Histoire de la rébellion anti-communiste

Démarré par Archives, 15 Novembre 2023 à 11:43:40

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 17 janvier, 2007 21:52



Histoire de la rébellion anti-communiste dans la Pologne d'après la 2de Guerre Mondiale (1944-1956) - article paru en 2000.

de Rafal Wnuk, historien, membre de l'Institut de la Mémoire Nationale (IPN)


Les recherches sur la rébellion anti-communiste n'en sont qu'à leurs débuts en Pologne pour plusieurs raisons. Premièrement, pendant plus de 50 ans, les historiens n'ont pas eu accès aux documents concernant ce combat. Ceci s'applique aussi bien aux documents émanant de la police politique qu'à ceux provenant de la clandestinité polonaise et conservés dans les archives de cette même police. Deuxièmement, des anciens membres des organisations anti-communistes font de leur mieux pour cacher leur passé. Ceux, qui ont été étiquetés d' « ennemis publics » ainsi que leur famille, ont été privés de toute chance de bénéficier d'une éducation convenable ou d'un bon travail. Ce n'est pas étonnant qu'il soit presque impossible de les interroger. La troisième raison, et peut-être la plus importante, est purement idéologique. D'après l'historiographie officielle de la République populaire de Pologne, le gouvernement communiste était accueilli avec enthousiasme par une grande majorité des citoyens et les quelques groupes qui s'y opposaient n'étaient composés que de quelques bourgeois et de fascistes fanatiques. Ils ne représentaient qu'une faible fraction de la population polonaise. Dans ces conditions, on ne pouvait entamer aucune recherche sur la rébellion anti-communiste puisqu'il était dit qu'un tel phénomène était inexistant. Le travail des historiens indépendant (par indépendant, je retiens ceux qui n'étaient pas membre du Parti communiste polonais) était considéré comme subversif et opposé à l'Etat polonais.

Même aujourd'hui, après 50 ans, la rébellion polonaise anti-communiste est encore un sujet de controverses. Des organisations qui ont des racines anti-communistes perçoivent les anciens activistes comme des héros de guerre qui ont combattus l'occupation soviétique. Pour les membres du SLD post-communiste (Sochaldemokracja Rzeczposopolitej Polski – Social-Démocrate de la République Polonaise), ces hommes ne furent, jusqu'à très récemment, rien moins que des bandits. Depuis, le SLD a commencé à décrire la situation de la Pologne d'après guerre comme un état de guerre civile dans laquelle les deux parties défendaient leurs droits sans aucune aide de l'extérieur.

Jetons alors un œil sur quelques faits. Dans la seconde moitié de 1944, la situation en Pologne était assez compliquée. L'offensive de juillet 1944 avait permis à l'Armée Rouge d'atteindre la Vistule. Le but politique de l'insurrection qui éclata à Varsovie en août 44 était de démontrer que le gouvernement de Londres de la 2e Res Publica de Pologne était la seule autorité légale. Staline revendiqua son droit d'intervenir dans les affaires polonaises et retint son armée, permettant ainsi aux Allemands de réprimer le soulèvement. Il arrêta l'offensive à la limite de la ville et laissa les nazis écraser l'insurrection de Varsovie.
Au cours du second semestre 1944, la Pologne se trouvait dans une situation dramatique. La zone frontalière orientale, y compris les villes de Vilnius et de
Lwów, avait été incorporée à l'Union Soviétique. Le territoire situé entre la Vistule et le Bug (nommé Polska Lubelska – « Pologne de Lublin ») était gouverné par le PKWN (Polski Komitet Wyzwolenia Narodowego – « Comité Polonais de Libération Nationale ») qui était une sorte de gouvernement provisoire communiste ayant son siège à Lublin. Les terres situées à l'ouest de la Vistule étaient encore sous occupation allemande.

Ce fut dans ces conditions que la rébellion anti-communiste commença à prendre forme. Plus de deux millions de soldats de l'Armée Rouge se trouvaient à cette époque dans la Pologne de Lublin. Ceux-ci étaient même, semble-t-il, plus nombreux que la population masculine de 17 à 50 ans de ce territoire. Le NKVD (Commissariat National de l'Intérieur) et la police secrète polonaise terrorisaient les citoyens. Jusqu'à la fin 1944, environ 20.000 soldats de l'Armée polonaise de l'Intérieur (AK) furent envoyés dans des camps en URSS et des dizaines de milliers d'autres emprisonnés en Pologne. La répression fit prendre conscience à tout le monde de la nature du nouveau gouvernement communiste et les combattants de l'AK commencèrent à considérer l'Armée Rouge comme de nouveaux occupants. Ce qui avait été une Résistance anti-allemande auparavant devenait maintenant une Résistance anti-communiste.

La situation dans les territoires incorporés à l'URSS ressemblait à celle de la Pologne de Lublin. La différence était que, parce qu'ils appartenaient dorénavant à l'Union Soviétique, la plus importante tâche à mettre en œuvre était de prouver qu'ils étaient ethniquement polonais. Les troupes de la rébellion essayèrent d'empêcher la mise en place de l'administration soviétique dans ces territoires et distribuèrent des journaux clandestins. En octobre 1944, le PKWN et le gouvernement de l'URSS signèrent un accord sur le transfert des Polonais habitant les territoires soviétiques vers la Pologne des nouvelles frontières. A la suite de quoi, un an plus tard, la population polonaise entière (environ deux millions de personnes) fut expulsée d'Union Soviétique et la rébellion, à peine née, mourut de mort naturelle.

Les territoires occidentaux étaient encore sous occupation allemande. Coupés de toutes nouvelles en provenance de l'Est, les habitants attendaient l'Armée Rouge avec un mélange d'espoir et d'appréhension.

L'offensive soviétique repris en janvier 1945 et les Allemands furent finalement rejetés hors de Pologne. La situation pour le Quartier Général de l'Armée de l'Intérieur et pour le gouvernement polonais de Londres devint difficile. Les Polonais étaient alliés aux USA, à la Grande-Bretagne et à l'URSS. Conserver une armée clandestine dans les territoires occupés par l'Armée Rouge serait
considéré comme une attitude pro-Allemande et pro-fasciste par Staline. C'est pourquoi, en février 1945, le gouvernement polonais de Londres décida de dissoudre l'Armée de l'Intérieur. L'ordre d'exécution fut donné par le commandant en chef, Général Leopold Okulicki. Dans les dernières lignes de son ordre, on peut lire :
« La Pologne « à la sauce » russe n'est pas la Pologne pour laquelle nous avons combattu les Allemands pendant les six dernières années. Ce n'est pas la Pologne pour laquelle une mer de sang polonais a été versée et pour laquelle des millions de Polonais ont souffert et le pays a été dévasté. Nous ne voulons pas être entraînés dans une lutte contre les Soviets, mais nous n'accepterons jamais de vivre dans un pays qui ne soit pas un Etat polonais indépendant et souverain. La victoire soviétique ne met pas fin à la guerre. Nous ne devons pas perdre notre conviction d'après laquelle cette guerre ne peut se terminer que par le triomphe de notre cause, le triomphe du bien sur le mal, le triomphe de l'indépendance sur la servitude. Soldats de l'Armée de l'Intérieur, je vous donne mon dernier ordre. Travaillez et agissez en ayant à l'esprit l'indépendance de l'Etat polonais et l'intérêt des citoyens polonais. »

Il est assez clair que cet ordre de dissolution pouvait facilement être interprété comme un appel pour une lutte future, en particulier lorsqu'une Délégation secrète des Forces Armées fut fondée à la place de l'Armée de l'Intérieur.

