Oubliés de la dernière guerre, ils sont pourtant des milliers à avoir lutté, à être morts afin de défendre une patrie qui n’était pas la leur. Pour la plupart, leurs familles ne savent pas ce qu’ils sont devenus. Il était temps d’essayer de réparer cette injustice de l’histoire. Dans la continuité du travail du lieutenant Robardet, nous avons essayé de regouper toutes les informations disponibles que nous avons trouvées. Partez vous aussi à la recherche de ces soldats polonais disparus et de leur histoire.
Le 14 Juin 1940 au petit matin, l’armée allemande attaque la ligne Maginot. Le soir même, les troupes françaises se replient vers le sud en laissant en place des éléments de retardement.
Ces unités auront la lourde charge de protéger le repli. Parmi elle la première Division des Grenadiers Polonais. De la ligne Maginot jusqu’à Saint-Dié dans les Vosges en passant par Dieuze et Lagarde plus de 500 soldats Polonais perdront la vie pour ralentir l’avancée ennemie .
Dans cette partie de la France annexée, aucun travail ne fut fait par l’occupant pour recenser et protéger la mémoire des corps éparpillés sur le champ de bataille . Beaucoup restèrent là, où la mort les avait trouvés. Certains furent relevés par la population et inhumés dans des petits cimetières communaux .
Ce n’est que deux ans après ces heures sombres de juin 40, qu’un officier Français, prisonnier de guerre, demande l’autorisation à l’occupant, d’entamer un travail de regroupement et de recensement de ces soldats .
Cet homme, le Lieutenant Robardet, avec son ‘’commando’’ de prisonniers, parcourt le champ de bataille pour tenter de donner à ses frères d’armes une sépulture et une identité. Dans un fichier, il note scrupuleusement tous les renseignements qui pourront permettre une identification . Les corps seront regroupés dans des nécropoles militaires, telle Dieuze qui accueillera ainsi 190 sépultures. Si les soldats Français portent une plaque matricule, des papiers et un uniforme qui permettent une identification, ce n’est pas le cas des soldats Polonais dont beaucoup n’ont ni plaque ni papiers , et un uniforme souvent loin d’être réglementaire. Ceci expliquera le nombre important d’inconnus .
Leur abandon sur leur le champ de bataille durant deux ans, leur inhumation hâtive, ne facilitera pas la tâche de recherche du commando Robardet . Au début des années 1960 des volontaires, vétérans de la Division ou immigrés Polonais travaillant dans les mines de Lorraine, poursuivirent le travail du lieutenant Français. Ils purent ainsi rapatrier sur Dieuze et Sarrebourg des corps non trouvés par le commando, ou qui reposaient en zone non annexée, inaccessible alors à Robardet .
Des soldats morts en captivité, ou des aviateurs morts en Lorraine comme les hommes du Lancaster PB823 trouvèrent ainsi, grâce à ces volontaires, une dernière demeure.
Sur les 500 Grenadiers connus tombés en 1940, seul une moitié y compris les inconnus , trouveront une sépulture. Aucune réponse à ce jour concernant le destin des corps qui ne reposent ni à Dieuze, ni à Sarrebourg .
Une moitié des soldats venaient de Pologne, l’autre de France. La guerre et l’après guerre bouleversera la vie de nombreuses familles polonaises, et beaucoup d’entre elles, ne purent ou ne trouvèrent aucune aide pour entamer des recherches sur leur soldat disparu .
Quant aux soldats venant de France, ils étaient issus des rangs des travailleurs, immigrés 10 ou 20 ans plus tôt. La précipitation de leur mobilisation, l’état de désorganisation de la France durant cette période, ne permirent bien souvent pas, d’informer les familles sur les unités combattantes auxquelles ils appartenaient . Certains vivaient en France, sans famille, travaillant souvent dans l’agriculture, ne parlant pas bien français, autant de conditions qui jetèrent ces hommes dans l’oubli total !
Ceci explique que si parmi les dizaines de soldats Français inhumés à Dieuze de juin 1940 à 1942, un seul corps ne fut pas retourné à la famille après guerre, parmi les Polonais un seul soldat fut exhumé pour être rendu aux siens. La difficulté de l’administration pour orthographier les noms, beaucoup sur les croix comportent des fautes , est aussi un élément qui a compliqué les recherches. Ainsi beaucoup de familles, ne connurent jamais le lieu de la dernière demeure de leur fils . Et ce sera plusieurs dizaines d’années plus tard, que certaines l’apprendront. Lors de recherches faites à Dieuze en 2002 sur ces soldats oubliés, le frère d’un Grenadier mort à Dieuze en juin 1940, fut retrouvé dans le sud de la France, il apprit à cette occasion le lieu de sépulture de son frère 62 ans après leur séparation, avec l’émotion que l’on imagine ! Ce n’est pas un cas unique mais l’histoire reste cependant encore à écrire pour de nombreuses familles.
Dans les années d’après guerre la communauté polonaise commémorait régulièrement avec faste le souvenir du sacrifices des Grenadiers Polonais. Des dizaines de cars faisaient le déplacement de Pologne, et le général Anders et Duch honorèrent souvent de leur présence ces rendez – vous .
J.P. Gaillot
Toutes les tombes du cimetière de Dieuze sont dans l’album photos de Beskid, dédié aux militaires polonais tombés en France ( Merci à Frania )