Peintre et graphiste, Jozef Pankiewicz est l’un des premiers impressionnistes et symbolistes de l’art polonais de la fin du XIXe et début du XXème siècle. L’initiateur du colorisme dans la peinture polonaise des années 20. Professeur à l’Académie des Beaux-Arts à Cracovie, membre de l’Association des Artistes Polonais « Sztuka », et aussi celle de Prague « Manès ». Distingué par une médaille d’or à l’Exposition Universelle de Paris en 1899, et l’année suivante par une médaille d’argent à la même Exposition.

 

Lors d’un séjour à Paris avec son ami d’école Podkowinski, Pankiewicz reste très attentif au courant artistique en vogue, l’impressionnisme. Il y approfondit sa technique et forge sa personnalité artistique. De retour en Pologne, dans son travail en plein air, l’artiste revient fréquemment aux expériences parisiennes. Son lieu de prédilection est Kazimierz nad Wisla. Là-bas, en 1890, né le fruit de ses recherches dans le domaine de la lumière, de l’espace et de la couleur, le paysage « Woz z sianem » (Charrette de foins). Pankiewicz rend parfaitement le « sentiment de la nature » grâce aux couleurs claires : jaune, vert, bleu, en les appliquant en touches irrégulières. Ses autres œuvres de cette époque sont elles aussi, imprégnées des émotions impressionnistes : « Pejzaz z Czarnolasu » (Paysage de Czarnolas), « Droga w Kazimierzu » (Route à Kazimierz), « Okolice Kazimierza Lubelskiego » (Environs de Kazimierz Lubelski) et enfin « Lato » (l’été) – composition presque abstraite où l’artiste pratique une technique de pointillisme en juxtaposant des couleurs verte et jaune verte.

 

En 1890 Pankiewicz présente son œuvre au salon Krywulta et, comme son ami Podkowinski, devient une victime des attaques des critiques et du public. Cette expérience douloureuse marque un tournant dans sa création. L’artiste s’éloigne de l’impressionnisme claire à la lumière tamisée et réduit sa palette de couleurs. Il s’oriente vers le monochrome et les ombres. Dans les années 1892-1897 il peint une série de nocturnes : « Rynek Starego Miasta w Warszawie noca » (Vieille ville de Varsovie la nuit), « Labedzie w ogrodzie Saskim » (Cygnes dans le jardin Saski), « Dorozka noca » (Fiacre la nuit). Ce sont des compositions encore impressionnistes, mais exprimées à travers une palette de couleurs gris, noir et de temps en temps illuminées des effets jaunes et blancs. De ses nocturnes résulte le désir de découvrir le secret de la nuit parce que c’est elle qui sépare l’homme du monde.

 

Pankiewicz inspiré par la peinture de James Whistler, se révèle un artiste exceptionnel dans le portrait. A la demande de son ami Adam Oderfeld il réalise une série de portraits de membres de sa famille : « Portret zony z corka » (Portrait de l’ épouse avec la fille) et en 1897 deux portraits de fille « Dziewczynka w czerwonej sukni » (fille en robe rouge). Ces œuvres sont considérées très proches de la peinture de Whistler où un modèle plein de charme est présenté de face sur fond doré qui révèle les détails expressifs du visage.
L’amitié avec Feliks Jasienski, un passionné de l’art japonais, influence notre artiste sur le choix des sujets de ses futures créations. En 1908 il peint dans son atelier de l’Ecole des Beaux Arts « Portret Feliksa Jasienskiego przy fortepianie » (Portrait de Feliks Jasienski au piano) et « Japonka » (Japonaise).Tous les accessoires y sont : paravent, petite table, vase, gravure sur bois accrochée au mur. Le jeu des couleurs intenses (rouge, bleu, jaune) souligne davantage la beauté de la Japonaise dans toute sa splendeur.
Pankiewicz se montre également passionné par l’art japonais et en 1911 renouvelle cette expérience prenant comme modèle son épouse pour le tableau « Uspiona » (Endormie).

 

Depuis 1908 Pankiewicz habite à Paris. Il observe la mixité des courants artistiques ainsi que les artistes d’une renommé incontestable : Pierre Bonnard et Paul Cézanne. Pankiewicz tisse les liens très proches avec Bonnard, ils partagent le même culte pour les couleurs et les maîtres impressionnistes. Dans les années 1908-1914 il effectue de nombreux voyages au Sud de la France et ses paysages se situent à St Tropez, St Valey-en-Caux, Collioure. Il y découvre l’intensité de la luminosité méditerranéenne avec ses couleurs gaies et éclatantes comme la vie. Il est séduit par la couleur du ciel bleu et limpide, la côte rocheuse ou un port de pêche. Dans les années 1906-1908 Pankiewicz peint des natures mortes. Ce sont des compositions avec vases et tissus japonais comme « Budda i lewkonie », « Anemony » (Anémones), « Zlote rybki » (Poisson dorés), « Wazon perski » (Vase persan).

 

En arrivant en France en 1908 l’artiste change radicalement sa vision de la peinture. Il reste fidèle à ses sujets préférés, paysage, natures mortes, mais sous l’influence de la création de Cézanne, Pankiewicz révise sa technique . Ces changements sont bien perceptibles dans « Martwa natura z owocami i nozem » (Nature morte aux fruits et couteau). Pankiewicz modifie la disposition de natures mortes, il analyse le tableau du point de vue formel : composition, couleurs et contours. Partant du principe que c’est la première impression qui compte et sa représentation passe au second plan, Pankiewicz se concentre sur le jeu des couleurs. Pour lui le tableau devient surtout un foyer lumineux exprimé par des plages de couleurs pures.
Pendant la première guerre mondiale Pankiewicz séjourne à Barcelone et Madrid. Il fait connaissance de Robert Délaunay dont il partage l’atelier un certain temps. Pankiewicz reste sous son influence et découvre une nouvelle manière de représenter la réalité – le cubisme. De l’époque « de la couleur pure » et des formes cubistes, datent les tableaux : « Ulica w Madrycie » (Rue à Madrid) (1916), « Taras w Madrycie » (Terrasse à Madrid) (1917). Il utilise des plages de couleurs souvent violentes et intensément lumineuses, principalement les nuances rose-violet et vert agressif .

 

Après la I ère guerre Pankiewicz s’installe de nouveau à Paris. Et en 1923 décide de retourner au pays où il accepte le poste de professeur à l’Académie des Beaux-Arts à Cracovie. A cette époque il désavoue sa production antérieure. Il rejette en bloc toutes les autorités jusqu’à présent très honorées. Il critique la peinture du XIX et XX siècle, notamment celle de Jacques Louis David et Eugène Delacroix, ainsi que les œuvres de ses anciens amis Pierre Bonnard, Gustave Courbet et Paul Cézanne. Il rejette également toute son expérience puisée du cubisme durant son séjour en Espagne. Il s’oriente vers la peinture traditionnelle. Sa conception de la peinture est modifiée. « Elle doit exprimer la perception visuelle et aussi ce que les yeux pourraient voir en transposant les visions en formes et en couleurs à l’aide des teintes ». En 1925 il peint « Kwiaty w szklanym flakonie » (Fleurs dans un vase en verre) sa toile confirme le changement de son style : d’abord le dessin, ensuite valeur et couleur. L’artiste est décédé à Marseille en 1940.

Aleksandra avec l’aide précieuse de Kat