Aussi loin que je puisse me souvenir, je vois ma grand-mère préparer une grande corbeille,y mettre son plus beau napperon en dentelle et y rajouter avec beaucoup d’amour du Chleb (pain), de la Kiełbasa (saucisse), du masło (beurre), Sól (sel) des pisanki (œufs colorés), du chrzan (raifort), et le baranek (l’agneau) un gâteau fait dans un moule.
C’était le début des années cinquante, les années d’après guerre, le panier garni grand-mère nous invitait tous à nous rendre a l’église. En sortant dans le jardinet de cette cité minière on entendait a gauche et a droite des « Dzien dobry » des « cześć » des « witaj » et au fur et a mesure que l’on avançait vers l’église, un cortège joyeux se formait, des dizaines de familles ayant un ou plusieurs paniers se dirigeaient vers le lieu de la bénédiction ! Sur la place principale de la cité attendait un groupe folklorique en costume traditionnel et quelques musiciens .Alors se formait le vrai cortège, ayant a sa tête les représentants des différentes associations Polonaises, en musique et en chantant se dirigeait vers le lieu du culte. Arrivés à l’église les paniers étaient déposés dans le cœur près de l’autel et attendaient d’être béni. La tradition du « panier béni » koszyk wielkanocny ou święconki est très importante, elle a lieu le Samedi Saint, selon le rite chrétien. Cette tradition semble avoir été instaurée au VIIIe siècle au fur et a mesure du temps on a limité les aliments à 6.Cette nourriture bénie est généralement mangée au petit déjeuner le dimanche de Pâques.

Pour en savoir plus sur les traditions de pâques je vous conseille de lire l’excellent article d’Aleksandra
https://www.beskid.com/paques.html
Mais, depuis tout petit, de toutes ces préparations, il y en a une qui m’a le plus fascinée, cela ce passait le vendredi saint l’après-midi, …c’était la confection des pisanki

 

Cette tradition a toujours été bien vivace jusqu’à nos jours que ce soit ici en France dans la Polonia, (surtout dans le nord ou l’est du pays) ou dans la culture polonaise, la tradition des œufs décorés (pisanki) est liée à la fête de Pâques. La décoration des œufs en Pologne est un des arts populaires ancestraux.  Le plus ancien des œufs décoré polonais, découvert dans des fouilles à Ostrόw près d’Opole et élaboré suivant les mêmes techniques qu’aujourd’hui, date du Xe siècle.  Le Pisanki polonais est le nom commun pour un œuf (habituellement d’une poule, bien que l’oie ou les œufs de cane soient également employés) décoré par diverses techniques. Au début tradition païenne, le pisanki a été intégré par le christianisme pour devenir l’œuf de pâques traditionnel. Les Pisanki symbolisent maintenant la renaissance de la nature et de l’espoir des chrétiens dans la résurrection du Christ. Aujourd’hui en Pologne les pisanki sont sanctifiés le samedi de Pâques avec le panier traditionnel de Pâques. Le dimanche de Pâques, avant le déjeuner cérémonieux, ces œufs sont échangés et mis en commun à table entre les membres de la famille. C’est un symbole de l’amitié, semblable au partage de l’Opłatek (gaufrette de Noël) pendant le réveillon de Noël.

Œufs Décorés, Pisanki : leurs symboliques, leurs magies.

A l’époque de l’Équinoxe de printemps, les œufs étaient utilisés pour créer des talismans et étaient également mangés rituellement. Il est probable que les œufs de nombreux types d’oiseaux au printemps étaient un plus dans le régime alimentaire des premiers chasseurs-cueilleurs, après les restrictions de l’hiver. Il est aussi possible que le ramassage d’une variété d’œufs dans les nids par nos ancêtres donna naissance à deux coutumes, encore populaires aujourd’hui – la chasse aux œufs de pâques et la coloration des œufs pour imiter les diverses couleurs pastels des œufs d’oiseaux sauvages.

Certains croient également que les premiers humains eurent l’idée de tresser des paniers en regardant les oiseaux construirent leurs nids. Ainsi, se trouve peut-être l’origine de l’association des œufs colorées de pâques et les paniers de pâques.

Le mot, « pisanki » (de pisać = écrire) parce qu’on écrit les signes sur la surface de l’œuf dans un riche langage de symboles. Ceux-ci peuvent être répartis en trois catégories : les animaux, les végétaux et plus largement les formes géométriques

 

 

 

Écrire sur un œuf

Il existe différents types de d’oeufs décorés, en fonction de la technique utilisée, ils ont très souvent des motifs différents, propres à chaque région. Certaines pisanki sont assez faciles à réaliser, d’autres moins.   Il existe diverses techniques nécessitant un véritable tour de main transmis de génération en génération au cours des veillées précédant Pâques. On travaille soit sur un œuf « dur » (dans le cas d’une coloration aux moyens de végétaux) soit sur une coquille vide (on perce un petit trou à chaque extrémité de la coquille et on vide son contenu en soufflant) soit sur un œuf en bois qui n’est pas fragile et plus facile à peindre.