La DSZ (Delegatura Sil Zbrojnych - « Délégation des Forces Armées ») fut créée dans le but d'aider les anciens de l'AK dans leur nouvelle vie civile. Pourtant, divers évènements dans le pays firent que la DSZ repris la plupart des objectifs et des actions de l'Armée de l'Intérieur dissoute.

Dans la Pologne de Lublin, les soldats de l'AK considérèrent l'ordre de dissolution de leur organisation comme un geste purement tactique, et l'Armée de l'Intérieur continua d'exister clandestinement. Qui plus est, lorsque l'Armée Rouge repris sa marche vers l'Ouest, l'AK recommença immédiatement ses actions dans ces territoires. Le niveau d'activité des groupes de partisans y était aussi « vigoureux » qu'à l'époque de l'occupation allemande. En seulement trois mois – de mars à mai 1945 – les troupes de la clandestinité avaient pratiquement liquidé tous les organes du gouvernement communiste dans les petites villes et dans les villages. Le pouvoir réel des communistes ne s'exerçait plus que dans les villes les plus importantes.

La situation dans les territoires occidentaux, ceux que l'Armée Rouge avait « libéré » en 1945, semblait différente. Là, le communisme n'avaient pas encore montré son vrai visage, et dès lors, la dissolution de l'AK avait été mise à exécution dans la majorité des régions. Cependant, les persécutions que les communistes firent subir aux anciens soldats conduisit bientôt à la renaissance
de groupes de résistance. Beaucoup de ceux-ci étaient complètement nouveaux, et seulement quelques uns reconnurent l'autorité de la DSZ. Parmi les nombreuses organisations qui étaient indépendantes de la DSZ, quelques unes méritent d'être examinées d'un peu plus près. Au printemps 1945, le KWP (Konspiracyjne Wojsko Polskie – « Armée Polonaise Clandestine ») fut fondé dans le centre et l'ouest de la Pologne, dans les régions actuelles de Poznan, Lódz et Katowice. Ses forces rassemblaient environ 5.000 combattants. Cette organisation était très active dans le domaine de la propagande et apportait son soutien à l'opposition légale anti-communiste. Le KWP reconnaissait l'autorité du gouvernement de Londres. En mai 1945, fut fondé « Warta » (Wielkopolska Samodzielna Grupa Operacyjna – « Groupe des Volontaires Indépendants de Wielkopolska »). Cette organisation comptait environ 7.000 membres et avait des buts similaires au KWP.

Une des structures les plus intéressante fut celle de « Ogien » (Feu) dirigée par Józef Kuras. Pendant l'occupation allemande, J. Kuras était le commandant d'un groupe de Résistants opérant dans les Gorce (une chaîne de montagne des Carptates). Lorsque l'Armée Rouge occupa la région, il s'offrit volontairement pour coopérer et fut désigné Commandant de la Police Secrète (Ucool smiley de Kraków. Au bout de trois semaines, il arriva à la conclusion qu'il avait fait une erreur et que l'Armée Rouge n'avait pas apporté la liberté mais seulement une nouvelle forme d'occupation. Il retourna dans les forêts et, avec ses anciens compagnons, commença à combattre les nouvelles forces occupantes. Ses troupes s'accrurent rapidement et en 1946, elles comptaient 700 combattants. C'était un groupe particulièrement efficace qui élimina pratiquement l'administration soviétique de la partie sud de la région de Kraków. Kuras et ses partisans contrôlaient des villes, des villages et des routes.

Il est difficile de parler de clandestinité dans le cas d'Ogien. Les troupes de Kuras ne se donnaient pas la peine de se cacher et pouvaient compter sur un fort soutien de la population locale qui, de son côté, avaient un sens aigu de la tradition et des liens familiaux. Il semble que Ogien était, pour les montagnards, une manière de Robin des Bois du vingtième siècle.
Ogien resta en contact avec le gouvernement de Londres et les forces rebelles nationales, mais, dans les faits, il ne reconnu jamais leur autorité.

Le Cercle (groupe) Extraterritorial de l'Armée de l'Intérieur de Vilnius avait des caractéristiques assez différentes. Il consistait en soldats de l'AK provenant de la région de Vilnius et qui avaient décidé de reformer leur organisation dans les régions de Gdansk et de Silésie. Le Cercle fonctionnait comme un réseau de renseignement et envoyait des informations à Londres. Son effectif atteignait les mille membres. A côté de ces organisations relativement importantes, il y en avait beaucoup d'autres plus petites (comptant de quelques uns à une centaine de membres) qui opérèrent partout ailleurs en Pologne.

Une des conséquences de la Seconde Guerre fut le glissement des frontières polonaises vers l'ouest. Deux rivières, l'Odra et la Nysa (Oder et Neisse) dessinaient la nouvelle frontière occidentale. Plus du tiers de la Pologne d'après guerre avait auparavant appartenu à l'Allemagne. Après la guerre, les Allemands furent expulsés et des Polonais furent installés dans ces territoires. Aucun lien social n'existait dans ces nouvelles terres polonaises, dès lors, il n'y avait aucune base pour y organiser une résistance.

Comme nous pouvons le voir, on peut aisément distinguer trois zones très différentes dans la Pologne d'après guerre. Dans la Pologne orientale, on trouvait des structures clandestines très fortes et homogènes héritées de l'occupation allemande. En Pologne centrale, la rébellion anti-communiste s'est reconstruite spontanément. Cette rébellion s'appuyait principalement sur les anciennes structures de l'AK, mais les groupements créés de cette manière travaillaient indépendamment les uns des autres et n'avaient aucun lien avec le commandement central de l'Armée de l'Intérieur. Dans la partie occidentale de la Pologne, la rébellion anti-communiste y était la plus faible et fonctionnait plutôt comme un réseau de renseignement qu'une organisation de masse. Entre mars et mai 1945, les organisations clandestines se renforcèrent progressivement et égalèrent probablement le niveau atteint par l'ancienne rébellion anti-allemande. Suivant les estimations de la Police Secrète, il y avait à cette époque environ 300 groupes de partisans sur le territoire polonais qui rassemblaient plus de 30.000 membres. Ceux-ci continuèrent à se développer, malgré la capture et l'emprisonnement des chefs de la rébellion à l'occasion de négociations pour lesquelles ils avaient été invités par les autorités soviétiques. On leur fit un procès au terme duquel ils furent condamnés pour fait de collaboration avec les forces d'occupation allemandes.

