Le polonais : une langue qui n'est parlée nulle part ???

Démarré par Archives, 10 Octobre 2023 à 13:03:17

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Posté par: valmaster (IP Loggée)
Date: 12 mars, 2019 16:43

Je trouve vraiment dommage les déclarations que certains chroniqueurs à la télé se permettent de faire.

Rassurez-vous les amis, la télé ne me sert que de toile de fond car j'ai pas de mal de travail à faire, mais ce que je viens d'entendre m'a vraiment fait sursauté et m'a donné envie de parler d'une autre expérience..

Le point de départ est une émission que je doute fort que beaucoup d'entre-nous regarde - c'est sur France 2 vers 15 heures. Le thème est "Comment assumer sa famille?".... Et j'entends Caroline Diament déclarait qu'"elle avait eu honte de son père parce qu'il parlait une langue qui n'était parlée nulle part".... Et à la surprise de ses camarades chroniqueurs, elle a insisté "Et oui nulle part"... Puis elle a dit," après on apprend à se moquer de cela et à aimer sa famille comme elle est"....

Heureusement elle n'a pas nommé la langue polonaise directement, mais en faisant des recherches sur internet, j'ai découvert ce que je soupçonnais par les traits de son visage et ses cheveux blonds et raides (même si je ne colle pas des étiquettes aux gens en fonction de leur physique. il serait franchement malvenue de ma part d'agir ainsi) qu'elle avait des origines polonaises. Comment peut-on considérer que le polonais est une langue qui n'est parlée nulle part mis à part par les habitants de ce pays. Je trouve cela très triste.. Mais cela m'a encore davantage motivé pour promouvoir la langue polonaise et la culture....


Plus le temps passe, plus je me demande si Lidia ma sympathique podologue de Słubice, n'a pas raison lorsqu'elle me dit que j'ai dû être polonaise dans une autre vie.... Elle aime son métier et discute volontiers avec ses clients. Lorsque je me suis présentée chez elle, la première fois, vu mon polonais balbutiant elle m'a dit "Maybe you speak English" en souriant et je lui répondais "tak, ale proszę, wolałabym mówić po polsku. Uczę się polskiego i naprawdę lubię ten język"....Et son sourire est devenue encore plus radiant. Depuis elle me soigne les pieds et nous bavardons en polonais, elle n'utilise l'anglais que si je ne comprends pas du tout, quant à moi je dis "jak się mówi po polsku" et le mot en anglais. Elle corrige volontiers mes fautes de polonais, c'est une fille formidable aussi bien par ses soins de très bonne qualité que par sa gentillesse.

Un jour, elle a fait de moi sa complice lorsqu'un couple de retraités allemands sont rentrés dans son cabinet, qui après de brefs salutations en allemand, lui ont demandé si elle pouvait leur donner un rendez-vous le jour même parce qu'ils venaient de Berlin.... (En fait ils sont venus de Berlin pour acheter leurs clopes et leur alcool quelques produits moins cher et pensaient avoir dans la foulée un rendez-vous chez un spécialiste... De qui se moque-t-on!!!).
Alors on s'est regardé toutes les deux et elle m'a demandé en polonais de leur traduire ses propos. Je me suis sentie d'autant plus sentie complice que je ne supportais pas ces personnes avec leur "ah ah mais vous parlez l'allemand" auquel j'ai répondu "évidement, mais vous, vous ne connaissez pas du tout le polonais,même pas pour dire 'bonjour', c'est dommage" sans compter la remarque de la femme "de si belles jambes noires" n'auraient pas pu m'appartenir... Ces gens me crispaient

Je n'ai pas pu traduire tous les mots que Lidia me disait en polonais directement mais elle leur a parlé un peu en allemand car ils n'avaient compris le tarif des soins. Finalement ils n'ont pris rendez-vous avec Lidia car ils ont trouvé que 30 euros par 2 heures de soins pédicures c'était trop cher, de qui se moque-t-on??
Finalement Lidia et moi avons bien ri..Si pour eux 30 euros c'est trop cher, ils n'ont qu'à aller chez des podologues à Berlin.

Lidia quant à elle est vraiment une personne adorable elle les aurait volontiers accueilli si ils avaient au moins fait l'effort de glisser deux ou trois mots en polonais, mais ils se croyaient en pays conquis, même si je pense qu'ils n'avaient pas conscience de leur comportement arrogant et qu'ils se croyaient sympathiques quant je pense à leur tentative de se faire comprendre par Lidia en "allemand petit nègre" du genre "prix" nous vouloir connaître prix" ....

Et si le polonais n'est parlé nulle part alors je suis ravie de faire partie des gens qui seraient de "nulle part" et j'aimerais que nous soyons encore plus nombreux!!!

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Posté par: Auroree (IP Loggée)
Date: 13 mars, 2019 15:41

