Au travail donc … De 1800 à 1825, des registres de baptêmes catholiques de Koźmin on extrait la bagatelle de … 60 Rosalie, toutes nées en août ou début septembre. Sursum corda ! Mais, à ne prendre en compte que celles natives de Cegielnia, on obtient un bouquet réduit au chiffre de 4. Deo gratias ! Ces Rosalie ont nom DOMIN (1801), PACIOREK (1803), KOCIK (1813), DYMEL (1819). A ce stade, de scrupuleuses vérifications s’imposent, qui concluent au décès en bas âge de Rosalie DYMEL, et aux mariages de Rosalie DOMIN et de Rosalie KOCIK; à l’inverse, pour Rosalie PACIOREK, on ne décèle nulle part de mention matrimoniale ni funèbre.
La Rosalie qui vient d’être sélectionnée est née le 17 août 1803 à Cegielnia, donc en un lieu et à une date déjà idéalement conformes aux données de l’acte de mariage de mon ancêtre, mais elle peut encore se prévaloir, outre ces critères de vérité, d’un indice non négligeable, fourni par ses parents eux-mêmes. Elle est en effet fille de Pierre et de Marcianne PACIOREK, et le prénom de Marcianne, on s’en souvient, est justement celui qui a été donné par notre Rosalie GRODZICKA à son enfant illégitime. La piste est donc fort sérieuse, il convient de l’emprunter jusqu’au bout.
Le couple parental PACIOREK, on le découvre vite, ne s’est pas révélé particulièrement prolifique : Rosalie n’a eu que deux frères, André et Michel, nés respectivement en 1801 et 1805, dont l’existence fut brève, mais qui, post mortem, n’en ont pas moins finalement beaucoup fait -généalogiquement parlant – pour leur soeur.
L’aîné, André, est mort en 1802 : il ne lui aura manqué que trois semaines pour fêter son premier anniversaire. Le nom de ses parents, tel qu’il est consigné dans son acte de sépulture, n’est pas alors PACIOREK, mais SZYIA. Ce qui nous mènera tout droit ensuite vers le décès de la mère Marcianne SZYIA, le 23 mars 1836, toujours à Cegielnia. Et ce qui nous fera aussi découvrir, vivant dans la même localité et dans les mêmes années, un Woïtek SZYIA dit SZYMCZAK, deux fois marié, qu’on verrait assez bien comme oncle de Rosalie …
Quant au second, Michel, mort âgé d’un an et dix mois en 1807, le contenu de son acte de décès permet pour ainsi dire une validation inespérée de l’hypothèse : les parents sont, cette fois, appelés ZAGRODZKI, ce qui fait resurgir un radical GROD qu’à la vérité on n’attendait plus !
Une pièce manque pourtant au dossier: le décès du père. Pierre sort du champ d’observation après 1807, on ignore pourquoi. Faut-il en appeler à la » grande histoire » ? Cette année-là est marquée par la fondation, voulue par Napoléon, d’un grand-duché de Varsovie placé sous administration française, incluant la Poznanie et la terre de Koźmin, et les retombées en termes d’imposition, de conscription et de service militaire ont été immédiatement ressenties … Jusqu’à quel point ces retombées ont pu concerner le père de Rosalie, ceci reste toutefois un mystère.
Quoi qu’il en soit, l’idée que Rosalie ait été élevée par une mère très tôt laissée seule, et très jeune (elle serait née vers 1786 d’après son acte de décès), semble devoir être retenue.
Une jeune femme restée seule, sauf cas d’abandon par le mari, a vocation au remariage rapide. Or, est signalé à Cegielnia, en août 1815, un couple Roch et Marcianne SZYMURA, à l’occasion du baptême de leur unique fils Barthélémy (décédé en 1817). Roch qui avait épousé en 1784 Sophie KACZMARZANKA, la perdit en novembre 1813, et se remaria, probablement en 1814, avec cette Marcianne qu’il serait tentant d’assimiler à la veuve de Pierre PACIOREK alias ZAGRODZKI alias SZYIA. Ce scénario est d’autant plus vraisemblable que c’est sous le nom de SZYMCZAK que fut rédigé l’acte de décès de Roch, en décembre 1826, et l’on a évoqué plus haut la figure d’un Woïtek SZYIA dit SZYMCZAK, qui suggère d’établir un lien entre ces deux noms. Si ces conclusions sont exactes, alors Marcianne aurait épousé un veuf beaucoup plus âgé qu’elle, même si l’on retire à Roch quelques-unes des 80 années (les chiffres ronds étant suspects) dont il est crédité à sa mort.
Ces incertitudes mises à part, il nous reste la satisfaction d’avoir rendu à Rosalie GRODZICKA ses attaches familiales, et d’avoir ajouté à sa biographie quelques lignes qui semblent bien, hélas ! devoir être écrites d’une encre aussi noire que celles de l’âge adulte. Un père disparu … une fratrie évanouie … une aventure et une grossesse non désirée dès la disparition de sa mère … un mariage tardif avec un veuf … un seul enfant viable … une mort de misère et de faim … cette vie de 53 ans semble n’avoir été du début à la fin qu’une existence d’extrême justesse, comme c’est encore in extremis que l’on a percé à jour son énigme généalogique!
Etant parvenu à surmonter une difficulté majeure, on pouvait espérer poursuivre l’enquête plus sereinement. Mais la réalité du terrain ne tarda pas à dissiper nos illusions … Coup dur sévère, il faudrait se passer de l’acte de mariage des parents de Rosalie, puisqu’il manquait le registre des unions catholiques contractées à Koźmin de 1793 à 1817.
C’était donc à nouveau à tâtons qu’il faudrait rechercher leurs baptêmes, sans indication de lieux, d’âges, et même de noms. Paradoxalement, on ne pouvait attribuer en particulier à chaque conjoint de patronyme précis, alors même qu’on disposait d’une série de trois noms dont ils avaient fait usage dans leur période conjugale. En conséquence, il fallait chercher l’un et l’autre sous trois dénominations possibles, au moins …
Mais enfin, c’était « jouable », et ces noms serviraient quand même de références dans les investigations … Si les registres de la deuxième moitié du XVIIIe siècle voulaient bien se prêter au jeu. Or ils s’y refusèrent obstinément : pas la moindre mention des noms recherchés. Adieu, SZYIA, PACIOREK et GRODZICKI, tout cela introduisait seulement … au monde du silence.
Navrante conclusion : cette « maison GRODZICKI », dont les premiers contours n’avaient été dessinés qu’à grand-peine, se révélait au premier coup de pioche dépourvue de fondations !