La Pologne attendait le déclenchement de la Troisième Guerre Mondiale qui, pour beaucoup de Polonais, paraissait inévitable et seulement une affaire de temps. Cette nouvelle guerre devait éclater après la défaite finale de l'Allemagne. D'après les idées en cours, l'objectif de Staline était de se battre pour le contrôle de l'Europe entière, ce qui serait inacceptable à la fois pour la Grande-Bretagne et les USA.

Toutefois, début juin 1945, il apparut que le nouveau conflit était moins probable qu'il avait semblé. Les USA et la Grande-Bretagne essayaient de se libérer de toutes obligations envers un allié aussi incommode que le gouvernement polonais de Londres. Sur la pression des Puissances Alliées, le Premier Ministre polonais S. Mikolajczyk quitta Londres et rejoignit le gouvernement communiste en Pologne. Un nouveau gouvernement, le RJN, fut formé. Dans celui-ci, 80% des portefeuilles étaient attribués aux communistes dont les postes clés de ministres de la Défense, de l'Intérieur, des Affaires Etrangères et de l'Economie. Vingt pourcent des sièges étaient cédés aux candidats de Mikolajczyk. Le nouveau gouvernement fut immédiatement reconnu par l'Occident et l'URSS. Il s'avéra que c'était un terrain d'entente pour les trois superpuissances, même s'il requérait un petit sacrifice sous la forme de la perte de la souveraineté de l'Europe centrale. Les espoirs polonais de reconquérir l'indépendance à la suite d'un nouveau conflit étaient réduits à néant.

Les chefs de la rébellion n'eurent qu'à rester optimiste malgré tout et chercher de nouvelles méthodes pour combattre efficacement le régime soviétique. En septembre 1945, la DSZ connut certaines transformations et une nouvelle organisation vit le jour : l'Association de la Liberté et de l'Indépendance (Wolnosc i Niezawislosc ou WiN). Ses fondateurs décidèrent qu'il n'y avait plus de place pour une véritable structure militaire et que l'AK devait être remplacée par une organisation politique. WiN travaillait indépendamment des décisions du gouvernement de Londres puisque ce gouvernement n'était plus reconnu internationalement. Comme il n'y avait aucune chance de modifier l'accord sur les frontières polonaises d'après guerre, le principal objectif de WiN était de s'assurer que les promesses faites à Yalta par Churchill, Roosevelt et Staline seraient respectées. A Yalta, les Trois Grands s'étaient mis d'accord pour que le système politique de la Pologne soit décidé par une Assemblée élue librement lors d'élections générales. Le but principal du WiN était de s'assurer que les élections générales seraient véritablement libres et donc que les candidats anti-communistes avaient une chance réelle de siéger dans l'Assemblée. Comme, à cette époque, le seul parti d'opposition était le PSL (Polskie Stronnictwo Ludowe – « Parti des Paysans Polonais ») créé par S. Mikolajczyk, Win donna son entier soutien à celui-ci, ainsi que les autres organisations anti-communistes d'alors.

Afin de s'adapter à la situation, les chefs de WiN essayèrent de transformer l'organisation militaire en une civile mais obtinrent un succès mitigé. Dans beaucoup de régions, particulièrement dans les zones montagneuses couvertes de forêt de l'Est de la Pologne, la rébellion conservait un caractère militaire. Début 1946, il y avait encore de 3 à 5.000 soldats clandestins bien que les chefs aient tenté de supprimer les groupes de partisans.

Hormis les organisations rebelles qui naquirent après la dissolution de l'Armée de l'Intérieur, il y avait deux autres forces nationalistes clandestines. C'était le NSZ (Narodowe Sily Zbrojne – « Forces Armées Nationales » et le NZW (Narodowy Zwiazek Wojskowy – « Groupement de l'Armée Nationale »). Le
NZW était le bras armé du Parti National (Stronnictwo Narodowe) ou SN, un parti politique clandestin. En juillet 1945, leurs dirigeants tentèrent de légaliser leur organisation. Les chefs du SN envoyèrent un mémorandum au Président Bierut dans lequel ils exprimaient leurs vues sur la nécessité de fonder un parti qui pourrait représenter l'opposition traditionnelle de droite. En réponse, les autorités communistes firent arrêter les signataires. Les activistes du Parti National restèrent dans la clandestinité et radicalisèrent leurs actions. Le SN, de même que le NZW, n'acceptaient pas les nouvelles frontières et, pour cette raison, accusaient Mikolajczyk de trahison. Ils reconnaissaient le gouvernement de Londres et gardaient le contact grâce à un réseau d'agents de liaison. Les structures les plus fortes du SN opéraient dans les régions sud et nord-est de la Pologne. L'autre organisation nationaliste, le NSZ, ne reconnaissait ni le gouvernement de Londres ni, a foritiori, le communiste. Les membres du NSZ étaient dirigés par leurs propres représentants en Europe occidentale qui étaient pour eux la seule autorité légale polonaise. Elle était l'organisation de droite la plus radicale et la plus anti-démocratique. Comme le NSW, les membres du NSZ croyaient que la seule manière de reconquérir la pleine souveraineté de la Pologne passait par un conflit militaire. Les deux groupements défendaient l'idée d'un Etat fort et centralisé et leurs pratiques étaient anti-communistes.
De plus, elles mettaient l'accent sur l'élimination des minorités ethniques. Des historiens estiment que les troupes du NSZ et du NZW ont tué un millier d'Ukrainiens environ, rien qu'au cours des années 1945 et 1946.
En dépit de leur force, l'influence des deux groupements était beaucoup plus faible que celle de la post-Armée de l'Intérieur.

