La Guerre
Le 24 février 2022 les yeux de l’Europe, les yeux du monde se sont tournés vers l’Ukraine où un conflit armé débutait, suite à l’invasion russe.
Personne ne croyait que l’Ukraine puisse tenir tête à ce puissant agresseur.
Et pourtant….
Depuis plusieurs semaines déjà, le peuple ukrainien se bat, résiste au monstre russe, mais à quel prix !
Très vite, de long convois de réfugiés se sont formés sur les routes ukrainiennes pour rejoindre les frontières : polonaise surtout, la plus proche.
Le monde entier s’est mobilisé pour aider ce peuple en grande souffrance, pour accueillir et héberger de longs convois de femmes et enfants. Pas d’hommes, ces derniers sont restés en Ukraine pour défendre leur pays jusqu’au dernier souffle, la dernière goutte de sang.
Chapitre 1
MISSION UKRAINE
Blénod les Pont à Mousson
Pendant que les bombardements russes détruisent peu à peu l’Ukraine, ses habitants, femmes et enfants, cherchent refuge aux 4 coins de l’Europe. La Pologne accueille, à ce jour, environ 2 millions et demi de réfugiés ukrainiens, il y en a d’autres qui traversent l’océan, qui arrivent dans les pays européens.
J’ai participé à l’accueil des premières réfugiés ukrainiennes arrivant dans la commune de Blénod les Pont à Mousson, dans le département de Meurthe et Moselle, en Lorraine. La municipalité et l’association Zespol Piesni i Tanca Wieliczka, dont je fais partie, ont demandé ma présence pour aider à communiquer avec les arrivants. Polonaise de naissance, avec 8 années de russe dans les écoles polonaises, j’étais plus au moins prête à mettre mes humbles dons linguistiques au service de cette noble cause.
Centre Michel Bertelle à Blénod, avec le Maire Bernard Bertelle et une réfugié ukrainienne
J’ai rarement vu quelque chose d’aussi émouvant que l’arrivée de ce car avec 21 passagers, femmes et enfants de tous âges, dont un seul garçon de 11 ans. Désemparées, perdues, tristes ? Je ne sais pas, elles avaient n sourire, souvent triste, aux lèvres et devant l’accueil qui leur été réservé, elles n’avaient que merci aux lèvres.
Ce jour-là, j’ai rempli ma mission au mieux que j’ai pu, c’était difficile et laborieux. On s’est compris, pour l’essentiel. Je me suis sentie inutile et utile à la fois, j’aurais tant aimé pouvoir faire plus…. Et surtout mieux.
Mais on se trouve bien dépourvu devant tant de malheur et tant de courage.
Chapitre 2
La mission transport
L’occasion de faire plus, et mieux aussi, s’est présentée assez rapidement.
Début avril mon téléphone sonne. « Allô, Sabine, ça te dirait d’aller en Pologne » me dit mon amie Francine, la très active patronne de l’Association Wieliczka.
La Pologne, je suis toujours partante, allons y donc !
Et c’est ainsi que le mercredi 13 avril 2022 mon réveil sonne à 3 h 15 du matin.
Une heure et demi plus tard, nous voilà à bord de la camionnette Ford Ducato, chargée la veille par les bénévoles de Blenod les PàM, de cartons remplis de dons rassemblés par les habitants de la ville et destinés aux Ukrainiens : alimentation non périssable, notamment pour bébés, hygiène, médicaments, matériel de puériculture, couverture, couettes et j’en passe.
Nadia Kuczmarski, danseuse de notre groupe folklorique Wieliczka s’installe au volant, à ses côtés Claudy Jacquemin, conseiller municipal de Blénod, le deuxième chauffeur, et moi-même, interprète du groupe.
1.400 km nous séparent de notre destination, la ville de Koscielisko, à 5 km de Zakopane, où une autre association locale, prendra en charge les dons transportés.
Le GPS, à notre départ, indique l’heure de notre arrivée vers 18 h et des poussières, objectif impossible à atteindre avec notre véhicule, pas trop rapide et bien chargé, et puis, il faudra bien s’arrêter pour des pauses physiologiques (ou techniques), pour manger et tout simplement, pour se dégourdir les jambes. Notre objectif c’est d’être sur place vers 20 h, voire un peu plus.
Nous partons gaiement, heureux de cette mission très valorisante, pleins d’énergie et dopés à l’adrénaline. Nous sommes en semaine sainte, à quelques jours de Pâques et nous nous rendons vite compte que ce n’est pas le bon moment… mais on n’avait pas d’autre choix…
Plus on avance sur les autoroutes allemandes, plus la circulation devient dense. Les travaux, piège allemand très fréquent, sont nombreux, avec des ralentissements de plus en plus nombreux et longs, des accidents…. Dresde, à 100 km de la frontière polonaise, nous accueille avec un embouteillage monstre….. le temps passe et la durée du voyage s’allonge…
Nous arrivons en Pologne aux environs de 15 heures, la première vraie pause repas dans un restaurant d’une aire de repos sur l’autoroute…. Miam, des spécialités locales dans nos assiettes : golabkie (chou farci), pierogi… quel régal ! Un petit café et on repart. Le GPS indique l’arrivée à 22 h environ.