Les Kraszanki, ce sont des œufs qui sont cuit « dur » dans une décoction de matières végétales ou plus simplement de colorants ménagers .Ils sont de couleurs uniques et ce sont les plus simples à réaliser

 

Coloration de Kraszanki

Les rysowanki-skrobanki ou drapanki : Sont faits en rayant la surface d’un kraszanka avec un outil pointu pour faire ressortir la couleur de la coquille d’oeufs.
On travaille sur une coquille d’œuf vidée ce qui constitue une réelle difficulté, car il ne faut pas briser la coquille par une pression trop forte de l’outil graveur. La moindre erreur de gravure ne se rattrape plus

 

Drapanki-skrobanki-rysowanki

Les Naklejanki – Nalepianki de la région de Łowicz (Est de la Pologne centrale) on utilise la technique qui consiste à découper des motifs, propres à cette région, dans des papiers de couleurs différentes et ensuite à les coller sur un œuf afin d’obtenir une image.  Cette technique particulière est également utilisée dans l’art de « Wycinanki » (découpages) si spécifique de la région de Łowicz.

 

 

Autre technique de décoration des œufs, beaucoup plus naturelle :

Il faut tout d’abord bien laver les œufs, puis les cuire « dur ». Confectionner des colorants, soit naturel soit que vous avez achetés, dans différents récipients. Humidifiez la surface des œufs et déposer y des feuilles que vous avez cueillies dans la nature ou dans votre jardin. Laisser libre court a votre imagination, l’utilisation de toutes sortes de feuilles est possible .Pour assurer un meilleur maintient de la feuille sur la coquille de l’œuf, vous pouvez utiliser comme « colle » du blanc d’œuf cru.
Enveloppez doucement l’œuf dans un morceau de bas ou de collant, l’attacher d’un coté de l’œuf avec de la ficelle ou un élastique bien étirer le morceau de collant et l’attacher a l’autre bout ( attention a ne pas fissurer ou faire éclater l’œuf). Puis déposer l’œuf dans le colorant pendant quelques minutes, Après avoir contrôlé la couleur de l’œuf, vous pouvez le retirer du colorant, le déposer sur un essuie tout, défaire les ficelles et retirer l’œuf du bas. Si elle ne s’enlève pas toute seule, bien sur enlever délicatement la ou les feuilles de l’œuf
Lorsque l’œuf est entièrement sec, essuyez le légèrement avec de l’huile, cela lui donnera un brillant et un éclat étonnant
C’est de toutes les techniques c’est celle qui amuse le plus les enfants, on les occupe déjà bien a la cueillette des feuilles ou des fleurs au jardin ou dans la campagne environnante. Ils sont toujours très surprit du résultat

Oklejanki ou wyklejanki les œufs sont cuits à la coque on colle divers modèles de papier coloré, du papier couleur, du fil, de la paille, du roseau,

Oklejanki-wyklejanki

Les Malowanki sont aussi des coquilles d’œufs évidées, ou en bois. Ce sont des motifs peints au pinceau en utilisant de la peinture. Ce sont ces œufs que l’on achète dans les Cepelia ou sur les marchés et que l’on ramène en souvenir

Le procédé de fabrication d’un pisanki est beaucoup plus simple qu’il en a l’air. De base, c’est une méthode de réserve par la cire, similaire au batik. Un outil appelé kitska (disponible dans certains magasins d’art) [cet outil, que l’on utilise pour la fabrication des batiks se nomme tjanting], vous le trouverez dans les magasins de peinture sur soie. Cet outil se compose comme suit : un minuscule entonnoir en cuivre est fiché au bout d’un manche en plastique ou en bois, la cire d’abeille fondue est dessinée sur la coquille de l’œuf. La cire est chauffée à la flamme d’une chandelle, qui devient noire et ainsi est nettement visible sur la coquille. Partout où la coquille d’œuf porte de la cire, celle-ci est protégée et restera de la couleur de la coquille de l’œuf. Lorsque toutes les parties blanches du dessin ont été marquées de cire, l’œuf est placé dans un premier bain de teinture. Les teintures de pisanki sont transparentes, ainsi les bains de teintures sont toujours réalisés des plus clairs aux plus sombres – ou jaune, orange, rouge, puis brun ou noir ou pourpre. Une fois que l’œuf est teinté d’un bon jaune, il est retiré de son bain de teinture, et toutes les parties du dessin destinées à rester jaunes, sont cirées. L’œuf est alors placé dans un bain de teinture orange. Ce procédé est répété jusqu’à ce que l’œuf soit teinté de la couleur la plus sombre souhaitée. Lorsque l’œuf est retiré du bain de la teinture finale, la manière la plus aisée pour retirer la cire et de placer l’œuf dans un four à basse température, environ à 200 degrés avec la porte entrouverte, jusqu’à ce que toute la cire semble humide. Elle peut alors être retirée doucement à l’aide d’une serviette en papier, révélant les couleurs éblouissantes et les incroyables dessins del’œuf une fois terminé, qui est alors enduit d’un vernis très brillant