L'activité des organisations anti-communistes fut telle qu'elle leur permit d'exercer un pouvoir considérable dans beaucoup de régions. Au cours du printemps et de l'été 1946, dans le sud et l'est de la Pologne, de nombreux postes de la Milice furent démantelé et des membres appartenant à la rébellion furent libérés à la suite d'attaques contre des prisons. Les Rebelles désiraient vivement supprimer les membres du Parti communiste et de la Police secrète. De telles actions furent possibles parce, au début, la nouvelle Armée polonaise créée par les communistes évitait tout conflit avec les forces rebelles. En fait, en 1945, presque aucune des opérations de l'Armée ne fut couronnée de succès. Beaucoup de membres de la Milice rechignaient également à combattre les « bandits ». Il n'y eut que la Police secrète, laquelle recrutait alors ses hommes parmi les communistes entraînés en URSS et commandés par des officiers du NKVD, qui montrait un zèle particulier dans l'élimination de la rébellion polonaise. Toutefois, comme l'effectif total des forces de la Police secrète ne dépassait pas 12.000 hommes, elle était incapable de contrôler la situation. La tâche de combattre la clandestinité et de construire le nouvel Etat reposait sur les épaules du NKVD. A cette époque, sur un total de 35 régiments du NKVD, 10 se trouvaient en Allemagne, 5 en Autriche, 5 en Hongrie, Bulgarie et Roumanie
et 15 en Pologne, qui, officiellement, était un allié de l'Union Soviétique. Si nous faisons un rapide calcul, il apparaît que 43% des forces du NKVD opérant hors des frontières de l'URSS stationnaient en Pologne !

Les résultats furent bientôt visibles. Quelques petites organisations post-AK et deux ou trois autres d'inspiration nationalistes furent liquidées en 1945-46. Un nombre important de personnes furent arrêtées et ceci affaibli également la rébellion. De 1945 à 1946, 80.000 rebelles furent jugés et 4.500 condamnés à mort. Trois milles sentences furent exécutées. La rébellion anti-communiste était toujours active et 3.000 à 5.000 soldats de la clandestinité restaient dans leurs abris forestiers. Comme le temps passait, le Police secrète voyait croître ses effectifs et était de plus en plus expérimentée. Entraînée et souvent conduite par des officiers du NKVD, elle devint un ennemi dangereux. Elle accroissait son réseau d'informateurs et organisait parfois de faux groupes de partisans afin de se faire eux-mêmes passer pour des rebelles. Toutes ces méthodes, y compris les interrogatoires sous la torture, commencèrent à atteindre les résultats attendus. La première grande organisation post-AK, à savoir « Warta », fut démantelée en novembre 1945.

Le tournant fut le référendum du 30 juin 1946.

Les autorités communistes firent leur possible pour retarder les élections générales afin de gagner du temps pour mieux les préparer. Elles organisèrent un référendum national pour répondre aux trois questions suivantes :
1 – Etes-vous pour un Parlement unicaméral ?
2 – Etes-vous pour la réforme de l'agriculture et la nationalisation de l'industrie ?
3 – Etes-vous pour les frontières sur l'Oder et la Neisse ?

Les communistes utilisèrent leur appareil de propagande pour faire approuver les trois propositions. L'opposition officielle (PSL) était contre la première question tandis que la rébellion anti-communiste, suivant les régions, était contre la première et la seconde, ou contre les trois. D'après les documents découverts par le Professeur A. Paczkowski, environ 58% des votants obéirent aux instructions de la rébellion, environ 15% suivirent l'opposition officielle et presque 28% appuyèrent les communistes. D'après le Professeur Paczkowski, le véritable résultat du référendum était d'autant moins favorable aux communistes qu'il avait été « corrigé » à plusieurs reprises par les comités électoraux.

Les résultats officiels étaient un succès éclatant pour les communistes. D'après ceux-ci, 67% des votants les avaient suivi et les démocraties occidentales qui étaient chargées de s'assurer de la validité du référendum n'émirent aucune objection contre cette falsification. Il devint aussi évident que les élections
générales seraient truquées tout aussi aisément. Le facteur principal qui avait soutenu la résistance, c'est-à-dire l'ESPOIR, était considérablement affaibli.

Dans les six mois suivant le référendum, les persécutions contre les membres de la rébellion s'intensifièrent. D'après des données officielles sur les combats contre la clandestinité, 250.000 membres de la Milice, de la Police secrète et soldats de l'Armée nationale furent chargés de lutter contre les organisations rebelles. Le KWP fut détruit au cours de l'automne et de l'hiver 1946. Les Forces Armées Nationales, NSZ, souffrirent de telles pertes que ses chefs décidèrent leur dissolution en décembre 1946. A la suite des nombreuses arrestations à la fin 1946, début 1947, WiN et NSZ perdirent leurs chefs. Le 22 février 1947, Ogien fut encerclé dans son bunker (ayant été trahi par un de ses hommes) et, n'ayant aucune chance de s'enfuir, préféra se suicider. Les « corps sans têtes » qu'étaient devenues les organisations de la rébellion essayèrent encore de se battre mais leurs actions avaient perdu de leur impact. La résistance commençait à s'effondrer. Pourtant, elle était encore assez vigoureuse pour que le Président Bierut obtienne de Staline l'arrêt du retrait des forces du NKVD en novembre 1946 car il craignait que les autorités communistes polonaises soient écrasées à la minute où ces troupes auraient quitté la Pologne. Staline décida d'offrir à Bierut une « assistance » à plus long terme.

Les élections parlementaires truquées eurent lieu en janvier 1947. Ce fut un autre grand succès pour les communistes qui obtinrent plus de 80% des voix. Il
n'y avait plus de justificatif pour conserver plus longtemps des structures clandestines alors qu'il n'y avait aucune chance de voir le déclenchement d'une troisième guerre mondiale ou qu'il y ait un jour des élections démocratiques. En février 1947, le Parlement communiste proclama une amnistie pour les membres de la Résistance. Trente mille personnes quittèrent la clandestinité. La rébellion nationaliste était brisée définitivement. La seule organisation qui parvint à reconstruire quelques unes de ses structures après l'annonce de l'amnistie fut le WiN. La dernière attaque en masse eut lieu à l'automne 1947. En octobre et novembre, les derniers dirigeants furent arrêtés et condamnés à mort. Les sentences furent exécutées immédiatement. Dès ce moment, il n'y eut plus de réseau centralisé de la clandestinité.

Suivant les données officielles, de 1944 à 1947, plus de 15.000 rebelles furent tués par les communistes, principalement par le NKVD, les membres du Parti et la Police secrète. Au cours de la même période, les pertes du côté des communistes furent comparables à celles de leurs victimes.

L'année 1947 vit la fin du plus important chapitre de l'histoire de la résistance armée anti-communiste. Ceci ne signifie pas que la Résistance elle-même avait cessé d'exister. Les chefs rebelles les plus actifs ainsi que leurs soldats, se doutaient qu'en quittant la clandestinité, ils s'exposaient à une arrestation rapide, à des procès et des condamnations à mort. L'alternative était de se cacher dans les forêts et d'attendre « que le vent tourne » ou espérer la clémence du nouveau gouvernement populaire. Beaucoup de soldats qui ne croyaient pas en celle-ci choisirent de se réserver pour la lutte à venir. Ils créèrent de petits groupes composés de quelques hommes et se cachèrent dans les bois en comptant seulement sur des gens de confiance pour se ravitailler. Ces groupes évitaient à tout prix les affrontements avec la nouvelle Armée polonaise ou la Police secrète. Parfois, ils assassinaient les membres de la Police ou les informateurs qui pouvaient être un danger pour eux. Comme on le devine, il s'agissait plus d'essayer de survivre que de combattre le communisme.