Nos amis de Polaniorze, groupe folklorique local qui prendra en charge notre cargaison, nous attendent sur place pour décharger le camion.
Nous tombons dans un vrai piège sur l’autoroute 40 en Pologne, aux alentours de Boleslawiec un embouteillage monstre de nouveau nous attend…
Sur la voie de droite des camions à perte de vue, pare choc contre pare-choc… et ce sur des dizaines de kilomètres, nous avançons en accordéon.
Nous mettons presque 2 heures pour rejoindre Wroclaw, après relâche…. Ça roule !
Le soulagement est de courte durée, des travaux près de Strzelce Opolskie et un autre bouchon monstre !!!!
C’est à la nuit tombée que nous arrivons à Cracovie, où l’autoroute s’arrête et où nous rejoignons la célèbre route Zakopianka, très fréquentée et très embouteillée.
C’est finalement à minuit que nous arrivons à Dom Ludowy de Koscielisko, où notre ami Maciej, président de l’Association Polaniorze (entre autres) nous accueille, pour nous convoyer sur notre lieu d’hébergement – une surprise, très bonne surprise. Nous arrivons devant un bâtiment de belles dimensions, récupérons les clés de nos chambres et dodo…..
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Cette première journée, très longue et exténuante, était déjà riche en émotions. Mes deux camarades se sont relayés au volant de la camionnette, moi, j’avais le beau rôle, je ne faisais rien, sauf parler, raconter… nous avons franchement rigolé ensemble.
Le lendemain matin, au réveil, nous avons découvert, des balcons de nos chambres, une merveilleuse vue sur les Tatras.
Notre hôtel, AMW Rewita, un magnifique bâtiment, jadis un sanatorium tenu par la sœur de Marie Curie, domine la ville de Koscielisko et de Zakopane, merci à la municipalité de Koscielisko de nous avoir offert l’hospitalité lors de ce déplacement.
Après le petit déjeuner copieux et excellent, direction Dom Ludowy, où a lieu le déchargement de notre camion. Plusieurs paires de bras nous attendent sur place pour porter les cartons un par un dans une grande salle, pleine de denrées et de bénéficiaires.
Dans la commune de Koscielisko, qui compte environ 9000 habitants, au moment de notre arrivée, il y avait pas loin de 400 invités ukrainiens, dont 100 enfants scolarisés dans les écoles locales et dans les communes des environs. Il n’y a pas de réfugiés ukrainiens en Pologne, il n’y a que des invités….
A Koscielisko, les invités de l’Ukraine sont logés gratuitement chez les habitants. Au moment de notre séjour la ville attendait un arrivage de 100 à 200 personnes de plus, pour l’occasion, un ancien hôtel a d’ores et déjà été aménagé à leur intention.
Les dons pour l’Ukraine arrivent à Koscielisko, notamment de la ville français Divion, jumelée avec Koscielisko, mais aussi des intervenants locaux.
Ils sont triés et stockés par des bénévoles locaux.
Les médicaments, les couvertures sont acheminés en Ukraine, pour les combattants.
Le reste : l’alimentation, produits d’hygiène, matériel et alimentation pour bébés sont redistribués aux Ukrainiens sur place.
Le centre de distribution de Koscielisko alimente les invités ukrainiens de toute la région de Zakopane, il reste le seul en activité dans cette région de Tatras.
Nous avons croisé, à Dom Ludowy, où se tenait la distribution, quelques Ukrainiennes qui choisissaient des produits à emporter, des boites de conserves, souvent de France – cassoulet, raviolis, légumes, des pâtes, mais aussi des vêtements, des gels douches, shampoings, couches, protections hygiéniques… une véritable caverne d’Ali Baba.
Une des dames présente ce matin-là, a appris dans la journée le décès de son époux, tombé au combat. Toute la ville était émue de cette disparition.
Les Ukrainiennes ont toutes un seul objectif, rentrer au pays. Mais le destin s’acharne, l’envahisseur pratique la politique de la terre brûlée, souvent, il ne reste plus rien de leurs maisons. Et quand ceux qui restent pour combattre ne sont plus, quand toutes ces femmes n’ont plus de mari, de frère, de père, les enfants n’ont plus de père, le retour sera difficile, voir impossible.
Le déchargement commence à Dom Ludowy | Deux bénéficiaires ukrainiennes à Dom Ludowy |
La Pologne se prépare à ce qu’une grande partie de ces « invitées » restent en Pologne. Le travail ne manque pas et ces femmes sont volontaires. Koscielisko, ville touristique par excellence, ainsi que sa voisine Zakopane, emploient un nombre considérable de personnes durant la très grande saison touristique, été et hiver.
Le déchargement est fini | Et une photo souvenir |
Après avoir déchargé le camion, dans la bonne humeur, nous prenons, avec Maciej, le chemin de Zakopane, où Nadia a une autre mission à accomplir, quelques emplettes régionales pour le compte de notre association Wieliczka, foulards de Zakopane, des matriochkas peintes, des petits sacs en cuir décorés….
