Konrad Krzyżanowski (1872-1922) était un portraitiste remarquable, lié au milieu artistique de Varsovie. Il a commencé ses études de peinture à l’École de dessin de Kiev sous la direction de Nikolai Muraszko, où il a affirmé ses ambitions artistiques en tant que portraitiste.

Il a ensuite poursuivi sa formation à l’Académie des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg sous la supervision de Klavdiy Lebedev et Ivan Tvorozhnikov. Cependant, il n’a pas achevé son cursus et, en 1897, il s’est installé à Munich, où il a intégré l’école privée du Hongrois Simon Hollósy. Avec cette école, il a voyagé en Hongrie, à Nagybánya, célèbre pour ses sessions de peinture en plein air et sa colonie artistique.

En 1900, Krzyżanowski s’est définitivement installé à Varsovie, où il a fondé une école privée de peinture, gagnant l’estime et la sympathie de ses élèves. Dès 1904, il a été nommé professeur à l’École des Beaux-Arts de Varsovie, où il s’est rapidement intégré à la bohème artistique et à l’élite intellectuelle du cercle de la revue Chimera. Il s’est lié d’amitié avec Zenon Przesmycki ainsi que Stanisław et Bronisława Ostrowski, et a fait la connaissance de Stanisław Przybyszewski. Il a également effectué plusieurs voyages artistiques à Paris et à Londres, ainsi qu’en Volhynie, en Polésie et à Kiev.

Un portraitiste d’exception

Konrad Krzyżanowski était avant tout un portraitiste. Il baignait ses modèles dans une lumière mystérieuse et irréelle, créant une vision dramatique de l’humain, comme en témoigne son portrait de Stanisław Przybyszewski.

Dans le même esprit, il a peint un portrait saisissant de Dagny Przybyszewska, épouse malheureuse de Przybyszewski et muse du mouvement Jeune Pologne, capturant ainsi la tragédie de son destin. Progressivement, il s’est éloigné du caractère démoniaque de ses premiers portraits pour accorder une attention croissante aux couleurs. Il représentait principalement les personnes de son entourage proche, en particulier son épouse Michalina Piotruszewska, qui fut son élève à l’École des Beaux-Arts et qu’il a peinte à de nombreuses reprises.

L’une de ses œuvres les plus marquantes est le Portrait de son épouse avec un chat (1912). Il y représente une jeune femme drapée de blanc, assise sur un canapé aux côtés d’un chat noir à l’allure démoniaque. L’artiste y adopte une composition simple, mettant en valeur la spontanéité du modèle à travers une palette raffinée : bleu saphir, vert, blanc et noir, appliqués en larges aplats de couleur.

La même année, il peint le Portrait de Janina Wilczyńska (née Ołtarzewska), où il immortalise une jeune femme élégante et souriante, vêtue d’une robe noire ornée de volants blancs, d’un grand chapeau noir agrémenté de plumes blanches et d’une somptueuse fourrure. Le peintre construit cette œuvre avec une dynamique diagonale, limitant sa palette aux noirs profonds et aux blancs éclatants, posant la peinture avec des coups de pinceau amples et expressifs.

En 1913, il réalise le Portrait de Pelagia Witosławska, une œuvre d’une intensité remarquable où l’expression puissante du visage de cette vieille femme s’accorde parfaitement avec sa technique picturale : un clair-obscur marqué, des coups de pinceau larges et une texture expressive.

L’obsession du piano et le paysage interprété

Un motif récurrent dans son œuvre est le piano, souvent représenté comme un élément sombre et menaçant, parfois seul dans une pièce vide, comme dans Le Piano (1905). Une autre toile marquante est La Fillette au piano (1907), où une petite fille en robe rose est assise au centre de la composition, tandis qu’en arrière-plan trône un piano imposant et inquiétant. Cette œuvre, d’une virtuosité exceptionnelle, est peinte avec une grande liberté gestuelle et une pâte épaisse appliquée avec audace. La palette de couleurs, restreinte aux gris, au rose assombri et au noir profond, confère à la composition une tension dramatique.

Parallèlement à son travail de portraitiste, Krzyżanowski s’est également intéressé à la peinture de paysage, qu’il ne considérait pas comme une simple étude de la nature, mais comme un sujet d’interprétation libre. Il s’inspire de la peinture française de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, adoptant une approche impressionniste et subjective du paysage.

Entre 1904 et 1908, il réalise de nombreux petits croquis de paysages lors de voyages avec ses étudiants. Ces œuvres, exécutées avec une grande liberté technique, se distinguent par une palette intense et une simplification synthétique des formes. En 1908, il peint plusieurs versions de Nuages en Finlande, où l’attention se porte sur un amoncellement de nuages blancs et bleus flottant au-dessus d’une eau d’un bleu-vert profond.

Une reconnaissance artistique

Konrad Krzyżanowski a joué un rôle actif dans la vie artistique, exposant à Munich, Venise, Amsterdam, Rome, Saint-Pétersbourg et Kiev. Il fut également invité à participer aux expositions de la Société des Artistes Polonais Sztuka.

Son style, oscillant entre le symbolisme, l’expressionnisme et l’impressionnisme, fait de lui une figure singulière de la peinture polonaise du début du XXe siècle.

 

Aleksandra