Il devint bientôt évident que ceux qui avaient pensé que le but réel de l'amnistie était de mettre à jour les structures de la clandestinité étaient dans le vrai. En 1948-1950, beaucoup d'activistes qui avaient quitté la clandestinité furent arrêtés. Voyant cela, leurs compagnons recommencèrent à se cacher. Ils rejoignirent parfois les groupes qui existaient encore dans les forêts du sud-est. A cette époque, il y en avait en Pologne une trentaine de troupes qui étaient très mobiles, bien cachées et donc difficiles à retrouver. Leus membres savaient que s'ils étaient pris vivant, ils seraient torturés et finalement condamnés à mort ; ainsi, le plus souvent, ils préféraient se suicider lorsqu'ils étaient encerclés. Le dernier de ces groupes dura jusqu'en 1954.

Il n'y avait pas que les partisans qui montraient une volonté de résistance. Au cours des années 1948-1955, environ trois cents petites organisations, Armée de l'Intérieur ou mouvements de scoutisme, virent le jour. Seules quelques unes étaient dirigées par d'anciens Résistants. La majorité d'entre elles se composait de lycéens. Leurs activités se limitaient à la publication et à la distribution de tracts ou, parfois, à rassembler des armes à feu. La plupart de ces groupes ne durèrent que quelques mois avant d'être démantelés.

Il y eut toutefois quelques exceptions. En 1949, fut créée une organisation nommée Kraj (l'Etat). Elle était conduite par un ancien officier de l'AK et du WiN, et avait des antennes dans quelques villes polonaises. Outre les activités de propagande, les adhérents étaient entraînés à la lutte armée : on leur enseignait le maniement de certaines armes et la manière de faire dérailler des trains. En 1951, des membres du Kraj assassinèrent un journaliste de la radio polonaise Jan Martyka. Celui-ci était l'auteur d'une série de programmes qui dépeignait les forces de la résistance anti-allemande de la seconde guerre mondiale, de même que les scouts et l'Eglise catholique, comme autant d'organisations fascistes et antidémocratiques. La mort de Martyka secoua les autorités communistes. Ce n'était plus un simple milicien ou policier du SB qui avait été tué, mais un homme lié aux plus hauts fonctionnaires du Parti, un membre de l'élite communiste. Après la mort de Martyka, Kraj décida de suspendre ses activités. Il semble que la Police secrète mis trois ans pour découvrir l'auteur de cet acte.

En parlant de la rébellion polonaise de la période 1948-1950, on ne peut oublier de mentionner le 'Commandement V du WiN'. En 1945-47, le WiN n'avait que quatre chefs. Comme il est dit plus haut, le dernier dirigeant de ce réseau fut arrêté en 1947. Très rapidement, la Police secrète commença à préparer une grande opération contre les membres de la rébellion. En 1947, la Police secrète parvint à recruter un des officiers du WiN qui secondaient les chefs de l'organisation. La Police secrète l'utilisa pour fonder une fausse organisation rebelle et ce fut de cette manière que le 'Commandement V du WiN' fut créé. Cette organisation attira de nombreux activistes anti-communistes. Elle tenta d'entrer en contact avec les groupes de partisans qui se cachaient dans les forêts afin de les mettre hors de combat. Elle créa un réseau régional pour recruter des gens qui voulaient continuer le combat pour l'indépendance. Elle entra également en contact avec les cercles anti-communistes de Londres et ses dirigeants signèrent même un accord de coopération avec la C.I.A. Sur les bases de cet accord, les Américains devaient financer la clandestinité polonaise en échange de rapports sur ses activités. Les agents de la Police secrète, de même que des membres des services secrets totalement ignorant de la provocation, étaient installés en Occident. Les agents faisaient suivre des rapports qui avaient été préparés par des spécialistes de la Police secrète. Les Américains organisèrent l'entraînement d'espions polonais en Allemagne occidentale, les équipèrent avec tous les « gadgets » mis au point par leurs soins, remplirent leurs poches de dollars dans le but de financer leurs activités et les renvoyèrent en Pologne. De cette façon, la Police secrète fut en mesure d'obtenir des informations inestimables sur les équipements hight-tech inventés par les Américains et sur les techniques d'entraînement utilisées à l'Ouest, sans parler des devises pour un montant considérable.

En décembre 1952, la Police secrète décida, pour des raisons inconnues, de mettre fin à l'opération. Les agents qui avaient pris part à celle-ci se dévoilèrent « volontairement » et firent une confession dans laquelle ils expliquaient leur décision. Dans la déclaration, publiée dans la presse de tout le pays, ces agents écrivaient qu'ils avaient réalisé la nature criminelle de leur activité. La Pologne communiste, écrivaient-ils, avait engrangé des réussites irréfutables, et l'Etat agissait dans l'intérêt vital du pays et de son peuple. Ils avaient compris leur erreur et espéraient la clémence du gouvernement du peuple, ils s'étaient rendus eux-mêmes aux autorités communistes. Le morceau suivant était que ceux qui avaient admis leur culpabilité espéraient ne pas être punis. Les résistants authentiques qui prirent part à cette opération furent condamnés à quelques années de prison. Dix d'entre eux furent condamnés à mort et exécutés. L'opération de la Police secrète se termina par une victoire du gouvernement polonais tandis que les responsables des services secrets américains étaient ridiculisés.

L'histoire de la résistance active, qui avait ses racines dans la clandestinité anti-allemande, pris fin en 1956. Les évènements de cette année - le rôle de Kruchtchev, la déstalinisation, les manifestations de Poznan, la sortie de prison de Gomulka et son arrivée au pouvoir – annonçaient une amnistie prochaine. Presque tous les membres de l'Armée de l'Intérieur et du WiN furent libérés.

Quel fut le destin de ces anciens rebelles ? La majorité d'entre eux n'avait jamais joué un rôle dans la vie publique, ce qui n'est pas surprenant si nous nous souvenons que la plupart étaient des agriculteurs sans instruction. Lorsqu'ils furent relâchés de leur prison, ils retournèrent à leur petite exploitation dans leurs villages. Mais qu'arriva-t-il aux officiers et dirigeants qui avaient souvent bénéficié d'une éducation supérieure ?

