert (1924-1998)

Démarré par Archives, 27 Novembre 2023 à 13:26:29

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Posté par: J 23 (IP Loggée)
Date: 22 mars, 2023 19:45

Zbigniew Herbert (1924-1998) est considéré comme le plus grand poète polonais du siècle dernier. Il naît à Lwow (Lviv) aujourd'hui Ukraine. Son poème qui suit est traduit, comme la plupart de son œuvre, dans plusieurs langues. « Le Message de Monsieur Cogito » c'est un des poèmes majeurs du poète. C'est un message aux hommes libres, c'est également un avertissement aux oppresseurs et dictateurs. L'homme libre on ne peut pas le briser. On ne peut l'emprisonner, torturer où tuer.
Il me semble utile de rappeler ce texte pendant ces jours incertains. Traduction Piotrek Packowski

Le dernier message de Monsieur Cogito

Va où sont allés les autres jusqu'aux confins de l'obscurité
vers la toison d'or du néant ta dernière récompense
redresse toi et va parmi les agenouillés
parmi ceux qui ont le dos tourné et ceux réduits en poussière
tu n'a pas été sauvé pour vivre
il te reste peu de temps il faut témoigner
sois courageux quand la raison défaille sois courageux
finalement c'est tout qui comptera
et que ta Colère impuissante soit comme la mer
à chaque fois que tu entendras les humiliés et les battus
Que ta sœur Mépris ne t'abandonne pas
face aux espions des bourreaux et des lâches - ils gagneront
iront à tes funérailles et te jetteront avec soulagement une poignée de terre
et le scolyte-typographe écrira ta biographie bien arrangé
et ne pardonne pas, en vérité , il ne t'appartient pas
de pardonner au nom de ceux qui furent trahis à l'aube
toutefois méfie-toi de l'orgueil inutile,
regarde ton visage de clown dans la glace
répète:j'ai été appelé – il n'y avait pas les meilleurs que moi ?
méfie-toi de l'aridité du cœur aime la source matinale
l'oiseau au nom inconnu, le chêne d' hiver
la lumière sur le mur la splendeur du ciel
ils n'ont pas besoin de ton souffle chaud
ils sont là pour te dire : personne te consolera
sois vigilant - et quand la lumière sur les montagnes te donnera le signe
lève-toi et va
tant que le sang fait tourner dans la poitrine ta sombre étoile
redis tous les sortilèges anciens de l'humanité
les légendes les contes
tu conquerras ainsi le bien que tu ne conquerras pas
répète les grands mots répète-les obstinément
comme ceux qui traversèrent le désert et périrent dans le sable
ils te récompenseront pour cela avec ce qu'ils ont à portée de main
avec un fouet de rire ou avec un meurtre dans un dépotoir
va car ainsi que tu seras admis
dans le cercle des crânes froids
dans la maison de tes ancêtres : Gilgamesh, Hector, Roland,
défenseurs du royaume sans fin et de la cité des
cendres
Sois fidèle Va

Traduction du polonais, revue devant la tombe du poète le 23 avril 2022
au Cimetière de Vieux Powazki à Varsovie, par Piotr Packowski

Genpolerika

"sois courageux quand la raison défaille sois courageux
finalement c'est tout qui comptera"


Merci pour le poème. Heureusement que le beauté existe
Genpolerika

En étudiant la Pologne et en cherchant la signification du prénom Zbigniew (trouvé dans un acte de famille) j'ai rencontré par ricochet le nom de ce poète Zbigniew HERBERT  (1924-1998) . Penseur humaniste et Poète Polonais de la liberté.  Il m'a bien plu.

Pour les miens j'ai choisi cet extrait de lui  (pas trop long, car mes petits enfants ont vite l'esprit vagabond ) : 

Poème extrait du recueil : Corde de lumière  de Zbigniew HERBERT. (Cf. site internet babelio.com)

« Les élus des étoiles

« Ce n'est pas un ange / c'est un poète il n'a pas d'ailes / seulement la paume droite emplumée / 
il bat l'air de cette paume / s'envole à trois pouces /et retombe de suite quand il est tout en bas / il donne un coup de pied / reste suspendu en l'air un instant /agitant sa paume emplumée /
ah s'il arrivait à s'arracher à l'attraction de la glaise / il pourrait habiter le nid des étoiles /
il pourrait sauter de rayon en rayon  / il pourrait - mais les étoiles / à la seule pensée  / d'être sa terre / tombent effrayées

le poète se couvre les yeux /d'une paume emplumée / il ne rêve plus de vol / mais d'une chute /
qui dessine comme l'éclair / le profil de l'éternité »

(...)