O Popielu
La légende de Popiel, un roi polonais légendaire, réputé pour sa cruauté et son arrogance, finalement puni par une horde de souris après avoir été maudit.
Un enregistrement audio en polonais de cette légende a été réalisé pour vous et se trouve en fin de page.
Il y a bien longtemps, dans des temps que même les plus vieilles grands-mères ne se rappellent pas, se dressait un château fortifié à Kruszwica, près du lac Gopło. C’était un magnifique édifice, bâti en rondins de mélèze et entouré d’un profond fossé. Le roi Popiel y régnait – autrefois simple bûcheron qui fertilisait la terre avec la cendre des arbres brûlés, d’où son nom. Il était sage et toujours prêt à donner de bons conseils. Malheureusement, lorsqu’il fut couronné roi, il devint tellement arrogant qu’il était inaccessible. Il délaissa sa chemise de lin et ses sandales pour se parer de soie fine et de précieuses fourrures. Il refusa de manger avec une cuillère en bois dans un bol en terre, exigeant à la place des mets exotiques servis dans des plats d’argent.
On lui présenta de nombreuses jeunes femmes, mais en vain. Il choisit une étrangère – mauvaise et perfide, tout comme lui.
Un jour, des paysans – ses anciens voisins et amis – vinrent au château.
— Nous sommes venus pour discuter avec toi – dirent-ils. Il en avait toujours été ainsi, le chef écoutait les avis des villageois, respectait les paroles des anciens…
— Cela, c’était avant – répondit fièrement Popiel. – Plutôt que de vous laisser participer à mes décisions, je préférerais être dévoré par des souris.
Blessés profondément, les paysans partirent. Popiel n’aurait plus d’armée fidèle et paysanne pour répondre à son appel.
— Engage des étrangers, ce sont eux qui te défendront – lui murmura sa femme à l’oreille.
Les années passèrent. Le château de Kruszwica débordait de luxe. Plus les festins et les tournois étaient somptueux, plus la misère s’abattait sur les pauvres chaumières paysannes. La situation se dégradait.
Un jour froid et pluvieux, une vieille femme pauvre frappa à la porte du château. Le vent soufflait dans son châle déchiré, elle tremblait de froid.
— Conduisez-moi au roi – demanda-t-elle.
— Ne comptez pas sur de l’aide – secouèrent la tête les gardes. – Il ordonne de chasser immédiatement tous les vagabonds et mendiants.
— Mais je suis sa mère…
Surpris, les serviteurs reculèrent. L’un d’eux conduisit la vieille femme dans la salle du trône.
— Mon fils – dit la pauvre femme en tendant les bras – mon fils, prends pitié de ton peuple.
— Dehors ! – hurla Popiel. – Que je sois dévoré par des souris, si c’est ma mère !
Les gardes repoussèrent la vieille femme dans la nuit noire et pluvieuse.
Peu de temps après cet événement, un serviteur de confiance informa Popiel que les paysans commençaient à se révolter.
— Ils disent, mon roi, qu’ils ne t’écouteront plus et qu’ils choisiront un de tes oncles comme roi – murmura-t-il en regardant autour de lui pour s’assurer que personne n’écoutait.
— Invite-les à un festin – conseilla sa femme à Popiel – et laisse-moi faire le reste.
Quand tout le monde dormait au château, elle descendit à la cave et empoisonna le vin destiné aux invités.
La tradition polonaise sacrée exigeait l’hospitalité, ainsi le roi, vêtu de ses plus beaux habits, alla accueillir ses oncles et les invita à table. Ils s’y installèrent joyeusement, ignorant qu’il s’agissait de leur dernier repas…
— Que je sois dévoré par des souris si quelqu’un ose encore menacer mon pouvoir – ricana Popiel tandis que le corps du dernier oncle était emporté par les vagues du lac.
À peine eut-il prononcé ces mots que le ciel s’assombrit, un vent violent se leva et le lac murmura sinistrement. Effrayé, le meurtrier s’enfuit dans sa chambre, mais aussitôt des souris commencèrent à sortir de tous les recoins et fissures. Des milliers de souris…
— Au secours ! – hurla le malheureux, se précipitant vers la porte – les souris le suivaient. Il courut dans la cour, puis vers le lac – il nagera jusqu’à l’île, là-bas, elles ne l’atteindront pas. Il jeta son manteau et nagea. À peine avait-il atteint la rive que les souris sortirent de ses bottes, de ses poches, de son col. Popiel s’effondra au sol et ne se releva plus. Là où il était tombé, même l’herbe cessa de pousser. Personne ne lui érigea de tombe, personne ne pleura sur lui, car pourquoi se souvenir d’un tel roi ?
Raconté pour vous par Aleksandra