Les chefs rebelles restèrent en contact les uns avec les autres après leur libération et formèrent de petits cercles « hermétiques » se méfiant de ceux qui venaient de « l'extérieur ». A la fin des années soixante, des anciens chefs du WiN qui vivaient à Varsovie décidèrent de fonder une organisation de résistance estudiantine. Ils parvinrent à rassembler des groupes d'étudiants de Varsovie, Lódz et Lublin, et de cette manière fondèrent « Ruch » (Mouvement). Cette organisation publia le premier bulletin clandestin de l'après 1956. En 1970, des membres de Ruch tentèrent de faire sauter la statue de Lénine à Poronin. La même année, les chefs du groupe furent arrêtés et l'organisation cessa d'exister.

En juin 1976, des grèves ouvrières, qui éclatèrent dans plusieurs villes de Pologne, furent brutalement réprimées par la Milice. Afin de protéger les travailleurs contre les forces de police, deux organisations furent créées. Il y avait le Comité de gauche pour la Défense des Travailleurs (Komitet Obrony Robotników ou KOR) et le Mouvement de Défense des Droits de l'Homme et du Citoyen (Ruch Obrony Praw Czlowieka i Obywatela ou ROPCiO). Les anciens soldats de l'Armée de l'Intérieur et du WiN jouèrent un rôle important dans la seconde.

Plus tard, lors de la période de Solidarité et de la loi martiale, les anciens rebelles anti-communistes de 1944-47 agirent indépendamment. Ce fut seulement en 1989 que de nouvelles organisations de combat se dévoilèrent. Certaines étaient apolitiques d'après leurs statuts mais se retrouvèrent impliquées dans la vie politique. Il y avait aussi des organisations centristes et d'extrême droite.
La forte conviction que les anciens membres de l'UB devraient répondre de leurs crimes était ce qui maintenait l'union de ces organisations. Pour cette raison, lors des élections générales, les combattants votèrent pour les partis post-Solidarité.

Maintenant, nous sommes témoins d'un curieux phénomène. D'un côté la « légende dorée » de la rébellion anti-communiste est constamment décrite, de l'autre, elle est constamment mise de côté. Les organisations de droite insistent sur les éléments de l'histoire polonaise dans lesquels prévaut la résistance de la nation contre le communiste. Les partis post-communistes essayent de minimiser la signification de la résistance anti-communiste et soulignent l'absence d'alternative à cette époque. D'après la droite, le combat contre le communisme est la seule preuve de patriotisme. D'après la gauche, il montre seulement le manque de réalisme politique.

Comme nous pouvons voir, le problème de la rébellion anti-communiste n'est pas seulement une question historique, il joue encore un rôle important dans le débat politique contemporain.


Article original rédigé en 2000.

[www.iwm.at]

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Posté par: René (IP Loggée)
Date: 22 janvier, 2007 13:34

Passionant.

Concernant la dernière phrase :
"D'après la droite, le combat contre le communisme est la seule preuve de patriotisme. D'après la gauche, il montre seulement le manque de réalisme politique."

Après l'insurection ratée de 1863, vers la fin du 19ème siècle, sous la domination russe, le même clivage sépare les élites polonaises, ceux qui ne voint d'avenir que dans une vie normale dans la Russie tasriste et les autres aussi considéré comme romantique qui ne considère comme vrai que la lutte armée contre l'occupant.

Et sur un autre point qui rejoint aussi les problèmes de cadastres et de propriété. Les polonais qui arrivent sur les térritoires pris aux allemands à l'ouest de la Pologne ne possèdent aucun documents de possession de biens et sont entièrement à la merci de l'administration locale communiste.

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Posté par: comète (IP Loggée)
Date: 26 mars, 2008 23:30

Pour ma part, je connais deux personnes qui avaient dans les 20 ans en 1948 et qui ont émigré en France dans ces années-là par necessité de fuir pour raison d'appartenance au WIN.

Ensuite,l'article traduit par Paul m'explique la génèse de mouvements politiques clandestins qui sont apparus dans les années 1980 et dont Guetta, alors correspondant du Monde en Pologne, parlait dans ses articles. J'avoue qu'à l'époque j'avais du mal à comprendre d'où ils sortaient.
Du côté des paysans, la situation a été ambigüe et compliquée. Les anciens, qui n'ont pas voulu collaborer avec le communisme après 1947 et la fuite de Mikolajczyk, ont continué à se rencontrer et ont eu une structure semi-officielle dans le Klub Seniorow Stronnictwa Ludowego. Des membres d'une organisation paysanne pilsudskiste qui a fonctionné jusqu'en juillet 1945 y ont trouvé abri ensuite. Ainsi beaucoup de gens qui étaient des bannis des postes importants,sous le communisme, voire carrément emprisonnés après 1945, ont gardé un contact entre eux jusqu'en 1989 et impulsé ensuite des publications sur une branche du mouvement paysan dont l'histoire a été falsifiée sous le communisme.

Enfin cet article explique sans doute pourquoi Kaczynski a fait des choix drastiques dans les gens qu'il a reçus au palais présidentiel pour la commémoration des événements de mars 1968 (par exemple Michnik non-invité) ainsi que la teneur de ses discours où il soulignait que 1968 a définitivement banni de l'université des enseignants qui représentaient la continuation de l'enseignement humaniste traditionnel. Je ne sais pas à quel mouvement de l'AK a appartenu sa famille, mais il y a nul doute que les jumeaux incarnent une génération d'enfants de résistants nés après la guerre dans des familles conscientes de leurs traditions. D'après ce que je sais, Kaczynski a beaucoup plus de respect personnel pour le KOR né en 1976.

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 27 mars, 2008 15:43

Bonjour Comète,

Je regrette beaucoup l'absence d'ouvrages en anglais et français sur l'histoire de la clandestinité dans la Pologne de l'après guerre et jusqu'en 1989. On trouve évidemment des notices sur l'agitation de 1953 (à la suite de la mort de Staline), les grèves de 1976 et le syndicat Solidarité. Par contre peu de choses sur les périodes intermédiaires alors qu'on peut cependant déceler, comme le met en évidence Monsieur Wnuk, une continuité dans le combat pour la liberté de la Pologne allant de la lutte ouverte « sur le terrain » par des groupes armés jusqu'aux actions clandestines de groupements qui se sont créés à la suite de ceux-ci.
Pour ma part, je dispose de davantage d'informations, surtout grâce à des chercheurs américains, sur le combat des Ukrainiens contre le communisme au cours de la même période, ce qui me parait paradoxal.

Il y a un parallèle entre ces deux luttes qui m'a frappé lorsque j'ai effectué il y a quatorze mois cette mauvaise et trop rapide traduction de l'article de Rafal Wnuk.