 

 

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L’outil de la technique de la cire Les différentes étapes de la coloration d’un pisanki

L’idéal est d’utiliser des œufs blancs, malheureusement ils sont de plus difficile a trouver. Il est vrai qu’avec des œufs qui ont une couleur « sable » en les colorants on n’a pas toujours la couleur attendue

La coloration :
La plus simple et la plus ancienne à faire est de rajouter à l’eau de cuisson des œufs divers éléments végétaux, bien sur aujourd’hui, toutes sortes de teintures commerciales sont disponibles pour colorer les œufs, mais il est possible de les teindre, pour le printemps, avec des teintures naturelles.

Voici quelques exemples de colorant naturel :
Un superbe orange tendre peut être obtenu en faisant bouillir la peau d’un seul oignon avec quelques œufs. Une poignée de peaux d’oignons donnera une profonde couleur rouille.

Une demi-cuillère à thé de curcuma (parfois appelé safran des Indes) avec une petite quantité d’œufs, teintera leurs coquilles dans un jaune lumineux, chaleureux.

Du jus de betteraves et du vinaigre teinteront les coquilles d’œufs en rose.

Les œufs bouillis avec du vinaigre et quelques feuilles extérieures de chou rouge, puis laissés à tremper toute une nuit à froid, auront le plus incroyable bleu des œufs de rouge-gorge ; mais gare aux éraflures, cette teinture part facilement.

Des feuilles d’ortie des jeunes pousses de céréales pour un vert tendre, de l’épinard pour un vert plus foncé ou betteraves rouges pour du pourpre.
De l’écorce de chêne, des coquilles de noix ou de l’écorce d’aulne donneront un beau noir
L’écorce du jeune pommier ou de la fleur du souci vous donneront une belle couleur or
Bien sur on peut essayer toutes sortes de décoction en utilisant différentes plantes en les mélangeant entre elles et l’on peut créer ainsi toutes sortes de couleurs
La symbolique des couleurs utilisées pour la coloration des œufs de Pâques.

Chaque couleur a une signification spécifique. Non sans raison, nos grands-parents ont utilisés des couleurs spécifiques pour peindre les œufs de Pâques. Ceux-ci sont d’abord offert a la famille puis aux amis et aux connaissances. Les œufs de Pâques donnés en cadeau, donnaient une meilleure santé, de la force et du succès dans les affaires de cœur.
Les œufs peints en rouge symbolisaient le sang versé par le Christ pour les péchés des hommes. La couleur rouge était spéciale après la guerre, elle commémorait les parents assassinés. Le rouge signifie aussi le bonheur dans la vie, l’espoir, le soleil et la passion. Le noir signifie l’éternité, la mémoire. Le violet et la couleur bleue symbolise le Carême, le deuil, en les plaçant sur les pisanki de Pâques cela signifiait la fin de celui-ci et le retour de la joie et de la résurrection. Le bleu symbolise le ciel et l’air, c’était un symbole de santé. La joie de la résurrection de Jésus était symbolisée par les couleurs jaune, rose et verte. Le vert est aussi un symbole d’espoir, du printemps et d’une nouvelle vie. Le blanc signifie la pureté de l’innocence et la naissance. Le Jaune clair, la pureté, la jeunesse, le bonheur et l’hospitalité (cordialité). L’orange ou brun clair, un symbole de force et de patience.
Dans le temps, seulement les femmes ont décoré les œufs. Il était interdit aux hommes d’être dans la maison pendant le processus, car on a longtemps cru qu’ils pourraient jeter un sort aux œufs et faire venir la mauvaise chance.
Jusqu’au 8 ème siècle, l’église catholique a interdit la consommation des œufs pendant la Pâques. L’église a souhaité se distancer des racines païennes de la tradition liée au culte des morts, dans lesquels l’œuf a joué un rôle important comme symbole de renaissance. Cette interdiction a été levée, mais il était nécessaire d’offrir une prière spéciale avant la consommation des œufs.
Toujours est-il que la grande majorité des symboles qui continuent d’être utilisés aujourd’hui sont d’origine païenne. Lors de la réalisation des dessins d’un œuf, ces symboles se combinent pour créer et recréer des valeurs (sens, significations) d’une variété infinie qui est unique à chaque œuf, parce que deux pisanki ne sont jamais exactement pareils.

