Piast le Charron
Dans un petit village près de Kruszwica, vivait à l’époque un simple villageois nommé Piast, charron de métier. C’était un travailleur acharné, connu pour sa grande force et son bon cœur. Il ne refusait jamais d’aider les gens, même les étrangers. Piast avait une femme, Rzepicha, tout aussi bonne et travailleuse que son mari. Le jour du baptême de leur fils aîné approchait.
Ce jour-là Rzepicha nettoya le sol et décora les tables avec des feuillages verts. De la cuisine émanait une odeur de viande rôtie, sur les étagères se trouvaient des miches de pain encore chaudes, des morceaux de fromage, des bols de raviolis, des paniers de pommes et de noix. La bière et le miel aromatisé aux baies forestières attendaient en fûts.
– Bientôt, les invités commenceraient à arriver.
Rzepicha regarda tendrement son fils. Lui qui, hier encore, était aussi petit qu’un elfe des champs, lui arrivait maintenant à l’épaule. Ses cheveux blonds lui tombaient sur les épaules.
C’est un jour inhabituel, car lorsque le garçon atteint l’âge de sept ans, ses longs cheveux sont coupés pour signifier qu’il passe de la garde de sa mère à celle de son père. Il pourra hériter de la terre et apprendre à la gérer. Ce jour-là aussi, il reçoit un nom qui l’accompagnera jusqu’à la fin de ses jours.
Une seule ombre étreignait le cœur de la mère. L’enfant ne voyait pas. Il se déplaçait en toute confiance dans la maison car il savait où se trouvait chaque objet.
Mais quand on a peur du monde, on a toujours envie de s’accrocher à la jupe de sa mère ou au manteau de son père. Que deviendrait-il lorsqu’il resterait seul ?
Rzepicha chassa ses pensées tristes, car les invités commençaient à arriver. Piast décida de sortir les tables de la maison et de les placer à l’ombre des tilleuls voisins – il ferait plus frais et plus agréable. Les invités endimanchés se rassemblèrent autour de l’hôte. La cérémonie allait commencer dans un instant.
Le garçon s’agenouilla solennellement devant son père. Sa mère étendit un linge blanc devant lui. De légères mèches de cheveux coupés tombèrent au sol.
– Je te nomme Ziemowit – annonça solennellement Piast et Rzepicha essuya discrètement une larme.
Les invités se réjouissant, festoyèrent et firent des éloges à la bonne hôtesse.
Le crépuscule commençait déjà à tomber sur la clôture lorsque deux étranges voyageurs s’approchèrent de la chaumière.
– Un invité dans la maison, Dieu dans la maison – les salua Piast et Rzepicha mit de l’eau à chauffer pour les voyageurs
– Peut-être qu’il reste un poisson ou un morceau de fromage dans un coin ? Elle regarda dans le cellier et… resta sans voix. Les étagères pliaient sous le poids de toutes sortes de nourriture. Elle se frotta les yeux. Rien ne disparut. Piast, tiré par la manche, resta bouche bée d’étonnement.
– Où as-tu trouvé tant de nourriture ?! – murmura-t-il.
Après que les visiteurs se furent reposés et eurent mangé, ils demandèrent s’ils pouvaient eux aussi bénir l’enfant. Ziemowit se tint devant eux, et le plus âgé des voyageurs fit le signe de croix au-dessus de sa tête, puis regarda le ciel et sourit comme s’il remerciait quelqu’un pour quelque chose.
– Maman ! – cria soudain l’enfant – je vois !
– C’est ainsi que verra ton peuple, Piast, et ta descendance régnera longtemps sur lui, – sur cette parole prophétique, les nouveaux venus disparurent.
Il y eut un profond silence. Tout le monde regardait en silence l‘endroit où les étrangers s’étaient tenus. Personne n’osait même bouger. Seul Ziemowit courait autour de la maison, regardant avec ravissement les gens, les oiseaux et les arbres.
Peu de temps après cet événement, le roi Popiel mourut et les paysans commencèrent à se rassembler pour élire un nouveau dirigeant. Beaucoup d’entre eux s’arrêtèrent dans la chaumière de Piast pour demander l’avis du sage. Certains avaient entendu parler du miracle accompli par de mystérieux pèlerins et voulaient voir Ziemowit de leurs propres yeux. C’était une chose que personne ne pouvait comprendre. Piast reçut et servit tout le monde et la nourriture ne manquait jamais dans sa chaumière. Finalement, le plus âgé des paysans n’en pouvant plus demanda directement :
– Nous savons, Piast, que tu es un bon hôte, un habile charron et un bon apiculteur, mais comment est-il possible que tu aies nourri autant de monde ?
– Je n’y suis pour rien – répondit modestement Piast. – Depuis que des voyageurs inconnus se sont arrêtés dans cette chaumière, la bénédiction n’a pas quitté mon seuil.
– Nous cherchions un signe – dit le vieil homme – et le voici. Que Piast soit notre roi.
– Qu’il nous gouverne ! – criaient les paysans à l’unisson et ils emmenèrent le nouveau souverain au château de Kruszwica. Obéissant à la prophétie des mystérieux étrangers et à la volonté du peuple, Piast accepta la couronne, mais ordonna de placer sa charrue à côté du trône afin de ne jamais oublier de quel état il venait et qui il devait servir.
C’est ainsi que naquit la dynastie des Piast, famille dont sont issus les premiers rois de Pologne.
Raconté pour vous par Aleksandra