- Même attente d'une troisième guerre mondiale qui donnait un sens aux combats menés contre une force éminemment plus puissante sur le plan militaire.

- Glissement, à la fin des années 1940, de la lutte armée ouverte vers une action clandestine destinée à réduire à néant l'implantation communiste en la noyautant et en éliminant physiquement les fonctionnaires du NKVD/MVD, NKGB/MGB ainsi que ceux du Parti, ce qui s'est traduit par un fort sentiment d'insécurité pour les suppôts du nouveaux régime. Toutefois, les Ukrainiens, contrairement aux Polonais d'après guerre, pouvaient compter sur une unique structure clandestine, l'UPA, qui était coiffée depuis 1944 par l'UHVR qui était une manière de gouvernement provisoire d'un Etat ukrainien à venir et qui rassemblait l'ensemble des courants indépendantistes (sauf l'OUN tendance Melnik) autour d'un programme politique d'orientation social-démocrate et foncièrement anti-communiste.

- Fin, au milieu des années 1950, dans les deux pays de l'action clandestine organisée à la suite de la disparition des chefs de la Résistance morts au combats, exécutés ou déportés au Goulag après leur arrestation.

- Création, à la fin des années 1950 et jusqu'à la chute du communisme, de nombreux mouvements clandestins non-violents (ou plutôt non armés) mais actifs dans les domaines de la contestation des autorités en places et de l'idéologie communiste. Ces mouvements se créèrent souvent indépendamment les uns des autres mais tous se référaient, pour schématiser, au combat politique de l'AK en Pologne ou de l'UPA en Ukraine.

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Posté par: comète (IP Loggée)
Date: 27 mars, 2008 18:58

Pour ma part, j'ai découvert l'existence de mouvements clandestins de l'après 1944 en lisant des ouvrages parus en Pologne dans l'après 1989. Et en fait c'est très récemment que je me suis "convertie"à l'histoire de la Pologne, en découvrant une avalanche d'informations qui sortaient un peu chaotiquement et qui m'apportaient des explications sur l'histoire de mes parents, beaucoup plus amples que ce que je pouvais en comprendre en la vivant au quotidien.

Quant à l'absence de publications en Français, c'est une évidence hélas que la Pologne n'a pas été un sujet qui intéresse et d'ailleurs ne l'est toujours que très peu. En Angleterre Norman Davies est une exception bienheureuse de citoyen Anglais qui s'est pris de passion pour ce sujet à la suite d'un voyage touristique dans les années 1970 qui l'a amené à se poser des questions sur le fait que Varsovie a été rasée sen 1944 sans que ça ne dérange personne en Europe occidentale. Mais rendez-vous compte que son gros ouvrage de 2004 sur l'Insurrection de Varsovie a été traduit en Allemand, en Polonais et a une version pour les lecteurs américains.En Français, nada, rien....

Mais que cette résistance ait eu lieu ne m'étonne pas psychologiquement, si je me réfère aux souvenirs de conversations que j'entendais chez mes parents dans mon enfance. Il en sort l'image claire que mon père a mis un certain temps à comprendre qu'il n'y aurait pas de 3ème guerre mondiale pour bouter les Soviets hors d'Europe. Ensuite, pour la reconstitution de groupemments clandestins, je peux vous assurer, si je m'en réfère à mes paysans, que c'était ultra-discret et que quand je les ai rencontrés dans la période 1967-1977 à Varsovie, franchement ils ne s'en vantaient pas. C'est à partir de 1979 que j'ai pris un peu conscience qu'une solidarité réelle et clandestine fonctionnait entre eux de façon profonde et qu'elle ne demandait qu'une occasion peu favorable pour prendre corps de façon plus visible. Ici, l'occasion a été une messe à la mémoire de leur leader d'avant 1939 qui venait de décéder aux USA qui leur a fait prendre conscience qu'il y avait vraiment beaucoup de gens qui étaient venus à la suite d'une simple annonce dans la presse.

Pourquoi plus d'intérêt pour l'Ukraine? Sans doute parce qu'elle est devenue une République Soviétique et que il y avait plus d'intérêt pour la question géo-politique = est-ce que l'URSS se désagrégera de l'intérieur? Je note d'ailleurs que cette question s'est posée en France via le bouquin d'Hélène Carrère d'Encausse: L'empire éclaté qui à l'époque a fait beaucoup de bruit.

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Posté par: René (IP Loggée)
Date: 28 mars, 2008 11:09

J'avais un temps envisagé de traduire "White eagle, Red Star" enrichi de textes de Sikorski, weygand, pilsuski, Rozwadowski, Tuchaszewski.
Mais c'est trop de travail pour une diffusion ultra confidentielle, donc inutile.

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Posté par: René (IP Loggée)
Date: 28 mars, 2008 15:28

« En poussant loin en Ukraine, mais seulement jusqu'aux frontières de 72, nous
n'acceptons pas les partages et en proclamant la souveraineté
de ces terres nous corrigeons les erreurs de nos ancêtres. Nous voulons donner à
l'Ukraine la possibilité de se définir et d'être gouvernée par sa propre nation
[...] ; je joue ma dernière carte pour faire quelque chose pour l'avenir de la
Pologne, affaiblir de cette manière la future puissance de la Russie et, si c'est possible, aider à la création d'une Ukraine qui constituerait un barrage entre nous et la Russie et pendant de longues années ne nous menacerait plus [...].
Mais si cette Ukraine voit le jour, la question est de savoir si elle possèdera assez d'hommes et de forces pour se créer et s'organiser, car nous ne pouvons y
demeurer éternellement [...]. Je ne peux recréer les frontières de 72, la Pologne ne veut pas de ces terres, elle ne veut plus de sacrifices [...]. Il n'y a donc pas d'autre solution que d'essayer de former une Ukraine souveraine. Petljura n'y joue aucun rôle, il n'est qu'un outil, rien de plus. Et s'il n'est pas possible defaire quoi que ce soit, nous abandonnerons ce chaos à son propre destin. Qu'il fermente, se consume, se détruise, s'affaiblisse, se digère... Dans un état pareil,il ne nous menacera pas non plus, pendant longtemps ! »

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Posté par: comète (IP Loggée)
Date: 28 mars, 2008 16:52

C'est une citation de Pilsudski? Si oui, il avait compris beaucoup de choses sur la naissance du nationalisme ukrainien.
J'ai le bouquin de Davies en Polonais, mais je n'ai jamais eu le temps de le lire? Encore une lecture de plus pour ma retraite....

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 28 mars, 2008 22:04

Bonjour René,

Mai 1920 !