Dzien dobre ! Ode à la langue de mes Aïeux.
Si d'aventure l'envie vous venait de traverser la Bourgogne, celle des gens paisibles de la campagne, heureux de flâner le samedi matin sur les marchés joliment achalandés, vous seriez agréablement surpris d'entendre ça et là, quelques mots venus de l'Est, durablement distillés au fil des échanges entre marchands et clients : entre Babcia et petites-filles bras dessus, bras dessous, tentant de marchander poliment le prix d'une nouvelle paire de chaussure pour le printemps prochain ; ou bien entre ce beau dziadek de quatre-vingts ans à l'allure encore si noble de ceux que la mine n'a pas brisés, discutant de politique d'une voix grave avec ses derniers copains de rendez-vous hebdomadaire, de moins en moins nombreux, devant la petite marchande de fromages de chèvre frais, habituée à saluer chaque semaine depuis plus de cinquante ans, Pan Michal.
Il s'agit là de tendre l'oreille, de se coller au plus prêt -sans déranger, sans interrompre, oh non, surtout pas- et de savourer, oui c'est le mot, savourer les bribes de phrases po polsku dont certaines restent familières sans cependant en comprendre l'intégralité. Quelle cure de jouvence que de les écouter elles, eux, souriants -toujours- mais surtout, surtout, discrets, ne bousculant jamais personne, s'excusant parfois de vous avoir peut-être devancé étourdiment. Toujours avec le « r » roulé polski en symbiose harmonieuse avec le « r » non moins roulé bourguignon.
Polonais, dites-vous ? Oui, ceux-là mêmes qui ne font jamais parler d'eux, ceux qui avaient travaillé si durement, ceux qui jouaient de leurs instruments à vent dans les soirées festives en blanc et rouge sur les pistes de danse fleuries. Ceux dont les habits folkloriques faisaient rêver toutes les petites filles d'alors. Ceux dont les mots chantaient plus fort que leurs maux.
Aimer tendrement cette langue de nos Aïeux de Wielkopolskie venue enrichir nos vies, la chérir au point de veiller à la faire vivre encore et encore au gré des rencontres, en famille avec les enfants, petits-enfants dont un parmi eux, le plus jeune clame déjà haut et fort : « Quand je sera grand, je me mariera avec une Polonaise, comme ça, elle m'apprendra les mots po polsku »
Aujourd'hui ces accents mélodiques que d'aucuns pensent difficiles à prononcer, sonnent bien à qui sait les estimer pour s'en délecter, ils savent nous interpeler où que nous voyagions dans le monde : on reconnait toujours et partout l'élégant phrasé polonais.
Aurore
Pół polski, pół francuski,
moja najlepsza połowa to pierwsza.
Merci pour votre indulgence.

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Posté par: valmaster (IP Loggée)
Date: 15 mars, 2019 01:40

Je pense que plus que jamais il faut défendre la langue polonaise.... Elle n'est pas plus difficile que les autres c'est juste une question d'habitude. C'est une langue qui vient du coeur et non de calcul financier ou d'un héritage colonialiste. Pour ce qui est des Allemands, le problème n'est pas aussi simple car il y a beaucoup de germano-polonais qui maitrisent parfaitement les deux langues.... C'est assez admirable ce que ces deux pays ont réussi à accomplir malgré un passé detestable - l'oppression abominable que les Polonais des peuples germaniques ont subi à maintes reprises des Allemands pour finir par l'horreur des Nazis. "Chasser le naturel, il revient au galop"... Difficile à dire, le comportement d'Allemands se croyant en pays conquis est insupportable, cependant je pense que ce comportement n'est pas propre à ces gens. Je vais le même style d'attitude chez mes compatriotes français à Vintimille.... L'urgence est pour moi de défendre cette merveilleuse langue que les Polonais eux-mêmes ont tendance à dénigrer mais pourquoi diable un Polonais pourrait apprendre le français ou que sais-je et qu'un Français ne pourrait pas apprendre le polonais. Les difficultés sont diférentes mais elles existent des deux côtés. J'aime ma vie à Francfort/Oder parce que justement il ne se passe pas un jour où je n'entende pas parler des gens en polonais, puis je traverse un petit pont et j'entends parler allemand mais ce ne sont que des rapports marchands et la langue polonaise sourit à tous ceux qui veulent l'utiliser. Ici à Paris, je m'ennuie, les langues étrangères ne manquent pas où j'habite, mais jamais je n'entends parler le polonais à moins d'aller dans des lieux fréquentés par des Polonais.... Heureusement j'ai mon boulot d'étudiante à faire sur Sienkiewicz que j'admire et Reymont et dont je dois lire les textes en polonais pour les citations, appuyées bien sûr des traductions des textes... Et là je m'insurge !!!!!! Pour la terre promise de Reymont j'ai pu sans problème trouver le livre en français (un régal de comparer le texte orignal avec la traduction) mais pour les oeuvre de Sienkiewicz en dehors de ses épopées historiques la peau de chagrin... Quel dommage, de voir que des nouvelles Le gardien de phare, Le journal d'un institeur de Posnan o , Bartek le vainqueur, ou encore ces romans de moeurs comme "sans dogme" ou "Tourbillons" etc, etc, ne sont actuellement disponibles pour le public qu'en anglais ou en allemand.... De même je trouve triste qu'il n'y ait pas dans la cité internationale universitaire de Paris une maison de la Pologne ou du moins qu'après la chute du Mur une maison des pays de l'Europe centrale n'ait pas été créée...

Je trouve aussi choquant qu'il soit plus facile de passer le test officiel international de japonais que celui de polonais en France...
Toutefois sachant que les Polonais d'aujourd'hui ont lu dans leur livre d'histoire , que le peuple polonais a subi l'opression pouvoirs prussiens, russes et dans une moindre mesure autrichiens à travers leurs politiques de germanisation et de russification pour finir par le régime nazi allemand qui voulaient effacer toute trace de l'existence de leur culture sur la terre et qu'ils ont compris l'enjeu de défendre la langue polonaise. Peut-être est-ce la raison pour laquelle les Polonais que je rencontre certes à la frontière germano-polonaise (je reconnais la chance immense que j'ai de pouvoir étudier à Europa-Viadrina, une université entièrement dédiée à l'amitié germano polonaise, avec 30 % de la population étudiante qui est polonaise) mais aussi ceux que je rencontre à Paris (hélàas beaucoup moins nombreux) : ils m'encouragent toujours dans mon étude du polonais...