Puis vint le moment officiel, nous sommes conviés à Urzad Miejski de Koscielisko, où le jeune et dynamique maire de la ville Roman Krupa, nous accueille autour d’un bon café. Nous passons un très agréable moment avec notre hôte Maciej, à échanger avec Monsieur le Maire, autour de sa ville, autour de notre noble mission, une goutte d’eau comparé à ce qui est fait sur place autour de cette vague d’Ukrainiennes en détresse.
Vue de la Mairie de Koscielisko | Photo souvenir de la rencontre avec le maire (au centre) |
Nous quittons la mairie en ayant l’impression de nous avoir fait de nouveaux, merveilleux amis.
Dans la foulée, une autre visite s’impose… Maciej nous conduit chez Stasiu, qui gère une maison d’hôtes, U Slodyczkow, à Koscielisko, bien entendu.
Stasiu Slodyczko et Marysia, son épouse, sont des amis de longue date de l’Association Wieliczka, qui profite de leur hospitalité lors de nombreux voyages, associatifs et personnels, le dernier en date étant en février 2019, où chanteurs et danseurs du groupe (dont moi-même), avons participé à des ateliers animés par Zofia Czechlewska, une ancienne danseuse étoile de Slask.
U Slodyczkow, avec les Tatras au fond |
La journée, déjà très intense, continue dans la superbe maison de Maciej, autour d’une bière et se poursuit dans le restaurant dans les sous-sol de Dom Ludowy de Koscielisko, où Maciej nous offre un dîner surprise, avec des plats locaux….
Une très belle et très longue journée.
On nous a offert ce jour-là tous les honneurs, on nous a remercié tout le temps, on nous a traité en VIP, comme si nous avions accompli un je ne sais quel exploit…. Et nous n’avons fait que convoyer un transport, livrer une marchandise en quelque sorte. Chacun peut le faire, un petit geste suffit pour changer les choses, pour les améliorer, pour qu’on se sente meilleur !
Avec Maciej, au restaurant sous Dom Ludowy |
Nous nous sentons plus fort, plus fiers et face à ce gens là, ceux qui organisent cette grande action à Koscielisko, qui passent des heures à trier, à transporter, à distribuer, à aider les autres sur place à Koscielisko, mais qui n’hésitent pas à aller plus loin jusqu’en Ukraine, je parle de notre hôte et ami Maciej Krzeptowski, nous reprenons confiance dans l’humanité.
Oui, la solidarité, la vraie, ça existe… il suffit d’un petit geste pour donner un sens à votre vie. A Koscielisko, dans ce superbe cadre des Tatras, ces gens ont ouvert leurs maisons et, surtout leurs coeurs. Nous, nous avons donné un peu de notre temps et on a beaucoup reçu en retour.
Bravo au peuple polonais, qui accueille avec joie et dévouement les réfugiés qui fuient la guerre en Ukraine. Sur les autoroutes, sur les panneaux d’affichages, dans les médias, on voit fleurir les messages d’accueil pour les « invités » de l’Ukraine, des numéros de téléphones de lignes spécialement dédiées à leur accueil.
Bravo, la Pologne est en première ligne et elle a fait, et continue à faire, des merveilles pour donner leur chance à tous les Ukrainiens qui arrivent en masse.
Après cette journée tellement riche en événements et en émotions, l’heure du retour a sonné.
Le vendredi matin, le Vendredi Saint, nous reprenons la route, le camion vide, mais les coeurs remplis de bonheur d’avoir rempli une mission, d’avoir fait du bien….
La route de retour a été longue, ces 3 jours de mission Ukraine ont été tellement riches.
C’est après des heures de voyage, peu avant l’aube, que nous avons rejoint nos domiciles respectifs.
Pas loin de 3 000 km en 3 jours… Merci à mes compagnons de voyage, Nadia et Claudy, vous avez été merveilleux, malgré les 2 flashs de radar sur la route.
Nous avons fini la route en chantant (surtout de peur de s’endormir au volant) et en racontant les histoires. Je vous dis à la prochaine !!!
Sabine Skowronek Raffin
Et le mot de la fin :
Nous ne remercierons jamais assez nos amis de Koscielisko, surtout Maciej Krzeptowski qui nous a consacré tout son temps, pourtant précieux, et nous a tellement donné et appris, Roman Krupa, le maire de Koscielisko, pour son accueil chaleureux et sa commune pour nous avoir offert l’hébergement.
Et bien sûr merci à Monsieur Bernard Bertelle, maire de Blénod les PàM et à l’infatigable Francine Calmes-Szurszec, présidente de l’Association Zespol Piesni i Tanca Wieliczka, pour avoir tout organisé, tout préparé et pour m’avoir choisi, Moi, qui ne suis pas de Blénod, pour cette belle et noble mission.
On recommence quand vous voulez.
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Wojt, Maire de Koscielisko Roman Krupa Wójt Gminy Kościelisko | Facebook