C'est vrai que c'est une époque de désillusion pour Pilsudski. L'opération Kiev qui avait débutée fin avril 1920 avait aboutit à la prise de Kiev le 7 mai de la même année mais très vite les troupes polonaises se trouvèrent en difficulté au nord face aux Bolcheviks. Le Maréchal souhaitait une fédération Pologne-Lituanie-Biélorussie alliée à une Ukraine indépendante grâce à la mise en place d'un nouveau gouvernement Petlioura allié à la Pologne. Mais, au lieu de l'enthousiasme attendu, les troupes polonaises purent constater au cours de leur progression qu'une partie de la population ne voyait en elles que des envahisseurs de plus et non des libérateurs.
Petlioura était et est encore un personnage controversé en Ukraine, non pas comme instigateur de pogroms (de nombreux documents prouvent une attitude diamétralement opposée, même si la position communiste est régulièrement reprise en France) mais comme homme d'Etat au caractère et aux décisions imprévisibles.
De plus, tu le sais autant que moi, l'Ukraine n'était alors qu'un immense champs de batailles ou s'affrontaient, tantôt alliés tantôt ennemis, les Rouges, les Ukrainiens de l'UNR, ceux du mouvement makhnoviste, les Blancs de Denikine (également hostiles à une Ukraine indépendante) et de nombreuses armées privées aux chefs autoproclamés, alliés une fois aux uns, une fois aux autres.

Les armées polonaises se sont retirées d'Ukraine parce qu'elles furent repoussées par les Bolcheviks. On peut parler de la faillite du projet multinational de Pilsudski et, en conséquence, de l'abandon de l'Ukraine aux mains des Soviets lors de la signature du traité de Riga en 1921.

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 28 mars, 2008 22:10

comète a écrit:
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> il avait
> compris beaucoup de choses sur la naissance du
> nationalisme ukrainien.

Bonsoir Comète,

Le nationalisme, ou plutôt la prise de conscience de la nationalité ukrainienne peut être datée du Congrès de Lwów/L'viv de 1848 pour les Ukrainiens de Galicie autrichienne. Dans l'Ukraine de l'Empire russe, le nom Ukraine, par opposition à « Petite Russie » qui était l'appellation officielle, refait surface également dans la première moitié du XIXe s comme un moyen d'affirmation d'une identité nationale jusqu'alors niée par les tsars et ignorée par les élites.

Il est plus juste de parler de la mise en œuvre du principe des nationalités sans qu'il s'agisse de nationalisme au sens actuel lors de la mise en place de nouveaux Etat comme l'Ukraine de l'UNR (1917) dite « de Petlioura » et la ZUNR (1918) « de Galicie ». Ces deux Etats se voulaient démocratiques et multiethniques et reconnaissaient les mêmes droits civils et politiques à toutes les minorités non-ukrainiennes (Juifs, Polonais, Russes ...). Pour les comparer valablement, on doit savoir que le gouvernement de l'UNR était composé d'hommes « de gauche » anti-bolcheviques (y compris Petlioura) alors que la ZUNR était dirigée par des personnalités qui avaient siégé au Parlement autrichien et qu'on peut aisément classer à droite.

Ce n'est qu'après la défaite et la fin du rêve de créer un Etat ukrainien que le mouvement indépendantiste s'exacerba et fut, pour une part et chez les plus jeunes, influencé par le nationalisme intégral dont le père spirituel était un certain Maurras et un autre de ses adeptes, un certain Roman Dmowski.
Le nationalisme ukrainien trouva sa base logistique et ses principaux adhérents dans la partie de la Galicie annexée par la Pologne.
La RSS d'Ukraine souffrit dès la fin des années 1920 une vague de « normalisation » ayant pour finalité de briser toutes velléités de résistance anti-russe et donc anti-communiste. Celle-ci culmina avec la famine provoquée, nommée Holodomor, lors de l'année 1933 qui fit environ sept millions de victimes.
Une chose que beaucoup ignore, c'est le mouvement nationaliste ukrainien de l'après 1920 n'était pas monolithique comme le montrait la propagande communiste d'après la seconde guerre. On y trouvait les adeptes du gouvernement de l'UNR « en exil » ainsi que des mouvements fondés par d'anciens militaires (qui se scindèrent à leur tour), ainsi que des organisations de jeunesses et estudiantines.

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Posté par: comète (IP Loggée)
Date: 28 mars, 2008 22:34

J'entendais bien "nationalisme" au sens large de 1848 et de "printemps des peuples" dans sa génèse, comme grande admiratrice de Stendhal, dans mon domaine qui est à l'origine plutôt littéraire.

Mais on peut faire aussi beaucoup de trucs avec l'abbé Stojalowski en Galicie. Le classer comme antisémite ou le classer comme éveilleur du peuple polonais.

Ensuite Daniel Beauvois me semble avoir exploré quelques questions. Là, je renvoie à son "Trojkat ukrainski" dont j'ai lu quelques pages et pas seulement la 4ème de couverture.

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Posté par: comète (IP Loggée)
Date: 28 mars, 2008 23:28

Notons aussi que le sionisme est né dans la même mouvance d'état d'esprit du "printemps des peuples" et a donné in fine l'état d'Israël,

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Posté par: René (IP Loggée)
Date: 31 mars, 2008 10:01

C'est un raccourci sidérant.
L'état d'Israel est une création politique américaine resultant de Lobbies juifs américains et de l'holocauste.

Je pense plutôt que sans la deuxième guerre mondiale se serait posé la question apparue au début du 20ème siècle du Yiddish-land à cheval sur la Bielorussie, l'Ukraine et La Pologne. Un état juif en Europe centrale.

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Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 31 mars, 2008 12:47

René a écrit:
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> Je pense plutôt que sans la deuxième guerre
> mondiale se serait posé la question apparue au
> début du 20ème siècle du Yiddish-land à cheval
> sur la Bielorussie, l'Ukraine et La Pologne. Un
> état juif en Europe centrale.

Bonjour René,

Je ne savais pas qu'on avait soulevé la question de la création d'un Yiddishland. Peux-tu, brièvement, nous dire qui était à l'origine de cette idée (organisatins juives ou ...).
Dans l'entre deux guerre, et c'est bien connu, il y eu l'idée de créer un Etat juif à Madagascar, idée lancée par la Pologne puis l'Allemagne, entre autres. Les Français n'y tenaient pas du tout !

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Posté par: Stéphane (IP Loggée)
Date: 31 mars, 2008 13:57

René a écrit:
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> C'est un raccourci sidérant.
> L'état d'Israel est une création politique
> américaine resultant de Lobbies juifs américains
> et de l'holocauste.

Non, le royaume d'Israël a existé et je te jure qu'à l'époque les Américains n'y étaient pour rien.
Israël est plus où moins dans sa région d'origine, il ne faut pas aller chercher plus loin et s'inventer des histoires de lobbys.
En plus cela fait au moins une démocratie dans la région !!!!