 

 

C’est une technique Łemkos et Hutsuls qui donne les dessins proches des larmes

Le symbolisme commence avec l’œuf lui-même. L’orbe doré de son jaune représente le Dieu Soleil, sa coquille blanche est perçue comme représentant la Déesse Blanche et son tout est un symbole de renaissance. Nous savons aujourd’hui que la production d’un œuf de volaille domestique commence lorsque la rétine de l’œil d’une poule est stimulée par plus de douze heures de lumière d’une journée. Cette connexion entre les œufs et le changement d’équilibre, qui passe de l’obscurité à la lumière, au moment de l’équinoxe de printemps, n’a pas été perdue par les Païens de l’ancien temps. Et ainsi, le dessin de signes magiques sur un objet symbolique devient un rituel, pour aider le Soleil a gagné de la force et du pouvoir sur l’obscurité lors de l’équinoxe de printemps.


Malowanki ( œufs en bois)

La manière la plus traditionnelle de marquer un œuf, c’est de lui dessiner des bandes qui l’encerclent, qui représentent l’éternel cycle de naissance, mort et renaissance.

Les pisanki sont de puissantes amulettes qui aident à maintenir l’équilibre entre la moitié sombre de la Roue de l’Année, avec ses éléments de mort et déclin, et la moitié lumineuse de croissance et de renaissance. Mais à part leur importance dans le rituel et la magie saisonniers, ils sont également de puissantes amulettes de fertilité, de prospérité et de protection à un niveau personnel. Une femme souhaitant commencer une famille pourrait faire ou se voir donner un œuf marqué de symboles de fertilité et de féminité. Son époux pourrait recevoir un œuf portant le symbole de coq. Les pisanki avec leurs puissants symboles de protection tels que les bandes encerclantes garde une maison et ceux qui y résident des attaques psychiques, et les œufs portant des symboles d’eau, tels qu’une ligne de méandres bleue, sont particulièrement considérés comme une puissante protection contre le feu. Dans le passé, si un feu commençait dans une maison, un œuf était porté tout autour du feu afin de contenir son énergie et l’empêcher de se propager. Boucles et spirales apportent la protection divine, tout comme les bandes encerclantes. Points et petits cercles sont des étoiles, qui prodiguent chance et succès. Les pisanki ornés de dessins de blé étaient enterrés dans le premier et le dernier sillon du champ d’un fermier pour assurer une récolte abondante. La plupart des pisanki sont gardés dans la maison comme amulettes protectrices et sont fièrement mis en évidence tout au long de l’année.

Bien sur il y aurait encore beaucoup à dire sur cette tradition de peindre, colorié, graver les œufs pour les fêtes du Wielkanoc. Nous approchons de cette période de Pâques, de l’équinoxe de printemps qui va nous sortir de ce long hiver qui n’en finit pas. Nous allons, nous remettre à créer des pisanki, l’on aura préparé et fait bénir le samedi saint le koszyk wielkanocny et nous nous retrouverons, dans la tradition polonaise, le dimanche matin à partager la Święconka (le panier béni) en famille au petit déjeuner. Puis nous nous offrirons les pisanki et les vœux comme cela se fait dans notre chère Pologne depuis la nuit des temps…..
Et le lundi de Pâques nous n’oublierons pas le Śmigus-dyngus (Oblewanką, Polewanką) Ce rituel arrosé, appelé « Lany poniedzialek », « lundi mouillé », découle sans doute d’un culte païen qui était célébré au printemps, l’eau symbolisant la pureté et la fertilité. La coutume voulait alors que les filles à marier soient aspergées d’eau ou de parfum par de jeunes hommes. Les filles fuyaient en criant, mais dans leur cœur, elles étaient heureuses parce qu’elles savaient que celles qui n’etaient pas mouillées ne seraient pas épousées cette année.
Au fil du temps, cette parade nuptiale s’est transformée en réjouissance populaire, un exutoire qui arrive à point nommé après la très sérieuse messe de Pâques. C’est le jour dans l’année où la consommation d’eau en Pologne monte en flèche !!!!

 

 

Najserdeczniejsze życzenia zdrowych,
radosnych i spokojnych Świąt Wielkiej Nocy,
smacznego jajka, mokrego dyngusa,
a także odpoczynku w rodzinnym gronie.
Niech każdy z nas wykorzysta ten czas jak najlepiej.

 

Ryszard